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29 octobre 2014

Joseph KESSEL (1898~1979) - Les mains du miracle (1960)

Joseph KESSEL (1898~1979) - Les mains du miracle (1960)

Joseph KESSEL ignorait l'existence du docteur Félix Fersten jusqu'à ce que son ami l'avocat Henry Torrès lui parle d'une jeune française de ses connaissances, miraculeusement rescapée d'un accident de voiture qui, pour apaiser ses terribles souffrances, avait eu recours en Suède aux soins de ce médecin. Les massages thérapeutiques de ce spécialiste de grande renommée avaient permis à cette jeune fille de retrouver une vie normale. Plus surprenant, au cours de la Seconde Guerre mondiale, grâce à son habileté exceptionnelle, le docteur Fersten avait réussi à exploiter la fragilité d'un de ses patients, le tout puissant Reichsführer-SS, Heinrich Himmler, bras droit d'Hitler, en faveur de milliers de juifs et de déportés. Suite au récit incroyable de son ami, Kessel enquête sur ce personnage, le rencontre, réunit preuves et témoignages et se rend à l'évidence : au cours de ces six années de guerre, le docteur a réellement sauvé des victimes du nazisme par milliers.

Félix Fersten est né en 1898, à Reval, en Estonie, où sa famille, d'origine allemande, était installée depuis plusieurs générations, avant d'être contrainte de s'exiler en Finlande. Le jeune homme fait des études d'agronomie et devient citoyen finlandais en 1918, après avoir combattu dans l'Armée blanche du conte Mannerheim afin de chasser les bolcheviques du pays. Ayant contracté un mauvais rhumatisme dans les marais de Carélie durant de cet épisode, il est hospitalisé et découvre les vertus du massage thérapeutique finlandais. Il décide de s'initier à cette forme de thérapie. Après deux années de formation en Finlande, il poursuit son cursus à Berlin. Là, en 1922, un de ses professeurs lui fait rencontrer un physiothérapeute chinois très réputé, le docteur Kô. Ce dernier, qui avait grandi dans un monastère tibétain, propose à Fersten de lui enseigner d'une forme de massage tibétain très évoluée. Trois ans plus tard, satisfait de son élève, et estimant sa mission accomplie, le docteur Kô lui laisse son cabinet et sa clientèle, et rentre au Tibet.

Les manipulations acquises auprès du docteur Kô, non seulement, soulagent, mais guérissent aussi. La réputation du docteur Fersten va grandissant. Il compte dans sa clientèle des personnalités de la haute bourgeoisie et de l'aristocratie européenne, dont le prince Henri, époux de la reine des Pays-Bas, qu'il guérit. Le docteur achète une maison à La Haye, où il décide de vivre désormais, et partage ses activités entre sa clientèle hollandaise et celle de Berlin, où il a conservé son cabinet.

Fersten ne s'intéresse pas vraiment à la politique. Il s'inquiète cependant de la montée du nazisme dont il réprouve les méfaits. Parmi ses patients, il compte un industriel allemand qui l'a aidé à ses débuts. En 1939, ce dernier lui demande un service : soigner Henrich Himmler, le terrible chef des SS et obtenir de lui qu'il libère un de ses amis, juif, qui vient d'être arrêté par la gestapo. Résolument antinazi, sa première impulsion est un refus, mais il finit par accepter de soigner l'homme chargé de mettre en œuvre la Solution finale et se rend au QG de la Gestapo. 

Henrich HIMMLER

Depuis son enfance, Himmler souffre d'atroces douleurs abdominales lancinantes qu'aucun traitement ne réussit à apaiser. Les mains du docteur Félix Fersten fouillent, malaxent le ventre d'un corps frêle, égrotant, que dissimule à tous l'attitude guindée et la prestance du Reichsführer sanglé dans son uniforme SS. Les élancements s'estompent. Le patient éprouve un bien-être si profond qu'il se sent envahit d'une reconnaissance infinie envers son thérapeute. Cependant, son mal est tel que l'apaisement procuré est éphémère. La souffrance revient régulièrement au bout de quelques semaines. La dépendance d'Himmler aux soins prodigués par le masseur s'installe progressivement.  Un deal tacite s'établit peu à peu entre le médecin et son patient : Félix Fersten, de nationalité finlandaise, tient à garder son statut de civil, refuse tout honoraire, mais profite des courts instants privilégiés de gratitude qu'il perçoit chez le tyran pour solliciter quelques grâces, quelques libérations de personnes arrêtées par la Gestapo en échange de ses services. L'instant de grâce passé, il subit les litanies dithyrambiques à la gloire du Führer, la grandeur de la race arienne, l'apologie des crimes nazis, les discours sur la conjuration juive des ennemis du Reich, déclinés par l'incorruptible Reichsführer, qui s'est rajusté dans sa cuirasse de parfait nazi.

