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26 juillet 2010

René DEPESTRE (1926) - – BIOGRAPHIE

René DEPESTRE (1926) _ Biographie[1]

René DEPESTRE est né en Haïti à Jacmel, le 29 août 1926. Il a deux frères et deux sœurs et va à l’école primaire des Frères de l’Instruction chrétienne. Après la mort en 1936 de son père, préparateur en pharmacie, la famille va vivre à Port-au-Prince dans un quartier pauvre où sa mère est couturière. Il vivra quelques temps chez sa grand-mère maternelle et de 1940 à 1944 et fréquentera le lycée Pétion de Port-aux-Princes.

 En 1945, il se fait connaître par un recueil de poésies Étincelles. Il fonde avec trois amis un hebdomadaire La Ruche (1945-1946) dont le gouvernement fait saisir le numéro consacré à André BRETON, ce qui déclenchera l’insurrection de janvier 1946. Il fréquente les intellectuels et poètes haïtiens de l’époque et des artistes étrangers. En 1946, il publie son deuxième recueil Gerbe de sang.

Il fait partie des dirigeants révolutionnaires de l’insurrection de janvier 1946, qui parvient à reverser le président Élie Lescot. L’armée ayant pris le pouvoir, DEPESTRE est emprisonné puis exilé en France.

De 1946à 1950, il suit des études de lettres et de sciences politiques à la Sorbonne et fréquente les poètes surréalistes français, des artistes étrangers et les intellectuels du mouvement de la négritude, qui se réunissent autour d’Alioune Diop et de Présence Africaine.

En 1949, il épouse une Juive hongroise, Édith Gombos Sorel (Dito) et est expulsé du territoire français comme participant actif aux mouvements de décolonisation en France. Il se rend successivement à Prague, en est chassé en 1952, à Cuba où il est arrêté et expulsé par le régime de Batista, en Autriche, au Chili où il organise avec Pablo NERUDA et Jorge AMADO le congrès continental de la culture, en Argentine et au Brésil, puis il revient à Paris en 1956 et y fréquente d’autres haïtiens.

Il participe au premier congrès organisé par Présence Africaine en 1956, écrit dans les revues Présence Africaine, Esprit et Lettres française.

En 1956-57, il retourne à Haïti et appelle les Haïtiens à la résistance au régime de Duvalier. Il est mis en résidence surveillée. Invité par Che Guevara, il se rend à Cuba et s’investit dans la gestion du pays, la réforme agraire et le programme d’alphabétisation. Il travaille au ministère des relations extérieures, aux Éditions nationales, au Conseil national de la culture et voyage en URSS, en Chine, au Viêt-Nam, à Alger.

Il se sépare d’Édith et épouse en 1963, une cubaine Nelly Compano avec qui il a deux enfants.

René DEPESTRE poursuit son œuvre poétique Un Arc-en ciel pour l’Occident chrétien (1967), Poète à Cuba (1973), En état de poésie (1980).

En 1971, il est écarté par le pouvoir castriste. Après avoir rompu avec l’expérience cubaine en 1978, il revient à Paris où il rompt avec tous les marxismes et travaille au secrétariat de l’UNESCO jusqu’en 1986 avant de se retirer dans l’Aude à Lézignan-Corbières.

Après avoir publié un recueil de nouvelles, prix Goncourt de la nouvelle,  marquées par un érotisme païen (Allélua pour une femme jardin 1973, édit. définitive en 1981) et une farce romanesque (Le mât de Cocagne en 1979), il a obtenu le prix Renaudot, le prix du roman de la Société des Gens de Lettres, le prix Antigone de la Ville de Montpellier, le Prix du Roman de l’Académie royale de langue et de littérature française de Belgique pour Hadriana dans tous mes rêves en 1988.

René DEPESTRE obtient la nationalité française en 1991 et vit désormais en France, dans l’Aude à Lézignan-Corbières

            En 1998, il reçoit le Grand prix de Poésie de l’Académie française et le Prix Carbet de la Caraïbe pour l’ensemble de son œuvre. En 1993, il obtient le Prix Apollinaire pour son Anthologie personnelle.

