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22 juin 2010

LES CASTRATS

LES CASTRATS

CASTRAT[1] [kastRa] nom masculin – 1749 ; it. castrato « châtré » ; mot gascon « animal châtré » (1556)

1, en médecine : Individu mâle qui a subi la castration. (eunuque).

2, Chanteur que l’on émasculait dès l’enfance afin de lui conserver une voix de soprano ou d’alto.Les castrats de la chapelle Sixtrine.

 

CASTRATION nom féminin – 1380 ; lat. castratio

1, Opération par laquelle on prive un individu, mâle ou femelle, de la faculté de se reproduire. (stérilisation  ; châtrer). Castration radiologique, par irradiation des gonades. Castration par ablation des testicules. (émasculation), des ovaires (ovariectomie).

2, En psychanalyse, Complexe, angoisse de castration, liés à la menace imaginaire, chez l’enfant mâle, de la suppression du pénis par le père.

****************

CASTRAT[2] : (Musique) La castration était pratiquée chez les garçons vers l’âge de 8 ans. Elle a pour effet, d’une part, l’arrêt du développement du larynx qui ne descend pas, d’autre part, les cordes vocales qui sont musclées par le travail de la voix restent plus proches des cavités de résonnance, ce qui produit la puissance et la « brillance » du son. La vélocité et la tenue de souffle sont remarquables et l’étendue du son atteignait parfois 3 octaves, voire 3 ½  pour Farinelli (1707~1782).

De plus, la castration n’arrête pas le développement physique. La cage thoracique augmente de capacité. Le castrat adulte bénéficie d’une meilleure économie du souffle et d’une amplification de la voix.

La castration qui était connue dès l’Antiquité. Elle fut pratiquée en Chine, dans les chœurs byzantins et en Europe,  sauf en France.

La plupart de castrats étaient uniquement des chanteurs d’église. En Italie, avant le XIXe siècle, il était interdit aux femmes de chanter dans les chœurs d’église. Les chœurs de la chapelle Sixtine utilisèrent des castrats de 1588 à 1903.

Cependant, l’Église désapprouvait la castration euphonique et ne tolérait que les castrats accidentels. La castration pour hernie était courante à l’époque. Chaque année en Italie, 3 000 à 5 000 garçonnets de six à dix ans étaient opérés. C’étaient surtout des enfants de paysans pauvres.

 

QUELQUES CASTRATS CÉLÈBRES :

Baltasare Ferri (1610~1680)

Carlo Broschi (1705~1782), dit Farinelli du nom de ses bienfaiteurs, les frères Farina. Il était surnommé « chanteur des rois » car après s’être produit dans toute l’europe  (1732~1737), il s’établit 22 ans à Madrid, à la cour de Philippe V et de Ferdinand VI qu’il tira de leur neurasthénie.

Guadagni Caffarelli

Girolamo Crescentini qui enseigna le chant à Bellini

Giambattista Velluti (1780~1861) dernier castrat à paraître sur scène

Alessandro Morschi (1858~1922), soprano romain qui fut enregistré en 1902 et 1903

 

MONTEVERDI (1567~1643), HAENDEL (1685~1759), GLUCK (1714~1787), MOZART (1756~1791) ont écrit pour des castrats.

****************

LES EUNUQUES DE L’EMPIRE DU MILIEU, SOUS LE RÈGNE DE L’EMPEREUR QUIANLONG, AU XVIIIe SIÈCLE

Dans sa Relation du voyage à la Chine et à la Tartarie à la suite de l’ambassade du lord Macartney, sir George Staunton, de la mission de Lord Macartney(26 septembre 1792 au 1er février 1794) envoyée dans l’Empire chinois pour l’amener à « s’ouvrir » à eux, précise le cursus des eunuques qui occupent tous les emplois inférieurs dans les palais de Pékins et du Yuanming yuan, en se basant sur les confidences des mandarins et des missionnaire attachés à la cour de l’Empire Céleste : « Il leur suffit pour être propres à remplir ces emplois, d’avoir subi l’opération qu’on pratique quelquefois dans certaines parties de l’Europe et qui perfectionne la voix, ôte la faculté de devenir père. Pour garder les femmes à la Cour et pour pouvoir même approcher leurs appartements, il faut avoir perdu toutes les marques de son sexe. L’opération appropriée est, quoique fort délicate, exécutée même sur des adultes sans compromettre leur vie. Tel fait est d’autant plus surprenant, que l’anatomie en Chine, est non seulement ignorée, mais en horreur, et que la chirurgie y est si peu connue qu’on n’y fait même pas usage de la saignée... En fait, on ne se sert point de fer, mais de ligatures ointes de liqueurs caustiques. Peu de jours après l’opération, le patient sort comme s’il ne lui était rien arrivé. »

Écrits cités par Alain PEYREFITTE dans L’Empire immobile ou Le Choc des Mondes (1989) chez Fayard

Alain PEYREFITTE complète : « Les missionnaires ont surnommé couramment ces eunuques « rasibus ». Ces « rasibus » prennent soin de conserver dans l’alcool leurs parties perdues, afin qu’au jour de leur mort, on les replace sur leur cadavre. » p222  



[1]Définitions du Petit Robert des noms communs

[2] Rédigé à partir du Quid de Dominique et Michèle Frémy chez Robert Laffont – www.quid.fr

 
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22 juin 2010

Dominique FERNANDEZ (1929) - Porporino ou Les Mystères de Naples (1974)

Dominique FERNANDEZ (1929)

Porporino ou Les Mystères de Naples (1974)

 

Le comte de S..., propriétaire du château en amont du Neckar, confie un manuscrit de la fin du XVIIe siècle à un éditeur français de passage à Heidelberg. Son ancêtre avait entretenu une « chapelle » selon la coutume de cette époque en Allemagne. Ce sont des Mémoires d’un des derniers castrats napolitains mort très âgé à la cour de cet ancêtre. Le texte est consigné dans trois gros cahiers constituant autant de parties du récit.

La première partie, San Donato, est consacrée à l’enfance de Vincenzo Del Prato dans ce petit village de Calabre. Les habitants y vivent misérablement du fruit de la culture d’une terre ingrate, sous l’autorité des intendants du propriétaire de la région, le prince de Sansevero.

