Magda SZABO (1917~2007) - LA BALLADE D’IZA (2005)
Magda SZABO (1917~2007) - LA BALLADE D’IZA (2005)
Traduction de Tibor Tarda
Vince ne la reconnaît plus ! Le désarroi de la vieille dame est immense. Le mari d’Etelka Sköcs meurt d’un cancer à l’hôpital. Après l’enterrement, Etelka doit quitter sa ville natale, sa maison, ses objets familiers, ses occupations quotidiennes, ses relations. Iza a tout organisé pour son repos. Elle vivra désormais à Budapest dans l’appartement moderne et confortable de leur fille bien aimée. Désemparée, ayant perdu ses repères, se sentant inutile, la vieille dame se pétrifie dans sa non-existence jusqu’à son retour au village où elle doit faire ériger la tombe de son époux décédé.
Certains personnages de ce roman sont fidèles aux traditions ancestrales. Ils sont respectueux de leurs origines, de la religion luthérienne et des valeurs d’un passé révolu. Ces personnes survivent ou résistent à leur manière aux bouleversements politiques qui succèdent à défaite de la Première Guerre mondiale.
Vince a subi 23 ans de destitution professionnelle et de mise au ban de la société pour avoir refusé de condamner sur ordre, en tant que juge, des ouvriers agricoles qui s’étaient révoltés dans les années 20. Il a résisté pendant la guerre et a sauvé un juif lors d’une rafle en 1944. Il a été réhabilité en 1945.
Passée de l’autorité bourgeoise et sectaire de la tante Emma à sa vie d’épouse de réprouvé politique et de mère d’Andrus, leur fils mort à 9 ans, puis d’Iza, son épouse Etelka, n’a jamais été maîtresse de son destin. Elle a toujours déployé des trésors d’imagination, d’économie, de débrouillardise pour faire face aux difficultés financières de la famille. L’aisance retrouvée, Etelka a conservé ces qualités qui sont devenues son moyen d’exprimer son amour et son utilité.
Le docteur Dekker, professeur de médecine était un ami de jeunesse fidèle de Vince. Il fut nationaliste et résistant pendant la guerre. « …ce doyen qui mettait sa toque à l’envers les jours de manifestations publiques et, les jours de grande victoire allemande… »
Guitza, la voisine du couple survit chichement dans une société athée en brodant toujours des robes de pasteurs.
Tout en adoptant la modernité, l’ex-mari d’Iza, Antal, revendique ses origines modestes. Il a craint de se perdre en restant dans le mouvement que conduit Iza. C’est lui qui achètera la maison et le mobilier d’Etelka. Il essaiera de rendre leur chaleur compatible avec le confort moderne. Antal, qui s’est attaché au vieux couple Sköcs, sera prêt à accueillir la vieille dame chez lui, pour qu’elle entretienne sa maison.
La destinataire de la photo du moulin est Lidia, l’infirmière dévouée qui a su écouter et éclairer les derniers jours de Vince agonisant.
Toutes ces personnes accordent une grande importance à leur origine sociale.
D’autres personnages sont les représentants de l’esprit de modernité effrénée voulue par le régime communiste totalitaire en place. Le credo est faire table rase du passé, en vue d’un avenir meilleur.
Iza, la fille très aimée de Vince et d’Etelka, représente la femme nouvelle créée par le communisme totalitaire qui dirige la Hongrie depuis la fin de la Deuxième Guerre Mondiale. La jeune femme est adulée par ses parents. Elle est belle et intelligente et a réussi ses études de médecine dans d’excellentes conditions. Iza exerce son métier avec compétence, passion et dévouement total. Dès l’enfance, elle a fait preuve d’un caractère affirmé et combatif. Plus tard, elle a participé activement à la résistance antinazie. C’est une femme moderne, athée, libérée des traditions « bourgeoises » que sont les fiançailles, le mariage, les rites. Elle va de l’avant, refuse de s’épancher sur ce qui n’est plus. Dans tous les aspects de sa vie, elle rompt avec le passé, au profit de la modernité. Iza aime ses parents, mais ses manifestations d’amour sont matérielles, soumises à un calendrier. Si elle organise elle-même la vie de sa mère à Budapest, c’est pour lui épargner des soucis matériels, c’est pour son bien, pense-t-elle. Mais la vie ordonnée, structurée, qui ne laisse aucune place au désordre, à l’imprévu, qu’elle offre à Etelka, lui apporte-t-elle pour autant le bonheur ? Quand elle s’en inquiète, Iza est incapable de l’exprimer.
Domokos est amoureux et amant d’Iza, malgré la réserve de la jeune femme. Écrivain officiellement reconnu, il craint les entraves à sa liberté et à sa carrière. À la fois acteur et spectateur des événements qui se déroulent sous ses yeux, craignant d’être happé dans le sillage d’Iza, lui aussi fuira.
Le lapin apprivoisé, Kapitany, symbolise une forme de résistance de ses propriétaires. Pour ces derniers, posséder un animal de compagnie était une des rares formes de liberté dont ils pouvaient profiter dans un régime communiste totalitaire où tout était réglementé et contrôlé.
Ce livre est traduit du hongrois. Son écriture est agréable, le vocabulaire est riche et imagé. La psychologie des personnages est fouillée. L’histoire est conduite avec habileté. Tous les personnages sont attachants. L’attention des lecteurs est soutenue constamment.
Ce roman nous concerne tous. Il décrit des situations et des sentiments que nous avons tous éprouvés en tant qu’enfant de nos parents, que nous vivons en tant que parents ou auxquelles nous seront confrontés un jour. Il nous remémore des situations vécues. À travers le point de vue et le ressenti des personnages du récit, il nous amène à remettre en cause certaines options ou attitudes que nous avons pu avoir dans des circonstances comparables.
Magda SZABO met en scène des personnages qui se laissent conduire par de fortes personnalités, Emmerence dans La Porte (2003), Vince puis Iza dans La Ballade d’Iza. Dans les deux romans, un animal de compagnie, le chien Viola pour le premier, Kapitany dans le second occupent une place symbolique dans le déroulement du récit.
Le livre est publié par les Editions Viviane Hamy. Une précédente traduction du roman est parue en 1967.
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