Rachid BOUDJEDRA (1941) - Fascination (2000)
Rachid BOUDJEDRA (1941) - Fascination (2000)
L’intrigue du livre est difficile à résumer. Elle tourne autour d’une prolifération de personnages affublés de prénoms de trois lettres contenant tous la lettre L, Ali, Ali Bis, Ila, Lil, Lol, Lam, Eli, Mol, Ela... Aucun n’a de nom patronymique. Le père de famille, Ila, militant indépendantiste, est propriétaire d’un haras internationalement renommé à Constantine. Il élève des chevaux de pure race arabe et voyage à travers le monde à la recherche d’étalons et de pouliches susceptibles de donner les meilleurs croisements. Fascination étant le fruit d’un de ces métissages. Son mariage avec Lil étant stérile, Ila a adopté une kyrielle d’enfants, Ali, Ali Bis, Lol dont les parents biologiques ont été sauvagement massacrés par de riches colons, Lam, le plus jeune. Chaque prénom contient la lettre L comme dans Ali.
Lam suit le même cursus que Rachid BOUDJEDRA dans sa jeunesse : naissance en 1941, études à Constantine puis à Tunis, Baccalauréat en 1959, engagement dans le maquis, blessure. Nous le suivons à Moscou, Pékin, Hanoï, Barcelone, Alger, Paris où il travaille pour le FLN. Lam souffre de ne pas connaître ses origines, d’avoir été amputé de son nom et est hanté par l’inceste qu’il a commis avec Lol.
Lol est une femme excentrique au caractère terrible, au langage ordurier, homosexuelle, sans complexe quant à sa nuit d’amour avec son jeune frère Lam.
Ali et Ali Bis ont disparu, l’un avec la sacoche contenant la recette de la vente d’étalons en compagnie de sa maîtresse, l’autre le poursuivant. Tous deux ayant des destins parallèles à travers les péripéties de la Seconde Guerre Mondiale et des guerres coloniales, sans se retrouver pour autant.
Le récit des aventures de ces différents personnages est noyé dans des extraits d’encyclopédies, de journaux, de récits de grands voyageurs (Marco Polo), d’historiens (Salluste, Ibn Khaldoun, Ibn Batouta), de rapprochements entre certains personnages d’Un Amour de Swann, de Marcel Proust, d’Ulysse de Joyce ou du Bruit et la Fureur de William Faulkner. Est-ce pour donner du poids à une intrigue sans tension ?
L’histoire à la manière des contes orientaux est truffée de répétitions rappelant les caractéristiques d’une situation ou d’un personnage. Ce procédé ne réussit pas à donner du rythme au récit, ni à maintenir l’attention du lecteur en suspend, il finit même par lasser.
L’auteur a une volonté certaine de casser les valeurs des pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. La virilité : il imagine un père de famille stérile. La religion : il réduit la religion musulmane à une série de dogmes et de rituels mécaniques. Le sexe : Son héroïne, Lol est lesbienne et a eu une relation incestueuse avec son frère.
Pour ce qui est de la politique, la colonisation française est évoquée de façon manichéenne et répétitives. La sauvagerie des assassinats et des combats, les viols ne viennent que d’un seul camp. Il n’est pas question de nier les horreurs et les erreurs de la conquête de l’Algérie, de son occupation puis de la guerre de décolonisation, mais les arguments avancés sentent le discours de propagande marxiste léniniste bien rôdé. De toutes les partenaires de Lol, l’auteur privilégie la femme d’un gros colon et l’épouse d’un haut fonctionnaire. De toutes les dames de la maison close de Bône, c’est une prostituée d’origine française qui incite Ali Bis à voler la sacoche bourré d’argent pour fuir avec elle. Où se trouve le vice ?
Toutes ces transgressions peuvent séduire une jeunesse algérienne déçue et aigrie, réduite au chômage en dépit de ses diplômes dans un pays qui se cherche politiquement et économiquement. Mais quelle issue le conteur offre-t-il à l’errance de Lam et à celle de ses frères et sœur ? Le père mort, chacun se range gentiment et travaille à la prospérité de l’affaire familiale. Tout est bien qui finit bien ! Est-ce exaltant pour un jeune qu’on a incité à tout secouer ?
Connaissant les goûts d’une grande partie des intellectuels français et du monde de l’édition, j’adopte volontiers la supposition de Mokhbi Abdelouahab [1]comme mienne «...est-il mu par l’obsession de plaire à ceux qui l’on fait figurer parmi les dix meilleurs écrivains du siècle ? ».
J’avais choisi ce livre écrit par un Algérien dans l’espoir d’y trouver des réponses sur la société algérienne. Je n’ai trouvé qu’un pamphlet incitant à la haine et au rejet des valeurs traditionnelles sans apporter la moindre solution, dissimulé dans une intrigue singulière.
ColineCelia a lu aussi (La Vie à l’endroit) 1997 de Rachid BOUDJEDRA
http://colinecelia.canalblog.com/archives/2011/04/24/20967180.html
Ecrire pour qui et pourquoi ?
mardi 15 février 2005, par Mokhbi Abdelouahab
http://www.e-litterature.net/publier2/spip/spip.php?article68