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30 juin 2013

Émile AJAR (Romain GARY ; 1914~1980) – La vie devant soi (1975)

Émile AJAR (Romain GARY ; 1914~1980) – La vie devant soi (1975)

     Perché au sixième étage d’un immeuble de Belleville, au nord de Paris, le logement de Madame Rosa abrite des enfants de toutes origines et de toutes religions. Dans sa pension clandestine, Madame Rosa, une ancienne péripatéticienne devenue trop vieille, trop grosse et trop moche pour continuer à battre le pavé, accueille à la journée, à la semaine, pour quelques mois, voire quelques années, des enfants de prostituées. La vieille dame est très attachée à toute cette marmaille, particulièrement à l’aîné et plus ancien d’entre eux, Mohamed, un jeune Arabe d’une dizaine d’années, que tout le monde appelle Momo.

     Refoulé de l’école publique pour cause de perplexité sur son âge, en dépit des papiers présentés par Madame Rosa, Momo s’instruit à l’école de la rue et apprend le Coran avec Monsieur Hamil, le client du bar d’en bas, un vieil homme presque aveugle féru des versets coraniques bien sûr, mais aussi des Misérables de Victor Hugo. Momo est un gamin déluré, à la fois candide et rusé, spontané et menteur, chapardeur à l’occasion. Le garçon est perturbé par l’ombre qui entoure ses origines familiales, sa mère qui ne vient jamais, les mandats qui n’arrivent plus et l’incertitude d’être porteur d’une mystérieuse hérédité. Heureusement, une lionne invincible veille sur son sommeil et, son ami Arthur, confectionné avec un vieux parapluie muni d’une tête de chiffon coiffée d’un chapeau melon dérobé, accompagnent sa solitude. Au cours de ses pérégrinations dans Paris, le garçon fait la connaissance d’une jeune femme, Nadine, qui travaille dans un studio de doublage de films.

Momo et Arthur

Momo nous fait part de son inquiétude : Madame Rosa, dont tous les organes sont fatigués de traîner ses quatre-vingt-quinze kilos, s’essouffle à gravir les six étages. Sa vieille nounou, qui est une Juive rescapée d’Auschwitz, est hantée par les souvenirs de la rafle du Veld’hiv, la crainte d’avoir un cancer, la peur de la mort qu’elle sent venir et la terreur d’être emmenée mourir à l’hôpital. Grimée de façon outrancière, Madame Rosa déambule dans l’appartement enveloppée dans une de ses toilettes extravagantes dénichées aux puces. Un élan de solidarité se tisse autour de la grosse dame qui perd la raison, s’évanouit fréquemment et dont les périodes d’inconscience s’allongent jour après jour. Aidé de Madame Lola, le généreux travesti tapineuse au bois de Boulogne, Momo soigne de son mieux la malade, tandis que de pittoresques voisins contribuent à leur manière à la sortir de sa léthargie et à la distraire. Lorsque le Dr Katz décide d’appeler l’ambulance qui doit conduire définitivement la moribonde à l’hôpital, Momo improvise un stratagème qui l’aidera à exaucer le vœu de Madame Rosa : mourir en paix.

Quelle vie s’ouvrira désormais devant l’adolescent ? Momo imagine son avenir avec pour références le quotidien de son entourage : proxénétisme, prostitution, consommation et trafic de drogue, hantise d’une descente de police, crainte de l’Assistance publique. Nadine et son compagnon s’intéressent à Momo. Contribueront-ils à lui ouvrir d’autres perspectives ?

Les jurés du Prix Goncourt ont fait couler beaucoup d’encre et de salive en récompensant Émile AJAR pour La Vie devant soi en 1975. Ils ignoraient alors qu’ils attribuaient pour la deuxième fois le Prix Goncourt à Romain Gary qui en avait déjà été lauréat en 1956 avec Les Racines du ciel. La vérité ne fut connue qu’après la mort de l’auteur en 1980. Pendant toute cette période, l’écrivain, que certains critiques littéraires prétendaient « fini », avait chargé son petit cousin Paul Pavlowitch d’assumer le rôle d’Émile AJAR auprès de la presse. Romain GARY avait signé quatre romans sous ce pseudonyme : Gros-Câlin en 1974, La Vie devant soi en 1975, Pseudo en 1976 et en 1979, L’Angoisse du roi Salomon.

