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27 mars 2011

David LODGE (1935) – Pensées secrètes (2002)

Complété le 12 février 2112

David LODGE (1935) – Pensées secrètes (2002)

 

Traduit de l’anglais par Suzanne V. Mayoux

 

Le titre original du roman est Thinks (2001).

Nous sommes sur l’immense campus de l’université de Gloucester[1] qui s’étend sur plusieurs hectares, « tel un radeau gigantesque flottant au milieu de la verte campagne du Gloucestershire ».  La faculté de Lettres et celle de Sciences occupent les deux extrémités du site et sont séparées par un jardin paysagé autour d’un lac artificiel. Une navette gratuite les relie entre elles et conduit aux voies d’accès, « déposant et embarquant des passagers comme dans un aéroport ». Les réformes gouvernementales des années 80,  qui ont mis fin au projet ambitieux initial jugé trop onéreux, ont laissé un espace libre entre les deux pôles.

Ce dimanche de février, Ralph Messenger confie à son dictaphone toutes les idées qui lui passent par la tête. Le médiatique professeur, spécialiste éminent des sciences cognitives, s’est isolé dans son bureau ce matin afin de se livrer à cet exercice d’enregistrement des pensées fortuites. La finalité de l’expérience est de tenter de décrire la structure de la pensée à partir des données brutes recueillies. Il va sans dire que ses propos passent du coq à l’âne, sans oublier ses conquêtes, car Ralph Messenger est un fieffé coureur de jupons. Justement, son attention est attirée par une personne qui marche sous la pluie à travers le campus désert ce matin. Il reconnaît Helen Reed, la romancière qui remplace le professeur titulaire du poste de création littéraire parti en congé sabbatique.

 Helen Reed a été engagée pour terminer l’année. Ce poste et le changement de cadre de vie devraient apporter un dérivatif au chagrin qu’elle éprouve depuis la mort brutale récente de Martin, son mari. Ses pensées secrètes, les petits évènements quotidiens, elle les tape plus traditionnellement sur son ordinateur portable.


            Ralph Messenger n’aura de cesse d’attirer Helen dans ses filets : une visite guidée du centre de recherches sur le cerveau et la pensée, qui donne lieu à des échanges de points de vue sur les théories et les expériences  concernant l’intelligence artificielle, des invitations à la campagne en famille, les rencontres provoquées ou fortuites. Helen, qui n’est pas insensible aux avances  de Messenger, tient à contenir leur relation strictement sur le terrain de l’amitié.

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Dans un récit à deux voix, les deux protagonistes relatent leur vision et leur vécu  de mêmes scènes. Les opinions se croisent, divergent, se rejoignent parfois. La conception matérialiste, scientifique et logique de l’existence et des processus de la pensée de Ralph cohabitent avec l’attention qu’il porte à satisfaire sa libido. Comment assouvir ses désirs ‘don giovanesques’ et conserver le confort affectif et matériel d’un père de famille marié à une riche héritière ? Tout l’oppose à la romantique Helen dont le processus de pensée repose sur des valeurs reçues d’une éducation catholique. Il n’est pas question, pour elle, de tromper la confiance de son amie Carry, l’épouse de Messenger.  L’adultère lui répugne. Bien qu’en proie au doute, elle a une approche  métaphysique du monde et de la vie.


           Les jours passent, le semestre s’écoule au rythme de la vie universitaire et des évènements conviviaux dans ce microcosme que constituent les résidents permanents du campus. Des révélations, une indiscrétion, des péripéties vont modifier la distribution des cartes, confirmer qu’on ne peut savoir avec certitude ce que l’autre pense et mettre chacun face à sa véritable personnalité.