Une menace imprécise pèse sur Vincenzo, perçue par diverses observations, des propos saisis dont il être l’objet, l’embarras de son père, son agressivité envers lui. [Finalement, il se déchargeait sur moi du poids qui l’oppressait. Il ne se contentait plus de me dire : « Bon à rien ! » en me rudoyant au hasard avec les premiers mots qui lui venaient à l’esprit. « Tu ne seras jamais bon à rien ! » s’écriait-il maintenant, et le froncement prolongé de ses sourcils, la lenteur avec laquelle il détachait ses paroles, comme s’il prenait le temps de les choisir et de les peser mûrement, le soin qu’il mettait pour les articuler, la brièveté cinglante du dernier mot qui tombait comme le verdict après une délibération, toutes ces circonstances transformaient une injure machinale à laquelle j’étais depuis longtemps habitué, en une sinistre prophétie qui me remplissait d’épouvante.] Les plaidoiries de don Sallusto et la promesse de beaucoup d’argent feront céder le père de l’enfant qui a la plus belle voix du village et sera placé sous la protection du prince. 

Don Sallusto se plait à visiter ses paroissiens en compagnie du jeune garçon qui s’imprègne ainsi de la pauvreté des paysans du Mezzogiorno de leurs coutumes archaïques souvent surprenantes. L’auteur du manuscrit se remémore ses premiers émois amoureux avec Luisilla son amie d’enfance.

 

La deuxième partie a pour titre Les Pauvres de Jésus-Christ. Porporino - C’est le nom que s’est choisi Vincenzo après sa castration - évoque l’adolescence « différente » des jeunes castrats de l’école napolitaine instruits chez Les Pauvres de Jésus-Christ, leur quotidien, leurs études générales et musicales, leurs servitudes, les sorties gourmandes à la pâtisserie Startuffo, l’amitié admirative et amoureuse avec Feliciano, jeune prodige au physique angélique promis à un brillant avenir. Il raconte sa vie dans le palais du prince de Sansevero (1710~1771), personnage exceptionnel alchimiste, inventeur génial autant qu’original, érudit, franc-maçon. Fasciné par la voix des castrats, celui-ci conçoit l’émasculation comme un maintien de l’indifférenciation des sexes originelle et un défit au vieillissement imposé par la nature.

 Porporino raconte la ville, ses ruelles, ses palais. Il fait revivre la cité napolitaine rivale des autres capitales européennes autour des princes mécènes de cet âge baroque et leurs intrigues de cour. Il fréquente les amateurs d’art et les esprits éclairés dans les salons de la haute société où se tiennent des échanges sur les artistes, les compositeurs, les querelles musicales. Il y croise Casanova (1725~1798) entre deux aventures, la superbe lady Hamilton (1765~1815), le baron de Breteuil (1730~1807) ambassadeur de Louis XV, le franc-maçon nationaliste Antonio Perocades, le jeune Mozart (1758~1791) et la belle intrigante Sarah Goudar. Tous ces personnages ayant réellement existé donnent de la vraisemblance à cette autobiographie fictive.

 

La troisième partie, Naples, vit sous le règne des Bourbons d’Espagne depuis 1735. Le jeune roi Ferdinand IV (1751~1816), époux de Marie-Caroline gouverne en despote. La cité est partagée entre les influences italiennes et espagnoles. L’esprit rationaliste des Lumières se heurte aux traditions héritées du passé antique et baroque. L’art lyrique est en mutation : les goûts du public évoluent sous l’impulsion de Scarlatti (1660~1725), de Métastase (1698~1782) et Pergolèse (1710~1736). « L’opera seria », spécialité napolitaine  qui traite de sujets mythiques en utilisant des voix de sopranos et l’aigu des castrats affublés de costumes extravagants, des effets de mises en scènes avec des machineries compliquées, cohabite maintenant avec « l’opera buffa » traitant de sujets comiques avec des personnages évoluant dans des situations quotidiennes, s’exprimant dans les dialectes locaux et excluant les castrats au profit de voix de basse.

Porporino est témoin impuissant de l’amour sans espoir du comte Manuele Carafo pour son ami Feliciano qui fait ses débuts dans le rôle d’Achille au San Carlo dans la reprise du drame de Métastase Achille à Scyro. C’est le prétexte pour Dominique Fernandez d’une reconstitution grotesque et imagée de l’ambiance d’une représentation lyrique napolitaine. Don Raimondo de Sansevero conçoit la décoration et l’aménagement de la chapelle de son palais et entreprend des expériences de plus en plus audacieuses. Horrifié, Porporino constate que son protecteur s’enfonce dans la folie jusqu’à ce que...

 

Dominique FERNANDEZ analyse en profondeur le problème psychologique des castrats. Porporino, par la blessure sexuelle qui lui a été infligée est entré dans la marginalité. La société n’aime pas les marginaux qui, par leur existence même, représentent la contestation de l’ordre établi, de la norme. Porporino en souffre, mais il en jouit aussi. N’appartenant à aucun sexe, tout en ayant une attitude soumise, les castrats se sentent libres et portent un regard critique sur la société qui les a éloignés de la vie normale. Porporino et Feliciano sont vus comme marginaux à la fois rejetés comme « différents », mais intriguent les gens « normaux ». D’aucuns leur prêtent certains pouvoirs occultes. Leur androgynéité éveille chez d’autres une attirance sexuelle (Don Manuele, Sarah Goudar). Leur voix et leur talent font pâmer les foules de l’époque.

Le thème de l’homosexualité est effleuré discrètement. Ce n’est pas vraiment l’objet du livre.

Amoureux du sud de l’Italie, et particulièrement de Naples, Dominique FERNANDEZ nous plonge dans cette époque fastueuse que fut le XVIIIe siècle pour Naples qu’il fait revivre magistralement.

 

Le roman de Dominique FERNANDEZ a obtenu le Prix  Médicis en 1974.

Pour en savoir plus vous trouverez dans ce blog le résultat de mes recherches sur :

LE ROYAUME DE NAPLES AU XVIIIe SIÈCLE :

LES CASTRATS:

et un message que j'ai trouvé sur ce site à propos du prince de Sansevero :

23 août 2010

Raphaël PÉAUD (1970) - CIRCUS ALÉA (2005)

Raphaël PÉAUD (1970) 

CIRCUS ALÉA (2005)

L’AUTEUR : Raphaël PÉAUD, originaire de Châlette-sur-Loing dans la région montargoise, a une quarantaine d’années. Après avoir effectué des études de monteur dans une école de cinéma il a travaillé comme stagiaire en tant qu’assistant monteur avec des metteurs en scène réputés. Depuis qu’il est devenu monteur, il est « intermittent du spectacle ». S’étant trouvé au chômage durant deux ans, il a mis à profit cette période en écrivant le roman Circus Aléa[1], paru à compte d’auteur en 2005. Auparavant, il avait déjà écrit un premier livre autobiographique Kyria le dernier.