Momo2

L’originalité du récit tient dans les propos de Momo. La formation au langage du narrateur, essentiellement orale s’est faite « sur le tas », s’est enrichie au hasard de réflexions et de conversations entendues ici ou là. La langue du garçon ignore la grammaire et la conjugaison, déforme les mots, les utilise à contresens, s’enrichit en intégrant à contre-emploi dans le discours des expressions toutes faites et des formules médiatiques issues de l’actualité du moment. Ces maladresses, ces incorrections, ces réflexions naïves contribuent  à la fraîcheur et au charme d’un texte portant pourtant sur une réalité affective et sociale dramatique dans un contexte sordide.

Le roman d’Émile AJAR, La Vie devant soi, a fait l’objet d’un film sorti en 1977. Ce dernier a été adapté et réalisé par Moshé Mizrahi, dans lequel Simone Signoret, qui jouait Madame Rosa, a été distinguée par le César de la meilleure actrice. Le rôle de Momo était tenu par Samy Ben Youb. Le film a remporté l’Oscar du meilleur film en langue étrangère en 1978. Malgré toutes ses qualités et ces distinctions, le film paraît bien pâlot en regard du livre. Un film d’animation aurait probablement mieux rendu la démesure physique et psychique du personnage de l’ex-prostituée au grand cœur, ainsi que l’originalité des personnages secondaires. L’ambiguïté concernant l’âge de Momo et la qualité stylistique du récit auraient trouvé plus facilement leur place dans ce type d’adaptation.  

Liens :

vers l’annonce du Prix Goncourt à Émile AJAR pour son roman La Vie devant soi

vers le film La vie devant soi

vers un extrait de bande dessinée Carré-Leprévost/Je Bouquine-Bayard presse

 

 

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16 juin 2013

Rachid BOUDJEDRA (1941) – Hôtel Saint-Georges (2010)

Rachid BOUDJEDRA (1941) – Hôtel Saint-Georges (2010)

Première édition de ce roman a été publiée en 2007 par les éditions Dar El Gharb

     Jeanne loge à l’Hôtel Saint-Georges pendant son séjour à Alger. Rac avait fait sa connaissance dans une librairie à Paris. Elle lui avait dit qu’elle voulait visiter l’Algérie, sans lui donner d’autres détails. Jeanne « était déjà venue l’année précédente, seule et avait parcouru le pays d’est en ouest, négligeant le sud, le désert et les circuits touristiques parce qu’elle n’avait rien à y faire. ». La jeune femme était munie d’une longue lettre-testament. Elle avait besoin de l’aide de Rac pour accomplir un pèlerinage dans le pays, sur les traces d’un père décédé qui, une quarantaine d’années plus tôt, y avait fait son service militaire pendant la guerre d’indépendance algérienne.

 

Hôtel Saint-Georges Alger

     Rac apprend de Jeanne les tourments qui ont bouleversé l’existence de son père, ébéniste d’art. Rappelé par l’armée, en raison de sa connaissance du travail du bois on l’avait chargé de fabriquer en séries des cercueils pour les dépouilles des soldats morts pour la France. La guerre finie, il fut poursuivi jusqu’à la fin de ses jours, par l’odeur sur ses doigts des cadavres en décomposition. Il avait pris l’habitude de prendre une bière à l’Hôtel Saint-Georges. Là, il parlait longuement avec Nabila, une jeune étudiante, qui était serveuse pour financer ses études de médecine.

Hall de l'hôtel Saint-Georges Alger

     À l’évocation de l’histoire de l’ébéniste, Rac est assailli par une rafale de souvenirs.

Jean ne s’est jamais remis d’avoir trahi son art et l’amour qu’il éprouvait pour l’Algérie. Il ne pouvait oublier le visage étonné de ses compatriotes appelés surpris par la mort, ni les victimes algériennes. Son existence rejoint la vie  de Rac et celle de ses proches. Une convergence de destins individuels que Rachid BOUDJEDRA replace dans l’ambigüité et la complexité de l’Histoire (avec un grand H) d’un pays, des colonisations et plus généralement de l’Histoire des Hommes.

     De courts chapitres, dans lesquels onze personnages se livrent aux lecteurs, composent ce roman. Les récits posthumes de Jean et d’Hamid l’époux de Yasmina, les aveux baragouinés des préparatifs d’horribles supplices concoctés sur ordre d’un sergent français par le harki Kader, les soliloques des membres d’une famille algérienne et de Mic, la Française, porteuse de valises des insurgés, nous plongent dans les ravages et les massacres de la Révolution algérienne : Indépendance chèrement acquise, Pouvoir accaparé par les libérateurs . Tous les protagonistes en sont restés meurtris et les blessures sont encore à vif de chaque côté de la Méditerranée.