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Le procédé employé par David LODGE, consistant à confronter les approches de la pensée, subjectives, intuitives et  empiriques de la romancière avec celles logiques, rigoureuses et expérimentales d’un chercheur, lui permet d’exposer habilement les questions philosophiques et scientifiques posées et les théories élaborées sur l’intelligence artificielles. Il insère dans son récit des textes rédigés par les étudiants d’Helen sur le thème de la conscience apportant ainsi une note pleine d’humour et de dérision aux débats sur ce sujet ardu et complexe. L’auteur exploite aussi les ressources de la communication instantanée, les échanges d’e-mails entre Ralph et Helen : écriture automatique avec ses fautes de frappe des messages de Ralph Messenger opposée à la rédaction soigneuse de ceux d’Helen. Les faits contés par un narrateur indépendant guident le lecteur dans la trame de l’histoire.


           En cette année 1997, le monde clos de l’Université fictive de Gloucester n’est pas isolé de la vie de son temps pour autant. Une soirée de réjouissance  accueille l’élection du nouveau Premier Ministre Tony Blair et la défaite du conservateur britannique John Major. Les conséquences des révolutions étudiantes et de la libération sexuelle des années 1970, celles des positions anti-contraceptives de l’église catholique, des réformes universitaires à l’américaine, le suivi du mécénat dans la recherche scientifique universitaire, les soins médicaux à deux vitesses, les suites de la « maladie de la vache folle », les dérives des utilisateurs d’internet touchent aussi les acteurs de ce récit.

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Pour voir, David LODGE -Thérapie (1995 ;1996)

http://colinecelia.canalblog.com/archives/2011/03/20/20679156.html

David LODGE - La Vie en sourdine (2008)

http://colinecelia.canalblog.com/archives/2011/04/03/20801273.html

THÉÂTRE : David LODGE a adapté Thinks pour le théâtre.

Pensées secrètes, la traduction française de la pièce par Gérald Sibleyras, interprétée par Isabelle Carré et Samuel Labarthe, mise en scène par Christophe Lidon, est jouée à Paris, depuis le 19 janvier 2012, au Théâtre du Montparnasse.



[1] Gloucester (env. 110 000 habitants) est une ville d’Angleterre  chef lieu du Gloucestershire sur la Severn, au nord de Bristol. La ville a conservé de son passé de nombreux monuments médiévaux dont la cathédrale aux deux cloîtres (XXI è – XV è siècles). Les ressources industrielles sont spécialisées dans  les constructions aéronautiques.

Le Gloucestershire est un comté situé à l’ouest de l’Angleterre (2638 m², 570 000 habitants). le chef lieu est Gloucester. L’élevage est pratiqué dans la vallée de la Severn et la céréaliculture dans les Cotswold Hills. L’industrie et le tertiaire sont concentrés autour de Gloucester-Cheltenham. (Sources : Le Petit Robert des noms propres)

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20 mars 2011

David LODGE (1935) – Thérapie (1995 ;1996)

 

David LODGE (1935) – Thérapie (1995 ;1996)

Traduit de l’anglais par Suzanne V. Mayoux 

Lawrence Passmore a tout pour se sentir heureux. Il a fait fortune avec un scénario de sitcom très populaire. Sa femme est une universitaire dynamique, sportive et superbe. Le couple habite une belle maison dans la banlieue résidentielle d’une ville du centre de l’Angleterre. Au cours de ses séjours londoniens, il reçoit et sort avec Amy, sa confidente avec qui il partage un amour platonique. Mais voilà que son existence est gâchée par des élancements récurrents au genou, auxquels une récente opération par un éminent chirurgien  n’a pas apporté remède. Dépressif, Passmore occupe une partie de la semaine à rencontrer en vain ses divers thérapeutes.

Cinquante-huit ans, un mètre soixante-treize, quatre-vingt-cinq kilos, ... « la poitrine couverte de quelque chose qui ressemble à une paille de fer de la taille d’un paillasson, et qui monte jusqu’à la pomme d’Adam... », le crâne chauve, « à part une petite frange autour des oreilles, et sur la nuque » qu’il  «garde très longue au point qu’elle pend sur » le col. Tubby se décrit ainsi dans le journal intime qu’il tient sur les conseils du Dr Alexandra Boule, sa psy. Tubby[1], surnom qui lui avait été donné durant son service militaire, en référence à son « torse en forme de barrique, légèrement renflé de la poitrine jusqu’au point de rencontre de la chemise et du short ». Ce sobriquet lui est resté.