Raphaël Péaud est monteur de profession, pour le cinéma et la télévision, mais également photographe, écrivain et réalisateur occasionnel. Il diversifie actuellement son activité en direction du spectacle vivant.

Ses sources d’inspiration : Raphaël PÉAUD aime la musique et les musiciens. Il a eu un contrat avec le nouveau cirque à La Villette où il a participé au tournage d’un film sur la vie d’un cirque hors piste et en piste et a donc été amené à côtoyer les artistes.

D’autre part, un de ses amis a été dans le coma durant trois mois et il a participé à l’accompagnement du malade pendant son inconscience. Cet ami, cité dans les remerciements qu’il adresse en début d’ouvrage, est mort avant la parution du livre.

Il aime la musique et les musiciens. Il a été frappé par la mort du typhus de Robert DESNOS  à la veille de la libération du camp de Terezin.

LE LIVRE : La première partie de l’ouvrage se déroule dans un petit cirque nouveau, le Chapiteau de papier qui fonctionne en collectif autour du héros, Blaise. Alors que la troupe prépare sa participation au festival de Brescia, Blaise a un grave malaise cardiaque, perd connaissance et doit subir une opération très lourde. Blaise reste plusieurs semaines dans un coma agité, rythmé par le bip-bip des appareils de réanimation.

Quand Blaise reprend conscience, il reste habité par son voyage dans l’antichambre de l’au-delà. Quelles sont ces personnes qui ont accompagné son inconscience ? Quelle est cette musique lancinante qu’il croit saisir et qui s’enfuit sans cesse, martelée par le tic-tac d’un métronome ? Pourquoi s’exprime-t-il en Italien et récite-t- il des poèmes en cette langue ? À qui appartient ce nom Vaclav Veselka ?

Rien ne peut reprendre comme avant. Blaise, dans la deuxième partie, cherche à comprendre la signification de ce cauchemar et à lier les bribes de ce qui l’obsédait dans son inconscience.

Quantité de thèmes sont abordés dans ce roman :

° la vie des petits cirques, les problèmes de survie de ce type de représentation, les intermittents du spectacle, l’existence ou l’absence de subventions, le fonctionnement d’un « collectif », la composition éphémère, hétérogène, hétéro-nationale d’une troupe le temps d’une tournée, le spectacle et ses exigences, les répétitions, les conflits, les enfants de la balle ;

° les non-dits et leurs ravages, les souvenirs enfouis de la petite enfance ;

° la famille de Blaise, alliance d’un employé du B.T.P. en déplacement en fonction des chantiers, et d’une femme Rom sédentarisée et par là-même du clan manouche, le phagocytage du père par « les aborigènes », l’élimination de l’enfant venu d’ailleurs ;

° le père mort, toujours présent bien que rejeté, la sœur, Michelle, protectrice de Blaise, Chouquette, digne représentant du clan, Constance, la mère, personnage ambigu, qui pourtant souhaite son retour au foyer, l’oncle Raymond, protecteur de Blaise jusqu’à la mort du père, musicien, complice cependant du non-dit ;

° le couple Blaise – Poline, la rupture d’entente due aux conséquences de la maladie qui a engendré un changement de registre pour Blaise qui est en quête d’identité, les non-dits, ici aussi ;

° la transmission du vécu par delà le temps et la mort ;

° la psychiatrie, l’association du vécu et de l’inconscient, le rôle de l’écrit spontané ;

° l’irrationnel de Jana, cartomancienne à ses heures et l’hypnose, sa fille Iolanda qui capte les préoccupations des adultes et les formule dans ses récits riches d’inventions.

La question qu’on se pose à la fin du livre est : maintenant que Blaise sait d’où il vient, saura-t-il où aller ?

Terezin : On trouvera, sur les sites web, une documentation sur la forteresse et le ghetto de Terezin qui accueillirent des juifs du 24/11/1941 au 5/05/1945. 139 654 personnes y furent incarcérés, 33 419 y sont morts dont Robert Desnos (Typhus), 86 934 furent déportés vers Auschwitz-Birkenau, 17 320 furent rescapés (QUID).

Terezin se situe à 36 km de la frontière allemande en Tchéquie, à 65 km au nord de Prague en direction de Teplice et Dresde.

ENCYCLOPEDIE MULTIMEDIA DE LA SHOAH

MUSIQUE : Teresienstadt CD Deutche Grammophon 

  

Plus de renseignements sur le CD

REALISATIONS de Raphaël PÉAUD : 1 et 2

  

 


 

[1] LE MANUSCRIT Le livre est disponible sur www.manuscrit.com

29 juin 2010

Dominique FERNANDEZ (1929) – Biographie - Bibliographie

Dominique FERNANDEZ (1929) – Biographie - Bibliographie

Dominique FERNANDEZ est né à Neuilly-sur-Seine le 25 août 1929. Il est diplômé de l’École Normale Supérieure et agrégé d’Italien en 1955. En 1957, il devient professeur à l’Institut français de Naples.

Dès 1958, il partage son temps entre l’enseignement, l’écriture de livres et rédige des critiques pour la presse littéraire la quinzaine littéraire, l’Express, le Nouvel Observateur et rejoint le comité de lecture des éditions Grasset.

 Il soutient sa thèse sur L’Échec de Pavese en 1968 et devient docteur ès lettres. Il est nommé professeur d’Italien à l’université de Haute-Bretagne.

Ses ouvrages, une cinquantaine de romans ou essais sont célébrés par la critique et sont appréciés du public.

Son roman, Porporino ou les Mystères de Naples, paru en 1974 raconte l’histoire d’un jeune paysan pauvre du sud de l’Italie que son père destine à devenir castrat napolitain. Le livre est récompensé par le prix Médicis. Un opéra tiré de ce roman fut joué au festival d’Aix-en-Provence.