     Dans l’adversité et ses conséquences, se mêlent les passions, la violence, le courage, l’amour, la tendresse, la générosité, mais aussi l’opportunisme, les haines, la cruauté, la cupidité, le renoncement, la fuite de la réalité. Tous ces personnages sont profondément humains dans leurs grandeurs et leurs faiblesses. Tous sont dépendants de leur amour de l’Algérie qui agit sur eux comme une drogue.

     L’évocation systématique des caractéristiques des bons et des mauvais génies de la légende familiale de Rac est  moins présent que dans ses romans précédents. Les récits des protagonistes sont une transposition simple, spontanée du langage parlé. Certains expliquent, d’autres se justifient. Les phrases sont courtes. Elles peuvent être tronquées, composées parfois d’un verbe, d’un substantif ou d’un qualificatif. Le style de Rac devient lyrique à certains moments. Rac est le porte-parole de Rachid.   

Rachid Boudjedra

          Rachid BOUDJEDRA, bien que militant politique actif, fait le point, avec sagesse. Même s’il n’a pas perdu son manichéisme, il prend de la distance. Il est conscient du risque de voir, après une bonne quarantaine d’années, la parole des vétérans de la guerre d’indépendance perçue comme du radotage par la jeunesse algérienne. Il incite les jeunes à regarder devant eux pour sortir l’Algérie de sa convalescence et les met en garde contre l’archaïsme de certaines traditions et le culte figé des ancêtres. Il donne toute leur place aux femmes et n’oublie pas les grands textes littéraires et philosophiques.

Origine des images:

En cliquant sur les imagesvous accèderez à leur site d'origine

1 juin 2013

Stephan et Lotte ZWEIG (1881~1942) et (1908~1942) – Lettres d’Amérique (2012)

Stephan et Lotte ZWEIG (1881~1942) et (1908~1942)

Lettres d’Amérique (2012)

New York, Argentine, Brésil, 1940-1942

Traduit de l’anglais par Adrienne Boutang et Baptiste Touverey

Cet ouvrage est une traduction d’une édition établie et préfacée par DARIÉN J. DAVIS ET OLIVER MARSHALL parue en langue anglaise en 2010 sous le titre STEPHAN AND LOTTE ZWEIG’S SOUTH AMERICAN LETTERS New York, Argentina and Brazil 1940-1942.

     Né le 28 novembre 1881 à Vienne, en Autriche-Hongrie, Stéphan ZWEIG reçut une éducation laïque dans une famille juive aisée bien intégrée dans la société cosmopolite de la capitale autrichienne à l’époque de l’empereur François-Joseph. À la fin d’une scolarité dont il avait eu du mal à accepter le caractère rigoureux, il obtint son baccalauréat en 1900. Il poursuivit ensuite des études de philosophie et d’histoire de la littérature et fut reçu docteur en philosophie à 23 ans. Curieux de toutes les formes de culture, il fréquentait le milieu « branché » de Vienne, suivait les premières théâtrales et s’intéressait  aux nouvelles parutions.

     Infatigable voyageur, il entreprit  d’innombrables voyages, dès 1904. Afin de satisfaire sa curiosité insatiable et sa soif de découverte, il poursuivit sa formation artistique en fréquentant les milieux artistiques avant-gardistes et les cercles littéraires européens. Il séjourna à plusieurs reprises à Berlin, à Paris où il se lia d’amitié avec Jules ROMAIN, rencontra en Belgique Émile Verhaeren dont il fut le traducteur,  vécut quelques temps à Rome, à Florence, se rendit en Provence, en Espagne, en Afrique, visita l’Angleterre, les États-Unis, le Canada, le Mexique. Il vécut aussi un an aux Indes. Polyglotte, il parlait français, italien, allemand, anglais. Plus tard,  il apprit l’espagnol et s’essaya au portugais.