[1] Sources : Sur Internet, www.lehman.cuny.edu/ile.en.../depestre.html, www.bm-limoges.fr/.../depestre/auteur-biographie.php, « Le petit Robert des noms propres » 2004, p 608.

 

 

 

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26 juillet 2010

René DEPESTRE Hadriana dans tous mes rêves (1988)

René DEPESTRE (1926) - Hadriana dans tous mes rêves (1988)

René DEPESTRE a partagé son roman en trois mouvements.

Dans le premier mouvement, le jeune Patrick Altamont, raconte deux évènements qui ont marqué le port haïtien de Jacmel.

Tout d’abord, sa marraine Germaine Villaret-Joyeuse, endimanchée, le visage couvert d’un énorme papillon-bizango[1], à bord d’une limousine « autozombie » conduite par son fils, traverse la ville, semant l’épouvante sur son passage. Ce masque noir n’est autre que la réincarnation du plus grand « tombeur » de l’île, Balthazar Granchiré, transformé en papillon par le mari-sorcier d’une de ses conquêtes. Les péripéties de la mort de la marraine bien aimée du jeune Patrick seront l’occasion, pour le conteur qu’est le coiffeur Scylla Syllabaire,  de « reconstituer par le menu la version des évènements qui allait être retenue pour officielle et vraie ».

Puis, quelques temps plus tard, le 29 janvier 1938, toute la ville est conviée aux réjouissances publiques qui suivront le mariage de la sœur de baptême du jeune Patrick, dont il est secrètement amoureux, une jeune békée française de Jacmel. N’a-t-on pas lu à ce sujet, dans La Gazette du Sud-Ouest, l’éditorial de son directeur Népomucène Homaire « Plus qu’une jeune fille de dix-neuf ans, la fée tutélaire de Jacmel est une rose piquée au chapeau du Bon Dieu. »? L’éblouissante Hadriana Siloé épouse en effet, le jeune aviateur haïtien Hector Danoze. Alors qu’après le oui d’Hector, elle répond à la question rituelle, « Hadriana poussa un oui  hallucinant de détresse et s’écroula aux pieds du prêtre ». Hadriana Siloé était morte.

De cet instant, la cérémonie échappe à la famille effondrée par le malheur. Les Jacméliens prennent en main la suite des évènements. Le rituel vaudou[2] se dispute au rituel chrétien. La veillée funèbre s’accompagne de danses carnavalesques, d’une sarabande macabre, de scènes burlesques, de musiques endiablées, de rituels magiques. Hadriana est enterrée en grande pompe dans sa tenue de mariée. Mais le lendemain, une cruche emplie d’eau remplace son corps disparu de la tombe ouverte. La belle héroïne, métamorphosée en zombie[3], entre dans la légende de Jacmel. Qui s’est emparé du « petit bon ange » d’Hadriana pour l’enfermer dans une bouteille ? Qui exploite son « gros bon ange » ? Telles sont les questions qui obsèdent le narrateur.

Dans le deuxième mouvement, trente-quatre ans plus tard, Patrick Altamont, fait le point sur sa recherche de la compréhension du phénomène de la zombification. Quatre années passent encore. Il retrouve Hadriana bien vivante, à Kingstown (Jamaïque).

Dans le troisième mouvement, Hadriana fait elle-même, le récit des moments qui ont précédé sa mort apparente, de ses perceptions durant heures qui l’ont suivie, de son enterrement et comment elle a échappé à sa zombification.

***** 

Quand Hadriana dans tous mes rêves paraît en 1988, René DEPESTRE a rompu avec le marxisme et sa rébellion anticolonialiste s’est assagie. À soixante-deux ans, fort de ses rencontres littéraires et artistiques, de l’expérience humanitaire acquise au cours de son errance d’exilé, à travers le monde, habité par la nostalgie de son île malmenée par les successions de catastrophes telluriques, climatiques, politiques, économiques, il s’inspire de ses souvenirs d’enfance à Jacmel, pour écrire ce roman.

De la même veine que Cent ans de solitude de Gabriel GARCIA MARQUEZ, ce livre nous entraîne dans un monde surréaliste, à la fois réaliste et fantastique où le réel se confronte à l’imaginaire le plus débridé, un monde d’excès dans lequel la misère et le dénuement les plus sordides se subliment par l’exubérance et les couleurs de l’art pictural, la musique, les danses effrénées, un monde où les revenants côtoient les vivants, un monde partagé entre son passé d’esclave, de colonisé et l’héritage des Philosophes des Lumières.