Dominique Fernandez a inventé la « psychobiographie » utilisée déjà en 1967 dans L’échec de Pavese et qu’il définit ainsi en 1975 dans Eisenstein, L'arbre jusqu'aux racines : « Mettre en parallèle la vie et l'œuvre, découvrir un traumatisme inconscient qui éclaire, et l'une et l'autre : voilà, posément affirmés, les principes mêmes de la psychobiographie. »

En 1976 paraît L’Étoile rose sur ce même thème de l’homosexualité dont il est un défenseur de la cause tout comme celle du PACS.

En 1982, il obtient le Prix Goncourt avec le roman Dans la main de l’ange, un récit écrit sous la forme d’une autobiographie fictive de l’écrivain et cinéaste italien Pasolini retrouvé assassiné sur une plage d’Ostie en 1975.

 Il réhabilite l’art baroque, en 1984 avec Le Banquet des anges sur l’Europe baroque de Rome à Prague et en 1995, dans La Perle et le Croissant sur l’art baroque de Naples à Saint-Pétersbourg.

Grand voyageur, il a rédigé de nombreux ouvrages inspirés de ses voyages.

En 2007, il est élu à l’académie Française au fauteuil 25 du professeur Jean Bernard.

Dans Ramon, en 2009, Dominique FERNANDEZ revient sur le  destin ambigu de Ramon Fernandez (1894~1944), son père, qui, avant d’être membre du bureau politique du Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot, fut socialiste et l’un des plus brillants critiques littéraires de l’entre-deux-guerres et dont certaines des œuvres sont toujours considérées comme majeures.

Sources :

et : fr.wikipedia.org/wiki/Dominique_Fernandez

3 avril 2011

David LODGE (1935) – La Vie en sourdine (2008)

David LODGE (1935) – La Vie en sourdine (2008)

 

Traduit de l’anglais par Suzanne V. Mayoux

 

Qui est ce « grand monsieur grisonnant à lunettes, qui se tient en lisière de la foule dans la salle principale de la galerie, et se penche tout contre la jeune femme au corsage de soie rouge, baissant la tête et la détournant de son interlocutrice, opinant du chef sagement et émettant un murmure phatique par moment » ? Ce monsieur a adopté cette position parce que « la pièce est pleine de bruit de conversations et que le brouhaha se répercute sur les surfaces dures du plafond, des murs et du plancher, et tourbillonne autour des têtes des invités, les incitant à crier encore plus fort pour se faire entendre. » « ... le bruit a atteint depuis un certain temps un niveau qui ne lui permet d’entendre qu’une fraction des mots ou expressions qu’elle lui adresse. » « Il est voyez-vous, ‘‘dur d’oreille’’, ou ‘’malentendant’’ ou encore, pour faire simple, sourd – pas sourd comme un pot, mais assez sourd pour rendre la communication imparfaite dans la plupart des situations sociales, voire impossible dans certaines, comme celle-ci. »

C’est ainsi que se présente Desmond Bates dans la chronique d’un hiver singulier. Celle-ci est rédigée tantôt à la première personne pour son journal, tantôt à la troisième personne dans de petits textes qui lui permettent d’adopter la distance d’un observateur neutre par rapport à sa personne.

Dans le cadre de la réorganisation des universités, l’administration a offert à Desmond Bates, professeur de linguistique et directeur de son département, la possibilité de prendre sa retraite avec anticipation, proposition assortie de conditions financières intéressantes. Le professeur Bates a accepté, non par lassitude de l’enseignement. Les tracasseries administratives envahissantes ont surement pesées dans la balance, mais pas seulement. Les échanges verbaux avec autrui devenaient de plus en plus difficiles pour lui, car depuis une vingtaine d’années, une surdité progressive lui joue de mauvais tours.

La conversation relatée plus haut, va justement le fourrer dans une situation embarrassante. Croyant opiner à de vagues remarques sur la qualité des œuvres exposées dans cette galerie si sonore, il vient d’accepter un rendez-vous avec cette jeune femme au corsage rouge.

La retraite, qui  fut au début « une espèce de congé sabbatique prolongé » très agréable, commence à perdre son charme au bout de dix-huit mois. La routine, qui s’est progressivement installée, devient pesante. Desmond partage son temps entre la lecture du Gardian, en buvant ses deux premières tasses de thé de la journée, les courses, les petites tâches quotidiennes, ses emprunts à la bibliothèque, ses passages au foyer de l’université, ses voyages mensuels chez son père octogénaire qui vit seul dans sa maisonnette au sud-est de Londres.

Pendant ce temps, Winifred, de huit ans sa cadette occupe sa journée avec des activités de toutes sortes. Dans la galerie marchande d’un grand centre commercial, Fred a fondé, avec son amie et associée Jakki, une entreprise de décoration d’intérieur qui a prospéré et pris de l’ampleur. La présence, la confiance en elle, le dynamisme de Fred en ont fait progressivement une célébrité locale dans les domaines ayant un lien avec les arts. Desmond, tel une sorte de prince consort, l’accompagne dans toutes les sorties mondaines à vocation culturelles auxquelles elle est invitée.

La jeune femme de la galerie, une certaine Alex, s’est rappelée au bon souvenir de Desmond qui l’avait oubliée en toute bonne foi. Un rendez-vous est programmé chez elle. Jouant sur le peu de considération qu’il accorde au Pr Buttervorth qui suit désormais les thésards, Alex Loom obtiendra du Pr Bates, d’abord réticent, qu’il supervise, dans une semi-clandestinité, la thèse de doctorat qu’elle prépare sur le contenu de lettres de suicidés. La révélation à Fred de l’existence et du lieu de cette rencontre ne s’étant pas présentée aussitôt, Desmond renonce à l’en informer. Omission qui le jette dans les affres d’un sentiment de culpabilité.

Il est préoccupé par l’état de son père, un ancien ouvrier, qui vit chichement, dans un isolement volontaire, confiné parmi ses souvenirs et les reliques de ses loisirs comme musicien de jazz et figurant de cinéma ou de sitcom. Le désordre, le laisser-aller ménager et vestimentaire du vieillard le désolent. Incapable de faire face aux tracasseries de l’administration sans visage, le vieil homme s’arc-boute sur son indépendance et refuse toute proposition de changement de cadre d’existence. Inquiet de la dégradation physique et mentale d’Harry, Desmond hésite à contrer le choix paternel pour prendre à sa place la décision qu’il sait inéluctable.