     Tenté par l’écriture dès 1901, il pratiqua les genres littéraires les plus divers : poésie, théâtre, adaptations, traductions d’un nombre impressionnant d’auteurs. Ses courtes nouvelles, ses essais littéraires critiques et ses biographies romancées, surtout, obtinrent un succès énorme en Europe, en Amérique du Nord ainsi qu’en Amérique du Sud. L’analyse psychologique, voire psychopathologique, la concision de son écriture, la simplicité de son style sont toujours appréciées pour leur modernité. Stephan ZWEIG est célèbre aussi pour ses échanges épistolaires avec de nombreux correspondants, tels ceux avec Freud, entamés en 1908 et, à partir de 1910, avec Romain ROLLAND, dont il partageait les idéaux pacifistes et humanistes.

      Profondément marqué par l’éclatement de la Première Guerre mondiale, son séjour sur le front polonais au cours de celle-ci, les bouleversement politiques, sociaux et économiques qu’elle a provoqués ainsi que par l’aggravation des clivages nationalistes de l’entre-deux guerres, sa détermination à défendre ses convictions pacifistes et son souhait d’une Europe unie se renforcèrent.


       Dès l’accession d’Hitler au pouvoir, il perçut le danger de voir s’implanter une dictature en Allemagne avec ses conséquences pour les juifs et sur la paix en Europe. Il prit alors conscience de sa judéité, mais resta neutre. Le livret écrit pour l’opéra de Richard Strauss, La femme silencieuse, fut interdit par les nazies et ses œuvres furent brûlés sur les places publiques en Allemagne. Ces évènements et le départ en exil forcé de nombre de ses amis allemands le plongèrent dans une dépression qui, dorénavant, resterait quasi permanente et irait s’aggravant.

Soldats allemands de la Bundesheer à Vienne le 13 février 1934

 

     Voyant la répression politique atteindre aussi l’Autriche, il décida, en 1934, de s’exiler et choisit de s’installer à Londres, afin de se documenter pour écrire une biographie de Marie Stuart. Son épouse Friederike, restée à Salzbourg avec les deux filles qu’elle avait eues d’un premier mariage, refusa de le rejoindre. Il embaucha une jeune secrétaire, Charlotte Altmann (Lotte), avec qui il entama une liaison.

 

     Dès 1935, Stephan ZWEIG se rendit plusieurs fois aux États-Unis, au Canada, entrepris une tournée de  conférences au Brésil (1936) et continua à voyager en Europe jusqu’en février 1938, date de l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne. Sa nationalité autrichienne lui ayant été retirée, il ne fut plus qu’un réfugié politique qui demandait la naturalisation anglaise.

Son divorce avec Friederike prononcé en septembre 1939, Stephan ZWEIG épousa Lotte le même mois. Le couple s’installa à Bath dans le Somerset où Stephan avait acheté une maison. En juillet 1940, le couple embarquait pour les  États-Unis.

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Lettres d’Amérique

     Le livre Lettres d’Amérique concerne les lettres écrites au frère de Lotte, Manfred Altmann, et son épouse Hanna par Stefan et Lotte au cours de leur séjour américain et adressées à quelques autres personnes.

      Dans une longue introduction très documentée accompagnée de nombreuses notes en bas de page, les auteurs rappellent le contexte historique, politique, biographique et psychologique dans lequel se situe ce voyage. Ils apportent quelques précisions utiles concernant la tournée de conférences au Brésil (14 août-22 janvier 1940), leur séjour à New-York (24 janvier-15 août 1942), leur vie au Brésil  (24 août-22 février 1942). Leur travail d’analyse de la correspondance de Stephan et Lotte insiste sur l’importance du rôle de Lotte auprès de son époux. Ils étudient les circonstances qui les ont amenés à mettre fin à leur existence et ont entouré leur double suicide. Ils ont joint en post-scriptum, la lettre adressée à Manfred Altmann par le journaliste Ernst Feder, qui fut une des dernières personnes à voir Stephan et Lotte ZWEIG avant leur mort. À la fin de l’ouvrage, la rubrique Dramatis personae  présente sommairement les nombreuses personnes évoquées dans les lettres du couple ZWEIG.

     Sachant pertinemment que leurs lettres seraient lues par le personnel des services de la censure, ils les ont écrites en anglais afin d'activer leur acheminement. On sent une certaine retenue dans leur contenu. Ce côté impersonnel s’amenuisa au fil du temps lorsqu’ils furent à Petrópolis. Entrer dans l’intimité d’une famille en en prenant connaissance devient, de ce fait, moins culpabilisant pour les lecteurs. La plupart des envois contiennent deux écrits, l’un de Lotte, l’autre de Stephan, offrant deux regards sur les évènements de leur vie quotidienne dont ils font un compte-rendu détaillé.