Les personnages du récit de René DEPESTRE sont tous plus originaux, fantasques, extravagants les uns que les autres. La richesse somptueuse des descriptions, la verve colorée de l’auteur entraînent le lecteur, aux sons tonitruants des fanfares  dans un déchaînement carnavalesque de masques naïfs, de déguisements grotesques irrespectueux, le tout façonné par une langue enrichie d’expressions créoles savoureuses et accompagné, tout au long du récit, d’un érotisme naturel.

 


[1] Bizango : Membre de société secrète de magie noire

[2] Vaudou : Culte animiste originaire du Bénin, répandu chez les noirs des Antilles et d’Haïti, mélange de pratiques magiques, de sorcellerie et d’éléments pris au rituel chrétien ; divinité de ce culte.

[3] Zombie ou zombi : 1. Fantôme, revenant (dans les croyances vaudou des Antilles). 2. par extension (1967) Personne qui paraît vidée de sa substance et dépourvue de toute volonté.

19 juillet 2010

LES GUERRES DE VENDÉE

LES GUERRES DE VENDÉE[1]

     On a donné ce nom aux guerres menées par les catholiques et les royalistes de l’ouest de la France contre la Révolution. Elles se développèrent dans le bas Poitou, l’Anjou, le bas Maine et la Bretagne méridionale.

     La Vendée n’avait pas été systématiquement hostile aux réformes de l’Assemblée constituante même si elle n’avait pas accueilli la Révolution avec le même enthousiasme que les autres régions de France. La vente des biens du clergé n’avait provoqué aucune révolte. Parmi les acquéreurs, on comptait même des nobles qui furent plus tard les chefs de l’insurrection comme Bonchamps et Lescure.

     La politique religieuse révolutionnaire provoqua la rupture morale entre la Vendée et le nouveau régime avec la Constitution civile du clergé (été 1790). La plupart des prêtres vendéens refusèrent de prêter serment. L’agitation se répandit dans la région dès 1791.

     Le décret sur la levée de 300 000 hommes voté par la Convention le 24 février 1793, ajouté aux difficultés économiques (disette, misère) provoqua le mécontentement des populations paysannes. Le 10 mars 1793, jour fixé pour le tirage au sort des jeunes vendéens, les paysans prirent les armes dans de nombreux villages. De graves échauffourées eurent lieu à Cholet, Saint-Florent-le-Vieil et Machecoul.

     Les insurgés vendéens (les Blancs) constituèrent une armée appelée d’abord « catholique et romaine », puis à partir de mai « catholique et royale ». Parmi leurs chefs on comptait des nobles comme Lescure, Bonchamps, d’Elbée puis La Rochejaquelein et Charette, des roturiers comme Cathelineau qui était colporteur et Stofflet qui était garde-chasse. La grande armée vendéenne compta jusqu’à 40 000 hommes dès le mois de mai.

     La Convention, qui devait faire déjà face à ce moment à la guerre étrangère, n’a envoyé que des recrues pour s’opposer à la guérilla de Vendée. Celles-ci, décontenancées se montrèrent incapables de faire face aux actions  des soldats-paysans. Après les villes prises en mars, les insurgés remportèrent des victoires et prirent les villes de Bressuire, Thouars, Parthenay, Fontenay en mai, Saumur et Angers en juin, et passèrent la Loire, mais ils échouèrent devant Nantes où Cathelineau trouva la mort.

      Pour écraser la révolte, le Comité de Salut Public prit des mesures rigoureuses : il décréta la peine de mort contre tous les vendéens pris les armes à la main (19 mars) puis il décida d’appliquer à la Vendée la politique de la terre brûlée (1er août). Il réunit deux puissantes armées républicaines : l’armée des côtes de La Rochelle commandée par Rossignol au Sud, l’armée des côtes de Brest commandée par Canclaux de Nantes pour former l’armée de l’Ouest sous les ordres de Léchelle, secondée par la garnison de Mayence qui fut envoyée en Vendée avec Kléber. Il faut aussi signaler Marceau parmi les chefs républicains. Les patriotes (les Bleus) reprirent Cholet le 17 octobre, Angers les 3 et 4 décembre, Le Mans le 13 décembre. Ils anéantirent l’armée vendéenne à Savenay le 23 décembre 1793.