Ponctué d’élancements intempestifs au genou, le mal-être de Tubby Passmore qui ne le quitte plus, perturbe sa vie conjugale et professionnelle. Les difficultés s’accumulent. Sally, son épouse, lui annonce qu’elle désire le quitter. Jake, son agent, le prévient du départ, à la fin du dernier épisode de la série en cours, de la célèbre comédienne sur qui s’appuie  « Les Gens d’à côté ». En panne d’inspiration, Tubby ne sait quelle suite crédible apporter à son scénario.

Le comportement du malheureux Tubby prend un tour inquiétant. Persuadé que Sally le quitte au profit de son moniteur de tennis, il agit de façon insensée pour, croit-il, surprendre les amants. Bientôt sexagénaire, il s’inquiète des défaillances de sa libido. Fidèle à son épouse depuis le mariage, le voilà qui se lance à la conquête des occasions naguère repoussées et fait des « escapades de bonne fortune » rocambolesques, toutes plus lamentables les unes que les autres. Indifférent  à l’urgence à trouver une issue au problème de l’évolution de son  sitcom, il est subitement pris d’un engouement pour KIERKEGAARD[2]. Néophyte zélé, il se plonge dans la lecture de toutes ses œuvres et du Journal d’un séducteur. Son fétichisme le conduit à Copenhague dans les pas du philosophe danois. S’identifiant à lui  dans son remord permanent après sa rupture avec sa fiancée Régine Olsen. De retour à Londres, il décide de retrouver la trace de Maureen, son premier amour.

Le journal de Lawrence Passmore se découpe en quatre parties. La première dresse le tableau de la crise existentielle traversée par son auteur et de toutes ses tentatives pour y remédier. La deuxième est faite de six récits-témoignages, autant de points de vue par leurs auteurs sur le comportement étrange de Tubby. En réalité, le scénariste se dédouble en observateur de son propre personnage. Il consacre la troisième partie de son journal à la version  critique de tous ses fiascos suivie de la chronique de ses premiers émois amoureux puis de son enquête pour retrouver Maureen. La quatrième le mène à sa recherche en Espagne. Chaque partie est faite de courtes séquences qui ont permis d’adapter le roman Thérapie en sitcom sous le titre des « Mésaventures de Laurence Passmore »

La formule du journal intime permet à David LODGE d’élargir le panel d’idées exprimées par son personnage qui peut ainsi passer arbitrairement, sans transition, du détail prosaïque le plus intime, voire le plus trivial, à de grandes envolées métaphysiques ou philosophiques. Il souligne au passage les conséquences de la politique libérale de Margareth Thatcher sur la qualité des soins hospitaliers, les transports ferroviaires, les réformes des établissements universitaires. Le milieu des productions télévisuelles,  le monde des « psycho-quelque-chose » de tous poils, le bétonnage intensif des îles au soleil, les différents aspects des grands pèlerinages religieux  sont aussi égratignés au passage.  L’auteur a su traiter avec humour, mais sans dérision, un sujet aussi grave que la dépression.

Pour accéder à David LODGE (1935) – Pensées secrètes (2002)

http://colinecelia.canalblog.com/archives/2011/03/27/20719257.html

David LODGE (1935) – La Vie en sourdine (2008)

http://colinecelia.canalblog.com/archives/2011/04/03/20801273.html



[1] Tubby, traduction : Rondelet ; nous dirions en français Rondouillard ou Bouboule.

[2] Søren Aabye KIERKEGAARD (Copenhague 1813~1855) est un théologien et penseur danois. Il a décrit dans ses œuvres les étapes du chemin de sa vie. Ses conceptions philosophiques et religieuses  eurent une influence considérable sur les philosophes de l’existence aussi bien athées que chrétiens et sur le renouvellement de la théologie protestante.