         Le temps passant, le médecin accroît son emprise thérapeutique, pénètre le fonctionnement psychique de son patient. Himmler fait des concessions de plus en plus importantes et constantes. Jalousé, isolé, surveillé, constamment sur ses gardes au sein d'un appareil vérolé par l'ambition, la suspicion, la délation, l'inhumanité de ses acteurs, il considère Fersten comme son seul véritable ami, la seule personne à qui il peut confier ses états d'âmes. Après la dissipation de l'illusion de la victoire finale, et que Fersten lui a fait admettre l'horreur des missions qu'il met tant de zèle et de minutie à conduire, l'envergure des renoncements accordés sera inouïe.

Au péril de sa vie, de celles de son épouse et de ses enfants, aidé du secrétaire personnel d'Himmler, Rudolf Brandt et du colonel Walter Schellenberg, chef du service de renseignement SS, Fersten réussi à empêcher la déportation massive du peuple hollandais et quelque 100 000 détenus, dont 60 000 juifs, ont été soustraits à une mort certaine.

Félix Fersten est mort en 1960.

Joseph KESSEL, journaliste, rapporte la réalité des faits : le cadre géopolitique, la montée et l'extension du nazisme ; la folie de Hitler ; l'adulation de Himmler pour Hitler ; les conditions humaines et matérielles exploitées par Fersten et les obstacles rencontrés. Joseph KESSEL,  romancier, immerge les lecteurs au cœur de la paranoïa qui règne au quotidien dans tous les rouages de l'appareil nazi.  Il s'intéresse à la psychologie des principaux acteurs de cette tragédie et décrit le lent retournement au jour le jour des rapports de force entre le despote rigide et le thérapeute manipulateur, jusqu'à pousser le premier à mentir et à tricher avec Hitler, son dieu.

En publiant Les mains du miracle, Joseph KESSEL nous révèle un héros méconnu.

Joseph Kessel a été élu le 22 novembre 1962 à l'Académie française.

"Les mains du miracle", initialement paru en 1960, a été réédité dans la collection Folio en 2013.

On peut réécouter des extraits du livre diffusés sur France Inter cet été dans l'émission  "Ça ne peut pas faire de mal" de Guillaume Gallienne,

en cliquant sur le lien

felix kersten : le medecin du diable TV 5 

Cliquer sur les saisies d'écran pour accéder aux différentes parties de l'émission

Félix Kersten- le médecin du diable

Himmler en compagnie d'Hitler

Berlin en mai 1945

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11 octobre 2014

Arnaud FLOC'H (1961) - LA COMPAGNIE DES COCHONS (2009)

Arnaud FLOC'H (1961) - LA COMPAGNIE DES COCHONS (2009)

Les principaux personnages

      Wallaye SIDIBÉ est le personnage principal du récit. Il est Noir, fils de griot. Il connaît tout le monde et tout le monde le connaît à Bamako avec son appareil photo pendu au cou, prêt à servir, car il s'est improvisé photographe. Dans l'enceinte du dispensaire du quartier pauvre de Lafiabougou, à l'ouest de la capitale, il photographie des courses clandestines qu'il organise en échange de bakchichs versés à l'officier de la police locale. Sur la ligne de départ, les participants sont infirmes, unijambistes ou cul-de-jatte. Les Blancs et les Ministres achètent très chers et collectionnent les clichés qu'il tire dans son échoppe et qu'il expose au Centre culturel. Le produit des ventes sert à acheter des chaises roulantes à Paris ou à Dubaï au profit des coureurs mutilés du dispensaire. Mais, Wallaye Sidibé n'a pas que des amis. Il ne se contente pas de cette ressource pour son œuvre humanitaire, au cours de ses pérégrinations, quand il surprend des personnalités locales en flagrants délits d'adultère il fixe leurs ébats sur pellicule. La remise aux intéressés des épreuves compromettantes contribue grassement au budget de sa généreuse entreprise. Ses occupations servent aussi les intérêts des autorités. Certains l'accusent même de double jeu, en raison de sa fréquentation des touristes  dans les hôtels et de son amitié pour des Blancs. Sidibé fait partie de la longue liste des amants de Suzanne.

      Vidali est vétérinaire. C'est un Blanc qui vit depuis longtemps en Afrique.