     Les excès des forces de l’ordre répondirent aux massacres des républicains perpétrés par les révoltés vendéens. Des milliers de vendéens prisonniers furent fusillés ou noyés à Nantes par Carrier. Les « colonnes infernales » de Turreau sillonnèrent toute la Vendée afin de la transformer en désert. L’insurrection vendéenne était dans l’ensemble réprimée à la fin de 1793, mais La Rochejaquelein avait réussit à sauver son armée d’une ruine totale.

     Certains généraux Charette, La Rochejaquelein (tué au combat en mars 1794), Stofflet continuèrent la lutte, en particulier dans le Marais poitevin jusqu’en 1795~1796. La guerre avait changé de caractère. Les insurgés s’éparpillaient en petites bandes, les chouans, qui obstruaient les routes, arrêtaient les voitures, faisaient peser une menace permanente sur l’administration républicaine. Après la chute de Robespierre le 9 Thermidor an II (27 juillet

 

 

[1] Sources : Dictionnaire d’histoire universelle en 1 volume de Michel MOURRE – Jean-Pierre Delarge (Bordas)

Le Petit Robert de noms propres

19 juillet 2010

François VALLEJO (1960) - Ouest (2006)

François VALLEJO (1960)

Ouest (2006)

Quand le jeune baron de l’Aubépine, quarante ans, vient prendre possession de son château des Perrières, après la mort de son père, seuls, sont restés les trois fermiers qui exploitent les terres du domaine et la famille Lambert. Les gens de maison qui ont connu M. de l’Aubépine le Jeune du temps qu’il vivait encore au château, quinze ans plus tôt, ont préféré s’en aller. Lambert, le garde-chasse et sa femme Eugénie font connaissance avec leur nouveau maître.

Est-ce à cause des brimades subies de la part de feu M. de l’Aubépine, « un écraseur de fils », durant toute la jeunesse de M. de l’Aubépine le Jeune, en raison de sa faible constitution et son manque d’attirance pour les exercices physiques ou parce que le père avait découvert chez son fils un tempérament qu’il entendait réprimer, que le jeune baron était devenu « un écraseur de père », qu’il prônait la Révolution et le pouvoir du peuple dans la République ? Lambert, homme simple, au bon sens populaire, passionné par ses chiens et soucieux du bien-être de sa famille est déconcerté par ce maître, indifférent au chenil, qui craint les chiens, qui disparaît plusieurs mois pour faire la Révolution à Paris, qui s’enferme des semaines durant et reparaît excité par quelque nouvelle excentricité. Certains jours, le maître lance sa vieille jument grise dans des courses infernales à travers bois et marécages, à la faire crever d’épuisement. Le baron « jusqu’au-boutiste » de la République voudrait y trouver une place de meneur de premier plan. Il accuse de faiblesse Lamartine, qui lui a refusé ses services. Il s’imprègne des théories phalanstériennes, admire Victor Hugo, se prétend ami de Victor Schœlcher pour l’approcher. Il lui fait parvenir à Guernesey de longues lettres, et projette de le ramener en France afin de chasser Louis-Napoléon, « Napoléon-le Petit ». Et ces jeunes femmes qu’il amène au château ! Des créatures ! Lambert est même chargé d’en reconduire deux ou trois jours plus tard. Il faut voir dans quel état ! Que se cache-t-il derrière les activités nocturnes du baron ?

Dans la pratique quotidienne, le baron n’est qu’un républicain de salon. Comment s’entendre avec un dément, un maniaque sexuel, un fou retors, intuitif et perspicace, quand on est un homme simple et sensé ? Le temps passant - dix années ! - les lubies s’accumulent, des choses étranges se produisent au château. Et il y aura les doutes, des recoupements, qui deviendront certitudes au fil des jours. Se rebeller ? Les Lambert craignent d’être chassés. Dénoncer ? C’est quitter la propriété, se retrouver sans travail. Avoir servi si longtemps un tel maître les aura stigmatisés. Ils préfèrent se taire.