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Stephan et Lotte exilés

    On les découvre inquiets pour leur famille restée sous les bombardements et leurs amis qui n’ont pu quitter l’Europe. Ils font part de la progression de leurs démarches auprès de personnes susceptibles d’intervenir pour favoriser l’obtention de visas en faveur des plus menacés d’entre eux. Leur vie protégée les culpabilise, mais ils se plaignent d’être incapables de prévoir l’avenir. Les mêmes préoccupations, les mêmes consignes reviennent sans cesse en raison de la fréquence discontinue du courrier, de la durée de son acheminement et de l’incertitude de le voir parvenir à destination. Ils attendent avec impatience des nouvelles des leurs.

     Ils sont flattés de l’accueil qui leur est réservé, du succès des conférences, de l’enthousiasme médiatique que suscite leur présence, mais le rythme des manifestations en leur honneur et des invitations les épuisent. Coupés de leurs sources financières bloquées en Europe, les exilés vivent grâce aux revenus apportés par ces conférences, mais celles-ci dévorent le temps de l’écrivain l’empêchent de se consacrer à son œuvre.

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 Petrópolis

     L’un comme l’autre aspire se retirer au calme. Enthousiasmés par leur perception du Brésil au cours du premier voyage, ils décident de séjourner à Petrópolis dans la montagne à proximité de Rio de Janeiro, pensant y trouver la fraîcheur. C’était oublier qu’ils vivaient sous les tropiques ! Leur intérêt pour leur pays d’accueil se limite aux magnifiques paysages qu’ils découvrent au cours de leurs promenades. Sans qu'ils manifestent la moindre curiosité pour son histoire et sa culture, leur vision reste sclérosée sur l’a priori couramment véhiculé dans l’Europe d’avant-guerre, d’une société métissée harmonieuse avec, sous-jacente, la supériorité culturelle de l’homme blanc européen. Les noirs font partie du décor, se complaisent dans la crasse, vivent de peu… Curieusement, Stéphan SWEIG, l’humaniste, reste neutre quant au régime politique brésilien, il est vrai qu’il leur doit son permis de séjour permanent.

      Les jours passant, aux préoccupations évoquées précédemment dans leurs missives, s’ajoutent la chaleur accablante à laquelle succèdent les pluies diluviennes, l’asthme de Lotte qui résiste à tous les traitements, la moisissure qui recouvre tout, les moustiques qui attaquent jours et nuit, les puces de chien qui prolifèrent. Coupé des bibliothèques, privé de ses ébauches de manuscrits restées à Bath, le travail de Stephan traine. Reclus, ils perçoivent les rares visiteurs ayant gravi les cinquante marches d’accès à leur bungalow, comme des intrus qui aggravent la stagnation de ses occupations littéraires.

 

Casa_Stefan_Zweig_in_Petropolis

Lotte fait courageusement face à la maladie, c’est par son époux que nous en suivons l’évolution. Malgré la fatigue, la jeune femme assiste son mari dans ses travaux, tient la maison et tente de surmonter leur nostalgie en réalisant des recettes traditionnelles leur rappelant leurs origines (encore faut-il qu’elle réussisse à se procurer les ingrédients !). Ils n’ont pas d’ami, peu de relations de sympathie. Ils vivent en transit, déracinés dans un pays qu’ils disent paradisiaque, mais auquel ils n’arrivent pas à s’adapter et dont ils ne réussissent pas à parler correctement une langue qu’ils n’aiment pas.

Stephan vit dans une angoisse permanente pathologique qui l’empêche de s’installer durablement quelque part. Il est malade d’un monde qui n’existera plus et est extrêmement pessimiste quant à l’après-guerre. L’entrée en guerre des États-Unis en janvier 1942 achèvera de le désespérer.

Physiquement et moralement fatigués, après avoir minutieusement préparé leur suicide, Stephan et Lotte ZWEIG  s’empoisonnèrent avec des barbituriques le  23 février 1942.

Images : soldats e la Bundesheer à Vienne le 13 février 1934

http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bundesarchiv_Bild_102-image

La maison de Stephan et Lotte SWZEIG à Petrópolis

http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Casa_Stefan_Zweig_in_Petropolis.jpg

 

 

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