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18 juin 2012

Yasmina KHADRA (1955) – Les hirondelles de Kaboul (2002)

Yasmina KHADRA (1955) – Les hirondelles de Kaboul (2002)

   Se frayant un passage dans la foule des mendiants, plongés dans leurs pensées ténébreuses, cherchant chacun une issue au malaise qui les habite et à la folie qui les guette, Atik Shaukat et Moshen Ramat, errent à la dérive dans Kaboul livrée à l’obscurantisme et à la tyrannie des Talibans. Les deux hommes ne se connaissent pas. Ils ignorent que leurs destins sont liés.

*

   Atik, moudjahid gravement blessé reconverti en geôlier, traîne son « malheur » entre sa demeure, où son épouse Mussarat agonise atteinte d’un mal incurable, et le dépôt provisoire pour femmes en attente de mise à mort. Autour de lui, la ville n’est plus que ruines, gravas, façades lépreuses, maisons lézardées, poussière, étals dégarnis, chaussées défoncées laissés par vingt ans de guerre. En dépit de ses prières, face au désastre, à la perversion morale et à l’impitoyable folie qui se sont emparées des esprits, Atik est miné par le doute : Est-ce que tout cela est la volonté de Dieu ?

*

   Les lynchages, pendaisons, égorgements, toutes ces exécutions publiques qui rendaient malade, hantaient les cauchemars de Moshen, lui faisaient prendre conscience de sa fragilité et du fait d’être mortel, n’étaient plus maintenant qu’une banalité, pour lui, comme pour les autres. Tout en flânant dans les faubourgs dévastés de Kaboul, le jeune intellectuel libre-penseur songe à ce qu’était la ville avant l’invasion soviétique et à son ambition d’une carrière de diplomate évanouie par la prise du pouvoir des Talibans. Ses pas le  conduisent jusqu’aux premiers rangs d’une lapidation de femme adultère. Galvanisé par l’hystérie collective, Moshen participe aux jets de projectiles. Horrifié par son geste et la jubilation qu’il a éprouvée en voyant s’écrouler la suppliciée atteinte en pleine tête, il confiera sa détresse à son épouse Zunaira.

*

   Confinées dans leurs demeures, deux femmes Mussara et Zunaira assistent à la dérive de leurs époux.

*

   Zunaira, la féministe, se révolte contre la diabolisation attribuée aux femmes par les mollahs et leur déchéance sociale infligée par les Talibans. À l’aveu de Moshen et à ses explications embarrassées, elle opposera son indignation profonde et une appréciation lucide implacable du comportement irrationnel de son époux. L’amour, la confiance et la communion de pensées, qui les liaient, se fissuraient.

*

   Autrefois, Mussara a risqué courageusement sa vie en recueillant et soignant Atik blessé au cours d’un combat contre l’armée soviétique. Ce dernier, reconnaissant, l’a épousée. Ils sont liés par vingt ans de vie commune. Dès qu’elle reprend quelques forces entre les spasmes douloureux de son mal, d’une intensité telle qu’ils la plongent dans l’inconscience durant des heures, Mussara accueille le désarroi d’un époux rendu sourd et aveugle par les tiraillements de ses contradictions. Perspicace, cette femme courageuse, surmonte sa douleur physique et son anxiété à l’approche d’une mort inéluctable, perçoit les faiblesses et les tentations de son mari.

*****

   La richesse des descriptions du cadre, des scènes de rues, des exécutions publiques, des prières collectives, servies par la qualité de l’écriture, le réalisme du vocabulaire, sollicitent l’imagination sensorielle des lecteurs, recréent l’atmosphère démoralisante de misère, de laideur, de paranoïa qui enveloppent les héros du roman, où qu’ils soient, ainsi que la solitude morale et sociale dans laquelle ils se sont enfermés.

