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10 avril 2016

Michel HOUELLEBECQ (1956) - Les Particules élémentaires (1998)

Michel HOUELLEBECQ (1956) - Les Particules élémentaires (1998)

Critique des dérives et des duperies des fausses promesses des années soixante, le récit est composé de trois parties au cours desquelles les lecteurs suivent l'existence plate et morose de Michel et de son demi-frère, Bruno, tous deux confrontés à leur condition misérable. Michel Houellebecq adapte le style du roman à chacune des périodes évoquées, aussi bien par la forme que par les choix syntaxiques.

Au cours de la première partie, nous suivons le comportement des  protagonistes du récit, tels deux animaux de laboratoire, dont l'auteur nous a présenté le pédigrée et le parcours. L'intelligence scientifique de Michel ne l'aide qu'à s'enfoncer dans le matérialisme, alors que Bruno, son demi-frère laisse libre cours à son animalité, sa libido. L'intelligence d'humain de ce dernier ne l'aide aucunement à le libérer de ses pulsions.

Le narrateur s'identifie-t-il à un Super-dieu, censeur de Dieu-le-Père, contemplateur de la création sous ses aspects les plus déliquescents ? Son style aux descriptions d'un réalisme libidineux, cru, reflète les aspirations de personnages auxquels il est difficile de s'identifier tant ils se cherchent, errent sur une voie de destruction, de putréfaction, incapables de s'élever par la culture, par la rencontre des générations précédentes et de celle leurs congénères. L'échange avec autrui se limite pour chacun d'eux à l'assouvissement de ses besoins et ses envies du moment : pour Michel, une complicité platonique avec Annabelle qui l'aime ; pour Bruno, l'exhibitionnisme sexuel.

Dans les deux autres parties, Bruno poursuit  un "ailleurs" sexuel, exhibitionniste, par une quête effrénée de la parfaite fellation et une tentation pédophile, sources de son choix professionnel, de sa descente dans l'alcoolisme et la folie, jusqu'à "l'accident", cause du suicide de sa dernière partenaire.

Quant à Michel, son isolement provient  des élucubrations scientifiques et des recherches eugénistes, auxquelles il s'adonne corps et âme, visant à l'élaboration en laboratoire d'un être nouveau issu de la mutation de particules élémentaires. Dégoûté de la vie et des hommes, jusqu'à en être pris de nausées, il est incapable de percevoir l'amour que lui voue Annabelle, laquelle, découragée, par dépit, se jettera dans les plaisirs faciles et en mourra au moment où ils se retrouveront.

Les deux frères se rencontrent parfois, se côtoient, mais n'échangent pas. Après l'enterrement de  leur mère, Janine, ils se quittent et ne se reverront plus jamais.

Michel disparaît après l'aboutissement de ses recherches de synthèses moléculaires qui conduiront à la création par l'homme du premier représentant d'une nouvelle espèce intelligente "à son image" et à sa ressemblance, puis à l'extinction progressive de l'humanité.

Evolution2 par NMS

Comment la génération des grands-parents des deux "héros", des bâtisseurs, des "battants", ont-ils pu engendrer une descendance aussi égoïste et hors du temps ? Qu'a-t-elle donné en trop, ou pas assez ? Qu'a-t-elle exigé en trop ou pas assez ?

La mère, intelligente et cultivée, a fait des études de médecine. Janine s'est laissé emporter par les excès des marginaux des années soixante, au point de devenir une femme "complètement déjantée" prête  à tout expérimenter, comme faire des enfants qu'elle n'élèvera jamais et tentera même de confier aux bons soins de gourous.

Le père de Bruno est précurseur dans la création de cliniques de chirurgies esthétiques destinées masquer le naturel, à paraître autre, à masquer les outrages du temps et non à réparer et reconstruire ce qui est détruit par les accidents de la vie.

L'argent est assuré.

Ces parents, se voulant libres de toute contrainte morale et affective, se sont aussi estimés libres de ne manifester aucun amour envers leur progéniture. Ces derniers n'ayant ni référence, ni repère sont incapables d'aimer, inaptes à percevoir l'amour qu'on leur porte. Ce n'est qu'à la perte d'un proche qu'ils prennent conscience des sentiments qu'ils éprouvaient envers l'être  désormais disparu.

Michel HOUELLEBECQ cadre son roman et l'évolution de ses personnages en s'appuyant sur des faits de société et des situations existants qu'il développe jusqu'au paroxysme:

         - le bouleversement des mœurs et de l'ordre établi des années soixante, l'émergence des groupes hippies et libertaires aux USA et dans les sociétés occidentales, les communautés post-soixante-huitardes, la libération, sexuelle débridée qui a suivi la libéralisation des moyens de contraception, la vulgarisation anarchique et empirique des travaux de la psychanalyse, l'expansion de l'usage de psychotropes, la recherche de soi au travers de pratiques ésotériques, occultistes sectaires, chamaniques ou charlatanesques;

         - les découvertes scientifiques en physique, chimie et biologie ; l'exploitation des analyse génétiques ; le clonage.

Mal à l'aise, plongé dans un bain orgiaque de vocables vulgaires, crus, obscènes, le lecteur se sent aspiré aux frontières de la folie, à la lecture de descriptions d'un réalisme cruel, de scènes à la fois grotesques et navrantes.

Les passages théorisants à propos de certaines expériences vécues par les protagonistes du récit et les longs exposés scientifiques sont pesants. Sont-ils bien utiles ? Qu'apportent-ils au propos, même lorsqu'ils sont compréhensibles par tout un chacun.

Les Particules élémentaires comme la plupart des livres de Michel HOUELLEBECQ est un roman perturbant. Chaque nouvelle œuvre parue donne lieu à séries de controverses aussi bien littéraires, que médiatiques, soulevant l'enthousiasme des uns, la réprobation, le rejet des autres, interprétations et accusations diverses. L'auteur est-il un moraliste censeur de notre société et de nos mœurs ? A-t-il une vision politique ? Est-il un philosophe ? un ethnologue ?  un visionnaire ? un provocateur ? Il est certain que c'est un homme intelligent et talentueux qui a du mal à trouver une place confortable dans la société, laquelle déteste qu'on anticipe les dérives possibles de ses moeurs, de ses orientations et de ses inovations.

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