 


13 mars 2011

Frédéric FAJARDIE (1947~2008) - UN PONT SUR LA LOIRE (2002)

Frédéric FAJARDIE (1947~2008)

UN PONT SUR LA LOIRE(2002)

 

     L’AUTEUR : Le père de Frédéric FAJARDIE était un ami de Romain GARY et fréquentait les milieux littéraires. Après avoir dilapidé l’héritage familial aux courses, il devint avec son fils, bouquiniste à Paris.

     Frédéric H. FAJARDIE avait une grande culture littéraire. Il avait 20 ans en 1968 et participa activement aux évènements révolutionnaires et naviguait activement entre maoïsme, trotskisme et communisme non stalinien.

     Frédéric H. FAJARDIE était un écrivain prolifique. Il a écrit des romans noirs et des polars, des romans, des livres à destination de la jeunesse, des nouvelles, des anthologies, le texte d’une bande dessinée, il était aussi scénariste de cinéma et de télévision et auteur de pièces de théâtre.

     Il était chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres

     FAJARDIE aimait mettre en scène des militaires de carrière. Le cheminement de son inspiration passe du 17ème siècle, par les années 30, et la 2ème guerre mondiale aux années 1946-47.

     L’HISTOIRE se déroule sur trois jours, du dimanche 16 juin au mardi 18 juin 1940, pendant le déferlement de la Wehrmacht sur la France, la débâcle de l’armée française, l’exode des civils sur les routes. L’action se passe autour d’un pont de la région d’Orléans encore intact. Sur la rive nord, une compagnie de Sénégalais défend les abords du pont. Sur la rive sud, une poignée de volontaires armés d’un canon antichar s’apprête pour une résistance désespérée.

     Le livre s’appuie sur des documents historiques. Des Sénégalais ont effectivement pris part à la défense des ponts sur la Loire et furent victimes de la barbarie nazie. Les armes ainsi que les avions cités étaient en service à cette époque. Ce livre souligne l’attitude observée par les nazis à l’encontre des Sénégalais ainsi que le comportement de certains civils devant la résistance de leurs compatriotes.

     La ville de Chessy-sur-Loire est cependant imaginaire.

     Frédéric FAJARDIE connaissait bien la région Centre et le Loiret où il est intervenu dans des établissements scolaires pour animer des ateliers d’écriture.

 

     Un téléfilm a été tourné à partir de ce roman, il a pour titre Trois jours en juin et a été réalisé en 2005 par Philippe Venault.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Trois_jours_en_juin

     On suit aussi le coup de foudre mutuel de l’écrivain Dragance et d’une de ses lectrices passionnées, Sylvie, petite bourgeoise mal mariée d’origine polonaise  sur la dernière barricade qui défend la route du sud.

     LES PERSONNAGES : Le héros principal est le sergent-chef Henri Dragance, 52 ans, romancier assez connu, édité chez Gallimard, parisien, mondain, bel homme, ayant de nombreux succès féminins, membre de la S.F.I.O., il a déjà fait deux guerres, cassé de son grade de lieutenant suite à son attitude au cours des mutineries de 1917, a participé en tant que volontaire antifasciste à la guerre d’Espagne où il était capitaine. À nouveau mobilisé, il a choisi, malgré son âge, de servir dans l’artillerie.

     Il se montre peu respectueux de la hiérarchie, prenant rapidement la direction de la mise en place du dispositif de résistance des artilleurs, sous le couvert de son supérieur le capitaine Rollet.

L’homme se révèle comme un excellent stratège, un meneur d’hommes. Il est guidé dans sa démarche par son antinazisme.

En dépit de son humour, de ses airs désabusés, de sa vie de bohème, de son détachement d’homme à qui tout semble réussir, c’est un homme fragile et vulnérable.

     Le colonel Edmond Valadon, la soixantaine, réserviste, dans le civil propriétaire d’une entreprise, a déjà participé à la première guerre mondiale. Il est royaliste. Il commande le reliquat de son régiment de tirailleurs sénégalais, une centaine d’hommes qui défendent la rive nord à quelques kilomètres du pont. Il se sacrifie pour subir le même sort que ses soldats.