Dans un récit plein d’humour et d’autodérision, Desmond Bates passe sans transition de la relation des déboires, même les plus triviaux, qui jalonnent son existence à l’exposé documenté du domaine médical ou scientifique, à des considérations philosophiques ou métaphysiques sur le sens de la vie et de la mort.

En choisissant le titre Deaf Sentence qui peut se traduire littéralement en français par « Sentence de surdité », David LODGE joue sur la presqu’homophonie des noms deaf et death. Le second signifiant mort. La mort est omniprésente dans ce roman.

Petite mort que l’infirmité de son héros écarté du verbe indispensable à la vie sociale, incapable de comprendre la parole d’autrui, ridiculisé et incompris, et dont il développe tous les aspects et imparfaites tentatives de remède. Petites morts aussi, sous bien des aspects, sont la libido capricieuse et incertaine, la retraite et la vieillesse. David Lodge nous invite à suivre ses réflexions sur le suicide, la mort lente dans la dépendance physique et la déchéance mentale, l’agonie « assistée ».

Après quatre mois éprouvants, Le Pr Bates trouvera, au jour le jour, sur sa route, des petits bonheurs qu’il est bon de goûter au passage.

Dans ce roman drôle, émouvant et poignant, David LOGGE traite de sujets graves avec amour, tact et sensibilité. Suivant les expériences qu’il a déjà vécues ou qu’il sera amené à vivre, chacun peut trouver à s’identifier au Pr Bates en lisant ce récit.

Thérapie (1995 ;1996) :

http://colinecelia.canalblog.com/archives/2011/03/20/20679156.html

Pensées secrètes (2002) :

http://colinecelia.canalblog.com/archives/2011/03/27/20719257.html




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5 juin 2011

Louis-Ferdinand CÉLINE (1894~1961) - BIOGRAPHIE - BIBLIOGRAPHIE

Louis-Ferdinand CÉLINE (1894~1961) - BIOGRAPHIE -BIBLIOGRAPHIE

 

        CÉLINE, de son vrai nom Louis-Ferdinand DESTOUCHES, est né à Courbevoie en banlieue parisienne en 1894. Son père était employé au service de la correspondance dans une compagnie d’assurance et sa mère possédait un commerce de dentelles. Ses parents ne s’entendent guère et connaissent d’incessants problèmes financiers. L’enfant trouvera soutien et réconfort auprès d’un oncle et de sa grand-mère maternelle dont il choisira le prénom comme pseudonyme en 1932.

Il passe son certificat d’études, quitte l’école, effectue des séjours en Allemagne et en Angleterre, avant d’être placé comme apprenti dans divers commerces.

Il s’engage dans la cavalerie où il deviendra maréchal des logis. Il a 20 ans en août 1914, quand la guerre éclate. Il est blessé au bout de 3 mois et est démobilisé l’année suivante. Cette expérience fera de lui un pacifiste acharné.

Il fait une courte expérience conjugale en Angleterre.

De 1916 à 1917, il s’embarque pour l’Afrique de l’Ouest où  il est surveillant de plantation pour une compagnie forestière. De santé fragile et déçu de ne pas avoir fait fortune, il rentre en France à la fin de la guerre.

Profitant des mesures prises en faveur des anciens combattants, il passe son baccalauréat en 1919 et s’engage dans des études de médecine au cursus accéléré de 5 ans.

En 1919, il épouse la fille d’un professeur de médecine.

Après sa thèse, il entre à la S.D.N., à la section d’hygiène, à Genève. Ce poste l’amène à faire de nombreux voyages. Il s’intéresse à la médecine du travail aux États-Unis. Il découvre New York et les usines Ford de Detroit.

Il divorce en 1926 et vit avec une danseuse américaine Élisabeth Craig.

En 1928, il s’installe à Clichy où il ouvre un cabinet privé puis travaille au dispensaire municipal.

En 1932, son père  meurt, il fait paraître chez Denoël, Voyage au bout de la nuit.

En 1933, Élisabeth Craig rompt avec lui et retourne définitivement aux État-Unis.

En 1936, c’est la parution de Mort à crédit qui est reçu fraîchement.

Il rédige ensuite Casse-pipe, un roman de l’expérience militaire qui paraîtra en 1949.

Il compose des arguments de ballets, des essais théâtraux, des synopsis de films et surtout des pamphlets connus pour leur violence : Mea Culpa en 1936 qui s’attaque surtout au communisme soviétique, et pour leur antisémitisme ordurier : Bagatelles pour un massacre en 1937, L’École des cadavres en 1938  où est affirmée sans ambiguïté son admiration pour Hitler et enfin nettement pro allemands avec Les Beaux Draps, ainsi qu’une longue série d’articles favorables à la politique de Vichy.

En 1943, il épouse Lucette Almanzor, une danseuse rencontrée en 1935 qui l’accompagnera jusqu’à sa mort.

En 1944, paraît la première partie d’un nouveau roman rédigé pendant la guerre, Guignol’s band, et dont la seconde partie sera publiée de manière posthume en 1964, sous le titre Pont de Londres.

Au lendemain du débarquement allié, CÉLINE, accompagné de sa femme,  suit Pétain et ses collaborateurs à Sigmaringen, parvient, en 1945, à rejoindre Copenhague au Danemark où il a mis de l’argent en sûreté. Il est extradé pour ses activités collaborationnistes par la France et est incarcéré pendant deux ans. Il sera libéré en 1947 et restera en exil au Danemark. À la suite d’une amnistie, il rentre en France, en 1951, mais est condamné à l’indignité nationale et à la confiscation de ses biens.

Il s’installe à Meudon où il ouvre un nouveau cabinet médical et revient à l’écriture.

Il raconte ses années d’errance et règle ses comptes dans Une féerie pour une autre fois qu’il publie en 1952. En 1954, c’est la publication de la seconde partie de Féerie sous le titre de Normance, et de l’interview imaginaire où il aborde quelques points de sa poétique, Entretiens avec le professeur Y.  Les critiques et le public lui restent hostiles et le boudent.

En 1957, paraît Un château l’autre qui retrace l’épisode peu glorieux de Sigmaringen qui rencontre le succès. Mais Céline reste un auteur sulfureux.

