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22 juin 2010

Dominique FERNANDEZ (1929) - Porporino ou Les Mystères de Naples (1974)

Dominique FERNANDEZ (1929)

Porporino ou Les Mystères de Naples (1974)

 

Le comte de S..., propriétaire du château en amont du Neckar, confie un manuscrit de la fin du XVIIe siècle à un éditeur français de passage à Heidelberg. Son ancêtre avait entretenu une « chapelle » selon la coutume de cette époque en Allemagne. Ce sont des Mémoires d’un des derniers castrats napolitains mort très âgé à la cour de cet ancêtre. Le texte est consigné dans trois gros cahiers constituant autant de parties du récit.

La première partie, San Donato, est consacrée à l’enfance de Vincenzo Del Prato dans ce petit village de Calabre. Les habitants y vivent misérablement du fruit de la culture d’une terre ingrate, sous l’autorité des intendants du propriétaire de la région, le prince de Sansevero.

Une menace imprécise pèse sur Vincenzo, perçue par diverses observations, des propos saisis dont il être l’objet, l’embarras de son père, son agressivité envers lui. [Finalement, il se déchargeait sur moi du poids qui l’oppressait. Il ne se contentait plus de me dire : « Bon à rien ! » en me rudoyant au hasard avec les premiers mots qui lui venaient à l’esprit. « Tu ne seras jamais bon à rien ! » s’écriait-il maintenant, et le froncement prolongé de ses sourcils, la lenteur avec laquelle il détachait ses paroles, comme s’il prenait le temps de les choisir et de les peser mûrement, le soin qu’il mettait pour les articuler, la brièveté cinglante du dernier mot qui tombait comme le verdict après une délibération, toutes ces circonstances transformaient une injure machinale à laquelle j’étais depuis longtemps habitué, en une sinistre prophétie qui me remplissait d’épouvante.] Les plaidoiries de don Sallusto et la promesse de beaucoup d’argent feront céder le père de l’enfant qui a la plus belle voix du village et sera placé sous la protection du prince. 

Don Sallusto se plait à visiter ses paroissiens en compagnie du jeune garçon qui s’imprègne ainsi de la pauvreté des paysans du Mezzogiorno de leurs coutumes archaïques souvent surprenantes. L’auteur du manuscrit se remémore ses premiers émois amoureux avec Luisilla son amie d’enfance.

 

La deuxième partie a pour titre Les Pauvres de Jésus-Christ. Porporino - C’est le nom que s’est choisi Vincenzo après sa castration - évoque l’adolescence « différente » des jeunes castrats de l’école napolitaine instruits chez Les Pauvres de Jésus-Christ, leur quotidien, leurs études générales et musicales, leurs servitudes, les sorties gourmandes à la pâtisserie Startuffo, l’amitié admirative et amoureuse avec Feliciano, jeune prodige au physique angélique promis à un brillant avenir. Il raconte sa vie dans le palais du prince de Sansevero (1710~1771), personnage exceptionnel alchimiste, inventeur génial autant qu’original, érudit, franc-maçon. Fasciné par la voix des castrats, celui-ci conçoit l’émasculation comme un maintien de l’indifférenciation des sexes originelle et un défit au vieillissement imposé par la nature.

 Porporino raconte la ville, ses ruelles, ses palais. Il fait revivre la cité napolitaine rivale des autres capitales européennes autour des princes mécènes de cet âge baroque et leurs intrigues de cour. Il fréquente les amateurs d’art et les esprits éclairés dans les salons de la haute société où se tiennent des échanges sur les artistes, les compositeurs, les querelles musicales. Il y croise Casanova (1725~1798) entre deux aventures, la superbe lady Hamilton (1765~1815), le baron de Breteuil (1730~1807) ambassadeur de Louis XV, le franc-maçon nationaliste Antonio Perocades, le jeune Mozart (1758~1791) et la belle intrigante Sarah Goudar. Tous ces personnages ayant réellement existé donnent de la vraisemblance à cette autobiographie fictive.

 

La troisième partie, Naples, vit sous le règne des Bourbons d’Espagne depuis 1735. Le jeune roi Ferdinand IV (1751~1816), époux de Marie-Caroline gouverne en despote. La cité est partagée entre les influences italiennes et espagnoles. L’esprit rationaliste des Lumières se heurte aux traditions héritées du passé antique et baroque. L’art lyrique est en mutation : les goûts du public évoluent sous l’impulsion de Scarlatti (1660~1725), de Métastase (1698~1782) et Pergolèse (1710~1736). « L’opera seria », spécialité napolitaine  qui traite de sujets mythiques en utilisant des voix de sopranos et l’aigu des castrats affublés de costumes extravagants, des effets de mises en scènes avec des machineries compliquées, cohabite maintenant avec « l’opera buffa » traitant de sujets comiques avec des personnages évoluant dans des situations quotidiennes, s’exprimant dans les dialectes locaux et excluant les castrats au profit de voix de basse.

Porporino est témoin impuissant de l’amour sans espoir du comte Manuele Carafo pour son ami Feliciano qui fait ses débuts dans le rôle d’Achille au San Carlo dans la reprise du drame de Métastase Achille à Scyro. C’est le prétexte pour Dominique Fernandez d’une reconstitution grotesque et imagée de l’ambiance d’une représentation lyrique napolitaine. Don Raimondo de Sansevero conçoit la décoration et l’aménagement de la chapelle de son palais et entreprend des expériences de plus en plus audacieuses. Horrifié, Porporino constate que son protecteur s’enfonce dans la folie jusqu’à ce que...

 

Dominique FERNANDEZ analyse en profondeur le problème psychologique des castrats. Porporino, par la blessure sexuelle qui lui a été infligée est entré dans la marginalité. La société n’aime pas les marginaux qui, par leur existence même, représentent la contestation de l’ordre établi, de la norme. Porporino en souffre, mais il en jouit aussi. N’appartenant à aucun sexe, tout en ayant une attitude soumise, les castrats se sentent libres et portent un regard critique sur la société qui les a éloignés de la vie normale. Porporino et Feliciano sont vus comme marginaux à la fois rejetés comme « différents », mais intriguent les gens « normaux ». D’aucuns leur prêtent certains pouvoirs occultes. Leur androgynéité éveille chez d’autres une attirance sexuelle (Don Manuele, Sarah Goudar). Leur voix et leur talent font pâmer les foules de l’époque.

Le thème de l’homosexualité est effleuré discrètement. Ce n’est pas vraiment l’objet du livre.

Amoureux du sud de l’Italie, et particulièrement de Naples, Dominique FERNANDEZ nous plonge dans cette époque fastueuse que fut le XVIIIe siècle pour Naples qu’il fait revivre magistralement.

 

Le roman de Dominique FERNANDEZ a obtenu le Prix  Médicis en 1974.

Pour en savoir plus vous trouverez dans ce blog le résultat de mes recherches sur :

LE ROYAUME DE NAPLES AU XVIIIe SIÈCLE :

LES CASTRATS:

et un message que j'ai trouvé sur ce site à propos du prince de Sansevero :

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