     Le sergent Sambourat, 27 ans, sénégalais, intelligent, courageux, subtil, est un témoin lucide de la déroute de la métropole. C’est un personnage attachant.

     Pierre Haudrusse, premier adjoint du bourg de Chessy, pharmacien, haineux, est prêt à tout, ainsi que le maire Ferdinand Labarthe et le conseiller municipal, l’avocat Gaston Gollety pour protéger ses biens. Cet homme jaloux, libidineux est particulièrement abject. Ces hommes sont disposés à livrer le village aux Allemands et à tuer les Français qui défendent le pont. Il est représentatif de cette extrême droite collaborationniste issue des années trente.

      L’oberst Kapler, 56 ans, ancien de Verdun, ambitieux, cynique envers ses subordonnés, nazi convaincu, fait preuve d’une cruauté exacerbée par son racisme envers le régiment sénégalais à qui il ne pardonne pas le courage qu’il estime réservé aux soldats allemands. Il justifie l’inhumain par la non-humanité prêtée à l’autre.

     Dans le flot de militaires en déroute, on trouve des militaires de carrière, des gendarmes, des officiers d’État major. Le pont ne sera défendu que par des recrues civiles mobilisées, des réservistes et les soldats coloniaux. Le général responsable s’abrite prudemment en zone sud.

     Les défenseurs du pont se trouvent isolés, sans logistique, se débrouillant avec les moyens du bord, tous se savent  plus ou moins sacrifiés.

     Dans un bruit de fond de canonnade, le désœuvrement, voire une atmosphère festive règne chez les défenseurs avant l’attaque.

     Tout pousse les hommes à céder : la débâcle des troupes affluant du Nord du pays, les attaques de l’aviation allemande, l’isolement, l’hostilité de la population locale et enfin le discours de Pétain entendu à la radio, le 17 juin.

     Le cheminement psychologique de certains personnages est intéressant. Le colonel Valadon prend conscience de la valeur de ses hommes qui défendent une terre qui ne leur est rien. L’officier admire de plus en plus la finesse, l’intelligence et la lucidité de son subordonné Toko Samboura. Il sent chez les soldats coloniaux, la fin du prestige de la métropole sur ses colonies. La surprise de Kapler grandit quand il découvre que son attaque est vaillamment contrée par ceux qu’il considère comme méprisables, des Noirs, puis s’affirme lorsqu’il réalise qu’ils ne sont qu’une poignée. Il défiera cependant les conventions humanitaires et commandera le carnage final.

     LE STYLE est limpide, l’écriture agréable. Certaines situations cocasses agrémentent les descriptions techniques qui auraient pu être fastidieuses. Les chapitres sont courts, aérés. Le langage de nombreux dialogues est imagé. Les échanges sont souvent drôles.

 

La situation de ces défenseurs contre l’invasion nazie nous évoque celle racontée par Ernest HEMINGWAY (1899~1961) dans son roman Pour qui sonne le glas (1940).

Site officiel de Frédéric FAJARDIE :

www.fajardie.fr/

Autres renseignements concernant la biographie et la bibliographie de Frédéric Fajardie

http://fr.wikipedia.org/wiki/Fr%C3%A9d%C3%A9ric_H._Fajardie

 

On peut trouver 3 extraits du film  "Trois jours en juin" de Philippe Venault  sur :

http://www.dailymotion.com/video/x9yida_3-jours-en-juin-contre-attaque-fran_shortfilms

http://www.dailymotion.com/video/x9y91b_3-jours-en-juin-triste-realite_shortfilms

http://www.dailymotion.com/video/x9y98e_3-jours-en-juin-attaque-aerienne-al_shortfilms

6 mars 2011

Laurent GAUDÉ (1972) – (Ouragan 2010)

Laurent GAUDÉ (1972) – (Ouragan 2010)

 