Le drame rôde dès le début du livre. Les oppositions entre exigence et dépendance de deux classes sociales, des caprices contre la sagesse, de la folie contre bon sens sont servies admirablement par la qualité de l’écriture et le style particulier de François Vallejo. Ses phrases courtes, ses expressions originales, les dialogues dématérialisés, le rythme soutenu mêlant échanges et pensées, aspirent le lecteur dans cette guerre des nerfs impitoyable.

 

Le Prix Giono 2006 et le Prix du Livre Inter 2007 ont récompensé François VALLEJO pour  Ouest.

 

Vous trouverez dans ce blog :

- une documentation sur les guerres de Vendée

- une documentation sur le contexte historique portant sur la période allant de 1848 à 1860

 



12 juillet 2010

François VALLEJO (1960) - L’Incendie du Chiado (2008)

François VALLEJO (1960) - L’Incendie du Chiado (2008) 

Mais qu’est-ce qui a poussé ces trois hommes et cette femme à se jeter dans ce brouillard de fumées, de suie grasse et de poussières, malgré le hurlement des curieux et des rescapés ? Qu’est-ce qui les attire dans cette fournaise battue par ce violent vent du Nord qui attise les flammes et déverse une pluie de cendres ? Pourquoi ont-ils quitté la pagaille, l’agitation, la foule des résidents survivants évacués, pour se jeter dans le ronflement des flammes, le fracas des écroulements de façades ? Pourquoi ont-ils quitté le groupe des badauds malgré les ordres, les injonctions, les appels, les cris horrifiés ? Pourquoi ont-ils enfreint les consignes, franchit le cordon de sécurité et forcé le barrage qui les séparait du brasier et des poutres incandescentes ? Pourquoi ont-ils pénétré dans le Chiado en feu depuis l’aube de ce jeudi 25 août 1988 ?

Certes, Carneiro, ce vieux gardien de cinéma septuagénaire, veut sauver ou périr avec son misérable bien ! Certes, Eduardo, le photographe de presse, souhaite alimenter Le Reportage de sa Carrière avec ses clichés sur le théâtre du sinistre ! N’a-t-il pas couvert le Liban ? Certes le Français devait rencontrer quelqu’un au café Al Brazilieira pour obtenir des renseignements d’une grande importance à ses yeux ! Certes, Augustina, cette femme éperdue cherche sa fille qu’elle devait retrouver aux Grandes Armazéns do Chiado ! Mais maintenant que l’escalier accédant aux étages de son immeuble s’est éboulé, que l’objectif du Canon est détruit, que l’interlocuteur inconnu et la fille sont introuvables, qu’ont-ils à rester dans ces quartiers dévastés, à fuir les patrouilles de surveillance, à s’abriter des survols des hélicoptères ? Que veulent-ils au fond ? Est-ce pour piller les décombres, les boutiques de luxe, les appartements abandonnés à la hâte, ce qu’il y reste d’objets de valeur ? L’incendiaire se cache-il ou se cache-t-elle parmi eux ?

Comment tenir sans eau, sans nourriture, sans gaz ni électricité, sales, en loques dans les ruines fumantes de l’incendie de Lisbonne ? Il n’y a pas de mal à prendre les denrées périssables épargnées dans les ruines des commerces. Seulement, quelqu’un rôde, passe derrière eux ou avant eux. La vue perçante d’Augustina repère une silhouette bleue qui les suit ou les précède où qu’ils aillent. Partagés entre individualisme, solidarité, confiance et méfiance, agressivité et passivité, les quatre naufragés volontaires s’organisent.

Un cinquième personnage, la silhouette entraperçue, un certain Juvenal Ferreira se joint à eux apportant opportunément la flamme de son briquet d’argent et se présentant comme l’homme indispensable. Quel individu inquiétant ! Qu’est cet homme chauve au costume bleu si net, si propre dans un tel environnement ! Le Français l’avait déjà repéré en ville. Est-ce un officier de police avec sa manie de questionner ses compagnons et d’élucider les réponses à leurs demandes ?