Il poursuit le récit de ses tribulations allemandes dans Nord (1960) et dans Rigodon (posthume 1964).

Dans ces derniers romans, il apparaît sous son vrai nom et dans des circonstances réelles transposées par l’imaginaire.

Lien pour consulter le message sur Voyage au bout de la nuit (1932)

À voir à propos de Céline et son œuvre, son antisémitisme, sa collaboration et son attitude après son retour en France, la vidéo publiée le 17 oct. 2011 par Arteplus7 : Le procès Céline

 ainsi que Les entretiens à Meudon ( en 2 parties) sur la même chaîne

1ère partie

2ème partie

27 septembre 2010

William BOYD (1952) - La Vie aux aguets (2007)

William BOYD (1952)

La Vie aux aguets (2007)

Après la mort de son mari, Sally Gilmartin  s’est retirée au cœur de l’Angleterre dans un cottage noyé dans une végétation épaisse et luxuriante. Elle se voit souvent confier la garde de son petit-fils Jochen, les samedis après-midi. Pourtant, habitués à ses caprices et ses excentricités, sa fille Ruth et Jochen son petitfils sont intrigués par le comportement de la vieille dame de soixante-cinq qu’ils découvrent circulant en fauteuil roulant dans son jardin et sa maison quand ils arrivent à Middle Ashton, ce samedi de juin 1976. Celle-ci prétend soulager son dos par ce moyen, après avoir fait une chute sans gravité majeure. Sally demande à sa fille de la pousser jusqu’au village où elle fait quelque achat superflu et cherche manifestement à s’afficher dans un tel équipage auprès des habitants. Ruth la surprend à surveiller le fond de sa propriété. Il semble qu’elle craigne une présence dans le bois. Plus tard, Ruth est inquiète sur la santé mentale de sa mère, après que Sally lui a donné des consignes de précautions à prendre pour ses prochains appels téléphoniques.  Paranoïa ou sénilité précoce? La question s’impose à elle, quand, au moment de partir, Sally lui remet une partie d’un manuscrit et lui révèle qu’elle s’appelle en réalité Eva Delectorskaya.

William BOYD alterne les chapitres de l’histoire d’Eva alias Sally de 1939 à 1942 avec des séquences de la vie de Ruth.

Ruth Gilmartin est une maman célibataire. Son fils est né cinq ans plus tôt, alors qu’elle étudiait en Allemagne. Elle vit maintenant à Oxford et, tout en préparant une thèse de doctorat, donne des cours particuliers de langue anglaise à des cadres étrangers en stage d’immersion linguistique. Ruth narre sa vie quotidienne partagée entre le côté « plan-plan » des préoccupations matérielles d’une jeune femme active et la découverte de cette inconnue que fut sa mère.

Les parents de l’héroïne de l’«Histoire d’Eva Delectorskaya » ont fuit la Russie après la révolution bolchevique. La famille vit à Paris en 1939. Après l’enterrement de Kolia, le fils aîné, tué dans des échauffourées lors d’un meeting politique, Eva est contactée par un certain Lucas Romer. L’homme s’emploie à la convaincre de poursuivre des activités que son frère aurait exercées auprès des services secrets anglais. Eva alias Miss Ève Dalton, entre autres identités, excelle dans ses missions qui la conduiront en Belgique, en Angleterre, à New-York et au Nouveau Mexique jusqu’en 1942. Qui est la taupe qui a infiltré le service ? Eva échappe miraculeusement à une mort programmée. Seule survivante avec le traitre, la jeune femme se sait condamnée à mort. Sa formation et l’expérience acquises au service de Sa Majesté vont l’aider à fuir, à brouiller les pistes et à s’évanouir dans l’anonymat de papiers truqués. Eva a l’occasion de rentrer en Angleterre où elle épousera Sean Gilmartin, le père de Ruth.

En lisant les chapitres des aventures de sa mère-espionne, Ruth comprend enfin certaines bizarreries de sa mère, pourquoi celle-ci s’est toujours sentie destinée à être exécutée. Elle sent que Sally-Eva a besoin de son aide pour venir à bout de son obsession.

William Boyd nous conduit, avec « L’Histoire d’Eva Delectorskaya », dans les intrigues géopolitiques de l’Angleterre pour faire entrer les États-Unis à ses côtés, dans la Seconde guerre Mondiale. Parallèlement, avec Ruth, il nous fait revivre les problèmes d’une jeune femme émancipée en cet été 1976 de canicule anglaise, dans le sillage des hippies, du procès d’Andréas Baader en RDA et des manifestations des opposants à la politique du Shah d’Iran.

On peut trouver sur ce site un message sur

l'ATTITUDE DES ÉTATS-UNIS AU DÉBUT DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE

des informations concernant le BSC

des informations concernant Andréas Baader (évoqué par Ruth) :

http://www.lefigaro.fr/international/2008/08/01/01003-20080801ARTFIG00004-andreas-baader-dandy-rouge-sang-.php

des informations concernant La fin des Pahlavi en Iran

et sur cet autre site sur la famille Pahlavi et l'Iran

24 avril 2011

Rachid BOUDJEDRA (1941) - La Vie à l’endroit (1997)

Rachid BOUDJEDRA (1941) - La Vie à l’endroit (1997)

 

     Le livre est sorti en librairie en 1997. Le personnage principal est Rac dont le nom peut être interprété comme un diminutif de Rachid. Tout comme Rachid BOUDJEDA, cet homme fait l’objet d’une fatwa lancée par les « Fous de Dieu ». De nombreux détails sont directement inspirés de la biographie de l’auteur : sa mère répudiée par un père tyrannique qui a eu quatre épouses, trente-six enfants, voyage beaucoup par le monde pour ses affaires et adresse des cartes postales de tous les endroits visités ; une grand-mère obèse autoritaire grande cuisinière ;un oncle veule réduit à sa merci ; les villes de Constantine, de Bône (Annaba) et d’Alger qu’il connaît bien, Le sujet de l’ouvrage porte sur trois dates dans trois lieux différents, le 26 mai 1995 à Alger, 26 juin 1995, à Constantine dans la maison familiale, le 26 juillet 1995, dans un hôtel de Bône. Rac, donc, est un homme condamné à une vie clandestine mouvementée car il n’a pas renoncé à lutter contre les intégristes. Sa compagne française, Flo, est infirmière dans un hôpital d’Alger. Menacé de mort, il est armé, possède une capsule de cyanure prête à être utilisée afin d’éviter de tomber vivant entre les mains de ses ennemis


     De sa planque, Rac assiste, puis se mêle, au délire joyeux des supporters du C.R. Belcourt qui vient de remporter la Coupe d’Algérie de football. La foule en liesse, dirigée par la mascotte du club, un nain fantasque et excentrique surnommé Yamaha, brave le couvre-feu de l’armée et les tabous intégristes. Tout à sa joie, le peuple en transes oublie, par une fête païenne, sa peur et transgresse tous les interdits. C’est un tournant pour le pays, les autorités débordées supprimeront le couvre-feu définitivement. Quelques jours plus tard, Yamaha sera abattu sauvagement par les intégristes.