Le cadre dans lequel Laurent GAUDÉ a situé son roman, nous le connaissons pour avoir suivi la transformation, en quelques jours, d’une tempête tropicale en un cyclone qui approchait du Golfe du Mexique et se dirigeait vers le sud les États-Unis d’Amérique, en cette fin du mois d’août 2005. La presse quotidienne et les journaux télévisés  nous ont largement diffusé les images transmises par les satellites de la progression de Katrina. L’évacuation spectaculaire de la ville de la Nouvelle-Orléans, les autoroutes saturées, immobilisées, la pénurie de carburant, les camps de fortune, les conditions insalubres du regroupement des pauvres gens dans le stade couvert rien ne nous a échappé. Au passage de la tempête, quelques vidéos témoignaient de la rage du vent, de l’importance et de la violence des pluies touchant l’état du Mississipi, la Louisiane et l’Alabama, ravageant la zone la plus peuplée, la Nouvelle-Orléans. Et puis, les crues provoquées par l’ouragan ont envahi le delta. La force et l’abondance des eaux ont détruit les digues. Le lac Pontchartrain, qui surplombe la ville, s’est déversé sur la métropole du Sud, noyant ses bas quartiers.

Le monde entier a pu suivre la polémique au sujet de la lenteur de réaction du Président républicain de l’époque, John W. Buch. Son survol sommaire des lieux à bord d’un hélicoptère a soulevé une controverse sur l’interprétation de son attitude. 

De nombreux agents des services municipaux et d’ordre public ont été rapidement accusés de sauver d’abord leur peau ou d’abandonner à leur sort les communautés les plus pauvres, en grande partie des Noirs.

 

Les personnages du roman : Laurent GAUDÉ, a pris le parti de s’intéresser aux laissés-pour-compte de la société, aux plus démunis, à ceux qu’on a oublié. Ils sont six. Cinq sont Noirs. Nous les suivons tour à tour avec lui dans différents points  de la Nouvelle-Orléans.

Volonté d’acier trempé dans une carcasse décharnée, Joséphine Linc. Steelson « négresse depuis presque cent ans » est fière de presqu’un siècle de conquête de sa dignité. Quitter la ville, c’est aller mourir ailleurs, loin du bayou où Vieille_femme_noire_drap_e_dans_la_banni_re__toil_eMarley, son mari a été massacré dans une rixe avec des Blancs. Ses enfants sont morts. Elle est seule au monde. Joséphine se cache. Elle partira... peut être... si elle veut... quand elle voudra...

Le corps harassé par le travail répétitif, les oreilles résonnant encore du bruit infernal des machines suintantes de pétrole, Keanu Burns a fuit d’une plate-forme pétrolière du Golfe. Fou d’horreur, il est obsédé ne pas avoir pu sauver son camarade écrasé et brûlé vif dans un accident du travail. Le hurlement de la sirène d’alerte, la fournaise, les images et les appels du supplicié en flammes le poursuivent, le torturent jour et nuit, lui font perdre la raison. L’annonce de l’arrivée de l’ouragan sur la ville a mis fin à sa décision d’en finir. Quelqu’un a besoin de lui là-bas. Il a retrouvé une raison de vivre. Seul à contre-courant de la débâcle des évacués, sur quatre cent kilomètres, il retourne vers la jeune femme qu’il a abandonnée six ans plus tôt pour tenter la chance.

La vie de Rose Pekerbye a basculé après le départ de Keanu. Elle méprise la jeune femme vieillie et marquée par la misère qu’elle est devenue. Sans ressources, la voilà seule à protéger Bayron, autiste, l’enfant de personne. Un enfant qu’elle n’arrive pas à aimer!

Comme tous ses codétenus du couloir d’Orleans Parish Prison, Buckeley a regardé, derrière les barreaux de sa cellule « ... le révérend qui accélère transi de peur. » dans lequel, aujourd’hui, tous ne voient « qu’un homme au pas pressé, un Blanc qui tient une bible bien serrée et porte sur le visage un air d’inquisiteur en campagne. » Comme eux, il a aboyé à son passage, haineux contre ce visiteur venu de l’extérieur, symbole de liberté. Dans leurs cellules, ils savent qu’ils valent moins que des chiens. Les autres, directeurs, gardiens, même les chiens sont à l’abri du danger. Eux restent bouclés là.