Soudés du fait des circonstances, tous les cinq se cachent, organisent leur survie, se transforment en pillards, en saccageurs. Alternant confessions et agressivité, moment d’exaltation et d’abattement. Dans un huit-clos étouffant, le mystérieux Juvenal, chevalier de l’Apocalypse garde un implacable ascendant sur les autres, les soumet tour à tour à un interrogatoire sans concession. Manipulateur perspicace, il démolit un à un leurs petits alibis. Inquisiteur pervers, il leur fait avouer les mobiles cachés de leur décision de rester dans ce quartier calciné.

Mis à nu à la faveur de la nuit, dès les lueurs de l’aube du lundi, chacun des quatre fuit son image lacérée tandis que le messager de l’ordre poursuit sa mission purificatrice.

 Vingt ans plus tard, François VALLEJO, qui a assisté à l’incendie du Chiado, ce 25 août 1988, nous fait revivre la disparition de ce quartier historique. Il en a fait le cadre et le prétexte d’un drame dans lequel la tension psychologique progresse tout au long du récit, au rythme de la clarté des jours et de l’obscurité des nuits.  

François Vallejo s’est surtout intéressé dans cet ouvrage aux conflits internes de chaque protagoniste par rapport à son histoire personnelle, son tempérament ou son statut social.

  Voir Biographie et bibliographie de François VALLEJO

 Quelques photos et un bilan de l’incendie du Chiado sur ce site :

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5 juillet 2010

François VALLEJO (1960) - Biographie – Bibliographie

François VALLEJO (1960) - Biographie – Bibliographie

 

BIOGRAPHIE : François VALLEJO est né au Mans en 1960. Il est professeur de lettres classiques et enseigne et habite au Havre. Il est l’auteur de romans et de récits.

BIBLIOGRAPHIE : Vacarme dans la salle de bal (1998) est son premier roman. Il a pour cadre la ville du Havre et aborde les problèmes de communication de deux hommes que tout oppose.

Pirouettes dans les ténèbres (2000)

Madame Angeloso (2001) a été récompensé par le Prix France Télévision 2001. Dans ce livre trois personnes évoque une personne disparue dans un accident.

Nous irons tous en enfer (2003)

Groom (2003) a obtenu le Prix des Libraires 2004, Le Prix Culture et Bibliothèques pour tous 2004.

Le Voyage des grands hommes (2005) a reçu le Prix Pierre Mac Orlan 2005, Le prix du Roman du Var 2005 et le Prix de l’Académie du Maine 2005). L’auteur nous invite à le suivre, avec la chronique d’un valet, dans l’Italie du XVIIIe siècle, en compagnie de Diderot, Rousseau, Grimm. 

Ouest (2006) a obtenu le Prix Giono 2006 et le Prix du Livre Inter 2007. Ce récit nous entraîne au XIXe siècle dans une confrontation entre deux systèmes de valeurs entre un garde-chasse et le fils d’une vieille famille normande.

Dérive (2007)

L’Incendie du Chiado (2008).

Les Sœurs Brelan (2010).

5 juillet 2010

François VALLEJO (1960) - Madame Angeloso (2001)

François VALLEJO (1960) - Madame Angeloso (2001)

      Pas très affecté, Angelino ! Pas très affecté, par l’annonce de la mort accidentelle de sa mère ! Il trouve même la situation cocasse. Il est là, sur le pas de la porte, un dimanche soir, à l’heure de l’apéritif, un verre de Whisky à la main à écouter ce minuscule gendarme qui met les formes pour accomplir sa mission. Il se marre ! Plus embarrassé par l’attitude à adopter avec son verre de malt que par la nouvelle, Angelino !

C’est par les journaux que Coquemar l’apprend, cette nouvelle. Son identité complète y est donnée. « Madame Constance Angeloso, soixante-cinq ans, sans domicile connu. » Madame Angeloso seule victime de l’accident du Paris-Varsovie, télescopée par la locomotive sur un passage à niveau, dans sa vieille Renault 5. Si l’évènement fait tant de bruit, c’est parce que ce train transportait le dalaï-lama et qu’il a retardé son voyage.

Quant à Danuta, l’ancienne femme de chambre de l’hôtel que Madame tenait à Dunkerque, c’est par un coup de téléphone d’Angelino qu’elle l’a su.