     Rac, clandestin, est condamné à l’inexistence sociale et privée, à l’inexistence physique sous ses déguisements. Tel un insecte englué dans une toile d’araignée, Rac, obsédé par les meurtres rituels ou sadiques des intégristes et les tortures qu’ils infligent à leurs victimes, se débat entre  ce qu’il appelle « peur extérieure et peur intérieure ». Il tente de leur ériger un rempart de sa subjectivité. Photographe, il réactive son imaginaire en s’entourant de clichés représentant les victimes des horreurs intégristes. Ceux qu’il a réalisés de l’exécution de Yamaha y ont une bonne place. Certains ont été soustraits de la morgue par Flo. Il réveille aussi les démons du passé, afin de les vaincre.

     Flo, inquiète, voit l’homme qu’elle aime, partagé entre haine et compassion, entre terreur et sérénité, entre rejet et recherche d’une vie tranquille. Elle le voit s’enfoncer dans une folie meurtrière et hallucinatoire. La raison l’emportera-t-elle ? La vie finira-t-elle par revenir à l’endroit ?


     L’auteur nous expose les portraits manichéens, figés  et récurrents des personnages qui étayent la subjectivité de Rac/Rachid. Ses descriptions des lieux et des situations sont réalistes, sans concession, voire sordides. Il n’est pas indifférent à la nature, les arbres derrière les vitres, les jacarandas d’Alger, le bougainvillier de Constantine, le platane de Bône résistent au temps, aux évènements qui bouleversent le pays. Ils sont espoir de normalité et de paix dans leur vitalité exubérante.


     La Vie à l’endroit est un ouvrage qui dérange. Son intérêt est de rendre compte de la période de terreur qui a frappé l’Algérie du fait de la menace intégriste. Mais c’est aussi un roman provocateur et subversif. Il me semble que l’auteur ressasse sans fin ses traumatismes  et justifie ses engagements  comme dans une analyse qui peine à aboutir.

 

ColineCelia a lu aussi Fascination (2000) de Rachid BOUDJEDRA

http://colinecelia.canalblog.com/archives/2011/05/01/21026303.html

   

29 juin 2010

Dominique FERNANDEZ (1929) - Dans la main de l’ange

Dominique FERNANDEZ (1929)

Dans la main de l’ange

On n’a jamais vraiment su comment et par qui exactement le poète, romancier et cinéaste italien Pier Paolo PASOLINI (Bologne 1922 ~ Près de Rome 1975) fut assassiné sauvagement, sur une plage d’Ostie dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975, probablement par une de ses conquêtes masculines de la soirée. On a parlé aussi de trois hommes mystérieux. Le destin de cet homme complexe, tourmenté, passionné, anticonformiste, créateur maudit, avait tout pour séduire Dominique FERNANDEZ ,qui a construit avec ce récit, une autobiographie fictive de cet être marginal.

Pier Paolo avait été influencé par son professeur d’histoire de l’art à l’Université et avait découvert avec lui les peintres Masaccio (1401~1428), Masolino (1383~1447), Piero della Francesca (1416~1492) et Le Caravage (1573~1610). Rompant avec les conventions expressives idéalistes du sentiment religieux, ce dernier, qui choisissait ses modèles dans le peuple et soulignait avec réalisme leur aspect humble et prosaïque, subit l’hostilité de ses contemporains et fut accusé de vulgarité et d’indécence. Sa vie aventureuse lui valut des démêlées avec la police, une accusation de meurtre qui le contraignit à fuir et une mort restée mystérieuse[1].

Dominique FERNANDEZ dresse un parallèle entre les destins du réalisateur et du peintre. Artistes en rupture avec leur temps, provocateurs, marginaux, homosexuels, tous deux découverts assassinés sur une plage. Il comble les lacunes historiques par son imagination soutenue par son érudition et sa culture. Dominique FERNANDEZ conduit cette psychobiographie de façon à démontrer par quel déterminisme implacable les évènements familiaux, historiques, politiques, le cadre naturel ou urbain, les conceptions architecturales et artistiques, l’évolution sociale, la révolution des mœurs du demi-siècle de 1922 à 1975, vont modeler les fantasmes et les pulsions de Pier Paolo P.,  en faire le créateur d’une œuvre variée originale et provocatrice, le porter à l’obsession, exacerber ses pratiques homosexuelles vers un sadomasochisme exercé dans les lieux les plus repoussants, avec son ami du moment ou des prostitués ramassés dans les quartiers malfamés de Rome. Le paroxysme étant atteint avec la mort infâme réalisatrice de son vœu le plus profond. Ne conclut-il pas sa longue lettre posthume adressée à son ami napolitain Gennariello que constitue ce roman : « Dans aucun de mes livres, dans aucun de mes films je ne m’étais montré à la hauteur de mes ambitions. Mais maintenant je m’en allais tranquille, ayant organisé dans chaque détail ma cérémonie funèbre et signé ma seule œuvre assurée de survivre à l’oubli. » ?

Si les situations intimes décrites sont imaginaires, les évènements, les dates, les lieux sont réels ainsi que les célébrités citées.

On peut facilement comprendre qu’à sa parution, l’ouvrage fut décrié par les proches de PASOLINI et fut sujet à controverse. Cette relation rompt avec la notion habituellement véhiculée de biographie. Écrit très dense et très fort, il ne laisse pas indifférent. Dominique FERNANDEZ qui a fait lui-même l’expérience de l’exclusion, a su, avec talent, nous amener à mieux comprendre son héros.

L’écrivain a été récompensé par le jury du Prix Goncourt, pour ce livre en 1982.