    Joseph Vidali, est le fils adoptif du vétérinaire. Les parents naturels du jeune homme étaient Nigériens. Ils sont morts de faim alors que l'enfant n'avait que deux ans. Joseph affirme ses origines africaines par sa tenue vestimentaire et la tenue d'un salon de coiffure afro.

     Suzanne Lemerre est mariée à un riche entrepreneur de travaux publics, qui a vingt ans de plus qu'elle. Elle trompe son ennui dans les bras de nombreux amants. Wallaye Sidibé est l'un d'entre-eux.

     Émile Lemerre, son époux, a le bras long grâce à ses accointances avec des dirigeants politiques bénéficiaires de ses générosités pécuniaires en échange de l'obtention de gros chantiers publics. S'il s'accommode des aventures sexuelles de son épouse, imaginer ses ébats avec le Noir Wallaye Sidibé, lui est insupportable.

    Violette, une mégère laide, vulgaire, ordurière, est l'autoritaire patronne d'une ferme dont la porcherie tient un grand rôle dans le déroulement de l'histoire. Son époux, Anicet, se charge de livrer dans certains restaurants et hôtels de la ville, leur production de viande de porc et de poulets. Ils comptent aussi la communauté blanche dans leur clientèle. Tous deux sont nés et ont toujours vécu en Afrique et n'imaginent pas pouvoir vivre ailleurs. Le réveillon de Noël des principaux personnages de l'histoire aura lieu à la ferme.

    Jean et Mireille sont des instituteurs français coopérants. Ils s'approvisionnent chez Suzanne et Anicet. Seul enfant dans un milieu d'adultes, Louis, leur fils, reste souvent désœuvré, livré à lui-même. Il a pour compagnon, un chien berger qui aura un des rôles déterminant dans le déroulement du récit.

    Ousmane est un des malheureux handicapés qui participent aux courses du dispensaire. C'est un personnage plein de candeur et de générosité. Il a adopté un chien mutilé comme lui.

     Le responsable de la police locale a de gros besoins financier avec ses deux épouses à charge. Il contrôle les activités illégales et en tire bénéfice pour fermer les yeux sur leur existence.

     Les Noirs observent les Blancs d'un œil goguenard. Ils tentent, tant bien que mal, de survivre à la misère et de s'accommoder avec humour de la sordide réalité quotidienne.

L'histoire

     Sidibé est le fil conducteur d'un récit mêlant documentaire et fiction, destiné à rassembler des situations fréquemment rencontrées en Afrique. Le scénario, parfois difficile à suivre pour le lecteur, est construit sur une trame dans laquelle différentes petites histoires sont imbriquées. Son contenu fait ressortir les relations complexes entretenues au quotidien entre les individus. Arnaud Floc'h y met en évidence le climat d'une ville dans laquelle se côtoient misère, pauvreté, dépendance, richesse, puissance, cupidité, jalousies, rancœurs, attachement au pays et nostalgie de temps révolus. Un monde où le sexe, le mensonge, les pots-de-vin, le chantage, la corruption, les menaces criminelles sont omniprésents, mais dans lequel, il reste encore une place pour des êtres candides et généreux.

     Toutes les petites intrigues mises en scènes s'appuient sur la diversité des histoires personnelles des héros du récit. La trame du scénario paraît quelque peu faiblarde en raison de l'ambition de l'auteur de les traiter dans un seul album.

     Le dessin, fruit d'une connaissance approfondie du pays par l'auteur, restitue fidèlement l'atmosphère de pauvreté poussiéreuse de la capitale du Mali et la vie quotidienne de ses habitants. La représentation figurative des scènes, renforcée par la qualité des couleurs majoritairement basées sur des variations de tons ocre, immerge le lecteur dans la réalité africaine. Leur réalisme est tel qu'on s'attend à percevoir les conséquences olfactives de l'insuffisance des infrastructures sanitaires de la plupart des quartiers populaires de la ville. Seulement, voilà, les odeurs agréables ou mauvaises ne se dessinent pas!

     L'entreprise généreuse de Sidibé et les moyens qu'il emploie pour parvenir à ses fins ne sont pas sans rappeler le combat désespéré du héros de Romain Gary, Morel, dans LES RACINES DU CIEL.    

     La qualité et la richesse documentaire des images invitent à relire l'album  avec plus d'attention, c'est alors que le lecteur peut apprécier la richesse des thèmes évoqués, qu'il lui faudra approfondir personnellement par ailleurs.

 

2015_10-08 Arnaud Floc'h à Plaisir de lire UTL Montargis

 

 

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