Madame avait disparu de leur existence depuis une quinzaine d’années, sans donner d’explication. Les destins de ces trois personnes se sont croisés avec l’épisode Dunkerque de la vie de la victime.

Le regard d’Angelino sur sa mère est cruel. Son embonpoint, sa tenue de l’hôtel, son souci des apparences, ses propos, ses attentions envers les clients le dégoûtent. Il estime avoir été lésé par tous ces gens, sacrifié à leur confort et leur plaisir. Il déteste cette clientèle de fidèles qui faisaient d’elle leur point de mire. Angelino, le mal-nommé, n’a rien d’un ange. Il retrouve les réflexes d’adolescent attardé en mal d’autorité paternelle qui n’avait de cesse de contrer sa mère. Tout était bon alors pour la mener à bout, décréditer l’hôtel avec des insinuations douteuses adressées aux voyageurs de passage, son comportement insupportable envers les habitués et les pensionnaires, ses petits trafics et sa fréquentation de l’établissement « Aux Dames du Minck ». Son harcèlement préféré consistait à réveiller chez elle de très mauvais souvenirs en évoquant la figure paternelle.

Les deux autres estimaient qu’Angelino n’était qu’une canaille, un nuisible, se dira même Danuta.

Une profonde amitié liait M. Coquemar à Madame, à son sourire angelosien. N’avait-elle pas contribué à lui redonner le goût de vivre après un deuil difficile à surmonter ? Amené à voyager par son métier, il était un des habitués privilégiés de l’hôtel.

Danuta, officiait comme femme de chambre, assurait le service dans la salle à manger. Vague parente de Madame née Kawczymek, la jeune fille ignorait le français et n’avait pas le sous quand Madame l’avait accueillie à la descente du train l’amenant de Pologne. C’est de la reconnaissance qu’elle éprouve quand elle pense à Constance. C’est elle qui l’avait familiarisée avec la langue française alors que, chaque jour, elle lui ajustait ou lui retirait ce corset de fer prescrit par madame Woyzek. Plus tard, elle a favorisé ses études pour devenir traductrice.

Madame Angeloso évoquait souvent avec nostalgique une expérience professionnelle prospère qu’elle avait eue à Ostende. Trop confiante, grisée par la réussite de son établissement, elle a réalisé trop tard que son joueur de mari la grugeait. Ça, elle le gardait pour elle.  Forte femme, elle était aussi une femme forte, courageuse. Obsédée par les images des évènements qui ont provoqué son départ d’Ostende, elle tentait de reconstruire sa vie. Manipulateur, Angelino mettait tout en œuvre pour raviver ce passé jusqu’à la pousser à un changement de vie radical. Personnage complexe, cultivée, positive et rationnelle dans ses raisonnements, elle se fiait aveuglement au don de voyance de la vieille Madame Woyzek pour interpréter les évènements. Consciente de l’atavisme pervers de son fils, elle étouffait néanmoins ses frasques, encourageant ainsi son chantage. Finalement, depuis Ostende, cette femme luttait contre sa terreur en fuyant, en faisant comme si... Angelino tout rustre qu’il était, l’avait très bien perçu. Parieur sordide sur sa capacité à lui résister, il l’a poursuivie de ses allusions jusqu’à l’amener à choisir de disparaître sans laisser de trace. Nous ne sauront pas si cette rencontre malheureuse avec un train était une ultime fuite déguisée en mort accidentelle.

Les évènements de la grande Histoire jalonnent les petits faits qui ont marqué les époques de la vie de chacun. Les évoquer aide les témoins à remonter le passé. Le lecteur suit attentivement la progression de leur réflexion, d’abord diffuse, au coup par coup, puis de plus en plus précise et libre au fur et à mesure que la cérémonie des funérailles approche puis se déroule. François Vallejo adapte la construction de son roman à ce cheminement en alternant les points de vue en chapitres distincts. Leur taille est calquée sur l’implication progressive des protagonistes. S’il dématérialise la présentation des dialogues, il rend leurs auteurs identifiables par leur façon de s’exprimer. Il enchaîne les échanges verbaux à leurs observations et aux opinions qu’ils livrent.

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