 

CONTEXTE HISTORIQUE dans lequel se situe le roman

À PROPOS DU FUTURISME EN ITALIE AU DÉBUT DU XXe SIÈCLE

 


 

[1] Résumé du portrait du peintre Le Caravage par Le Petit Robert des Noms propres.

 

 

29 mai 2011

VOYAGE AU BOUT DE LA NUIT (1932) - Louis-Ferdinand CÉLINE (1894~1961)

 

VOYAGE AU BOUT DE LA NUIT (1932) - Louis-Ferdinand CÉLINE (1894~1961)

Le livre se résume dans son titre Voyage au bout de la nuit.

LA NUIT

La nuit  est du côté de la Terre qui n’est pas éclairé par le soleil. C’est ce qu’on ne voit pas, la face cachée des institutions (l’armée, la recherche médicale, le clergé, le commerce, la psychiatrie), des lieux (la banlieue des villes, leurs bas-fonds, les cours intérieures, les coulisses du théâtre, les maisons closes), des personnes (les sentiments profonds, inavouables, refoulés).

La nuit, c’est l’envers du décor, le côté des idéaux politiques et sociaux, l’envers des valeurs morales.

La nuit, c’est ce que vivent  ceux qui ont perdu leurs repères, les fous, les aveugles.

La nuit, c’est la mort. C’est aussi l’enfer.

LE VOYAGE

Le voyage est une anti- épopée  burlesque et amère, un voyage initiatique vécu par le narrateur, Ferdinand Bardamu,

- Pendant la guerre de 1914-18, dans les coulisses du front, des postes de commandement, à l’arrière dans les hôpitaux avec les convalescents qui ont été blessés dans leur corps, dans leur tête et ont perdu leurs illusions, dans le Paris des permissionnaires, des « planqués », des œuvres caritatives

- En Afrique coloniale et colonisée, dans la brousse

- En Amérique, aux Etats-Unis, à New York, du côté des pauvres, des émigrés, des chercheurs d’emploi, des ouvriers sur les chaînes des usines Ford, à Detroit.

En banlieue parisienne où médecin des pauvres, Barnamu survit à peine et partage le sort misérable de ses patients à une époque sans protection sociale.

À Paris, dans un hôtel meublé pour carabins désargentés, les coulisses d’un cabaret, les maisons closes, les hôtels de passes.

Dans une institution pour aliénés désignée sous l'euphémisme de « maison de santé »

      Le roman est une auto fiction dans laquelle se retrouve l’expérience de CÉLINE qui a vécu dans tous les endroits fréquentés par Bardamu, comme soldat, employé de plantation en Afrique coloniale, médecin à la S.D.N. et en banlieue parisienne pauvre, ami et époux d’artistes.

      LE NARRATEUR s'exprime en langage parlé populaire aux tournures riches et argotiques. Antihéros, tour à tour, simple « troufion », employé subalterne, esclave galérien, immigré, gigolo entretenu par des artistes qui se prostituent, et enfin modeste médecin fauché et sans prestige, il vit les pires expériences et les révèle sous leur aspect habituellement caché.

      Bardamu se présente comme un raté, peureux, prêt à toutes les lâchetés pour se tirer d’embarras. Un être sans ambition, sans idéal, non sans repères moraux car il est conscient de les franchir. Un pleutre incapable de résister à l’attrait de Léon Robinson, son âme damnée, qu’il retrouve à toutes les étapes de son voyage.

     Robinson qui ne supporte aucune contrainte, capable de toutes les turpitudes, même tuer. Rendu momentanément aveugle il le précède dans la nuit. Lui ira au bout de la nuit. Il est celui qui suit ses pulsions, celui qui passe à l’acte.

     Dans ce roman, le narrateur, homme du peuple, fait parler le peuple, montrant sans mélo, sans populisme, un personnage qui évolue en faux naïf dans un monde malsain, sale, pervers. Un homme qui jette un cri de révolte et de désespoir.

     LE STYLE est familier, très imagé, riche des tournures populaires et de l’argot, bien documenté. Le rythme est véhément et d’un lyrisme haletant.

   LES PERSONNAGES sont décrits scientifiquement, médicalement. L’homme n’est qu’un être en décomposition comme le monde qu’il a construit et ce qu’il produit.

   Certaines scènes nous plongent dans  le surréalisme et l’absurde :

     - L’engagement à l’armée de Bardamu, suivant les sergents recruteurs, évoque le conte d’ANDERSEN du « Joueur de flûte ».        
      - L’exercice des miliciens du sergent Alcide chaque matin sur la plage, « en s’imaginant des sacs, des chaussures, voire des baïonnettes et plus fort encore, en ayant l’air de s’en servir…vêtus d’un semblant de culotte kaki. Tout le reste devait être par eux imaginé et l’était. »
     - Bardamu, aux portes de l’immigration, transformé en agent « compte-puces » dans les services de la « Quarantaine » à son arrivée aux Etats-Unis obsédés de statistiques.
           - La visite du caveau de la mère Henrouille.
         - Le voyage au pays des morts alors qu’il raccompagne Tania et traverse un cimetière Montmartre fait penser à la représentation de WALD DISNEY dans le dessin animé Fantasia d’Une Nuit sur le Mont Chauve de MOUSSORGSKI.

     Seules lueurs dans ce tableau sordide et déprimant, Alcide qui se sacrifie pour faire élever sa nièce dignement, Moly, Bébert.

     Il se penche sur des valeurs comme l’autorité, la justice, la compétence professionnelle, la connaissance, la bravoure, l’héroïsme, pour en dénigrer les travers, les ridiculiser, et montrer la futilité de leurs représentants.

    Il met en évidence la fragilité de la frontière entre folie et simulation, entre raison et aliénation, entre vie et mort et souligne leur interpénétration.

    C’est un roman très riche et perturbant. À la fin de chaque étape de ce voyage, le lecteur se réveille d’un cauchemar,amer et mal à l’aise, pour replonger aussitôt dans son atmosphère morbide et délétère. CÉLINE le rend complice de  Bardamu. Il l’entraîne malgré lui, témoin et acteur impuissant, dans des évènements incontrôlables et malsains.

 lien vers : Louis-Ferdinand CÉLINE (1894~1961) - BIOGRAPHIE - BIBLIOGRAPHIE


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