Le dernier personnage, c’est justement ce révérend. Paniqué, il a fuit la prison sous les quolibets. Il a failli à son ministère, mais Dieu a pitié de lui. Il lui donne une occasion de racheter sa désertion. Le cataclysme va lui permettre de réaliser la Mission divine.

S’appuyant sur des circonstances et quelques faits réels, Laurent GAUDÉ a fait un conte construit à la manière des romanciers américains. Le fléau qui s’est abattu sur les humains s’ajoute à leur combat quotidien, décuple leur volonté, leur force ou leur bassesse et leurs faiblesses.

Les destins se vont se croiser, s’unir, se disloquer dans l’épreuve. Keanu Burns et Rose Pekerbye se retrouvent, parlent, pardonnent, s’aiment, recouvrent leur dignité. Byron, resté seul, sort et s’aventure dans les rues inondées. L’enfant égaré dans la tourmente fera sortir de son refuge la vieille négresse. Une panne électrique favorise l’évasion de Buckeley du pénitencier noyé par la crue. La ville évacuée est livrée à la merci des neuf détenus qui « se sont fait la belle ». Évadé, mais prisonnier d’un groupe prêt à tous les crimes, il lui faudra conquérir sa liberté. Le pasteur s’interroge, impuissant face aux alligators dévorants sous ses yeux l’idiot de la paroisse. Dieu veut surement punir l’humanité ! Il sera le Bras de Dieu.

Dressée noblement drapée dans la bannière étoilée, Joséphine Linc. Steelson pourra affirmer son combat pour l’égalité, au monde entier.


            En proie aux forces maléfiques d’une nature en furie, les méchants périront dans l’épreuve, les bons en sortiront confortés, grandis. Byron fils de Quelqu’un pourra sourire et parler.

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Douze séquences fixent la suite chronologique du roman. Dans chacune de ces parties, Laurent GAUDÉ éclaire en sauts aléatoires tous les personnages en temps donné, passe de l’un à l’autre, puis revient sur eux. Ces paliers dans la cascade du fil du récit sont accentués par des ruptures de style. Ce sont les monologues à la première personne de Joséphine Link. Steelson et ceux du pasteur illuminé. Buckeley est le narrateur  des péripéties de la cavale des neuf prisonniers. L’auteur reprend la main quand il s’agit de Rose, Byron et Keanu. Ces écarts ajoutés au rythme vif, parfois haché, traduisent l’inconfort et l’insécurité provoqués par la furie du vent et des eaux.

La tentation de confronter la fiction à une réalité que nous avons encore présente à l’esprit, parasite la lecture de ce roman. C’est un livre très bien écrit, à garder et à relire quand le temps aura fait son œuvre. Il sera alors apprécié à sa juste valeur.

 

Les romans de Laurent GAUDÉ :

-                  Cris, 2001

-                  La Mort du roi Tsongor, 2002 ; Prix des lycéens 2002, Prix des Libraires 2003

-                  Le Soleil des Scorta, 2004 ; Prix Goncourt 2004, Prix Jean Giono 2004

-                  Eldorado,2006

-                  La Porte des Enfers, 2008

-                  Ouragan, 2010

Laurent GAUDÉ est aussi écrit auteur de nouvelles et d’une douzaine de pièces de théâtre.

 

Biographie et bibliographie :

http://www.linternaute.com/sortir/auteurs/laureats-prix-litteraires-2004/gaude.shtml

L’ouragan Katrina (30 août 2005)

http://fr.wikipedia.org/wiki/Ouragan_Katrina

                     

http://fr.wikipedia.org/wiki/Cons%C3%A9quences_de_l%27ouragan_Katrina_sur_la_Nouvelle-Orl%C3%A9ans

 

http://www.chocolat.tv/etats-unis/ouragan-katrina-nouvelle-orleans.html

 

http://www.monde-diplomatique.fr/2005/10/DAVIS/12817

 

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