   Refusant d’abdiquer, surmontant l’opprobre, les femmes ont gardé une capacité d’écoute et une force de caractère surprenantes, alors que leurs époux se replient égoïstement sur leur mal être. Elles sont intelligentes, courageuses, généreuses. En se sacrifiant par amour de son époux et pour sauver celle en qui elle aurait pu voir une rivale, Mussara est digne d’une héroïne de drame antique.

 

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en : View of the old city of Kabul, Afghanistan fr : La ville de Kaboul, Afghanistan Source : first upload on Wk en, by [http://en.wikipedia.org/wiki/User:Casimiri User:Casimiri] which say to have got this pic {{GFDL}} Category:Afghanistan

Source de la photo:

http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Kabul_Skyline.jpg

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7 juin 2012

Patrick GRAINVILLE (1947) – Le corps immense du Président Mao (2011)

Patrick GRAINVILLE (1947) – Le corps immense du Président Mao (2011)

 

    Shenzhen est une de ces « zones économiques spéciales » fondées en 1980 sur l’instigation de Deng Xiaoping. Elle est de cadre du 36ème roman de Patrick GRAINVILLE.

     Au matin, Thomas constate que sa fille «avait fuit sans le prévenir, sans lui dire adieu, à l’aube... ». La veille, à sa réaction quand il avait vu sa fille chérie s’avancer vers lui irrémédiablement transfigurée, les paupières débridées, sa longue chevelure droite et noire coupée « ras et teinte d’une vilaine nuance Coca », Shan, « toute bouffie de haine », l’avait accusé d’avoir été « un mauvais père » possessif, « sous couvert de l’aimer à la folie ».

 *****

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Carte du delta de la Rivière des Perles – Map drawn in October 2007 using various sources,  mainly : Map of the Pearl River Delta from www.johomaps.com and Map of administrative boundaries from www.hydrocarbons-technology.com  - 11 octobre 2007 - Travail personnel – Auteur : Croquant 

   Thomas tente de retrouver Shan cachée dans la fourmilière de la ville nouvelle du delta de la Rivière des Perles. 

Ses pérégrinations le conduisent dans les différents districts de la ville. Celles-ci mettent en évidence le règne du gigantisme immobilier ; du capitalisme agressif ; de la corruption ; du clientélisme ; des riches toujours plus riches protégés par le système hypocrite ; du mauvais goût ; de l’imitation et de la contrefaçon ; de l’enfant unique tyran domestique ; sans oublier la pollution industrielle, le sort des migrants, des marginaux, la libre expression muselée, le taoïsme sous-jacent, etc. ..., tous les poncifs sur la Chine contemporaine couramment répandus et glosés verre à la main, accoudé au zinc de bistrots. 

*****

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 Vue sur la ville de Shenzhen – 2007 - self-made(自己的作品)- Auteur :  Hawyih

    Thomas, son ancienne épouse Mei, psychologue, leur fille Shan, prostituée de luxe An, une amie  expatriée française attachée linguistique l’instable Alice, Shi le gagnant d’une « maison de vos rêves » -son amant-, le milliardaire Lan avec sa guenon Zibidie et son assistante noire Assuatou -laquelle nous réserve des surprises- sans oublier le schizo-paranoïaque Jiao, se livrent à un  chassé-croisé érotico-sexuel. 

   L’amour ? Il ne saurait en être question ! Les pulsions, la vengeance, la provocation, l’ennui, l’ambition, l’exotisme, les transgressions, l’instantané, motivent les protagonistes de cette chorégraphie.

   Les portraits sont appréciés d’un point de vue masculin qui n’est probablement pas étranger aux fantasmes de l’auteur et selon les critères de beauté occidentaux en vogue. Seuls, les yeux, les bouches happeuses, suceuses, les seins, la ligne et le galbe de la jambe, les sexes féminins dénudés ou moulés dans un string noir de préférence, retiennent le regard.

    Ce lamentable ballet-vaudevillesque est tout juste propre à exciter quelque adolescent boutonneux et attardé encore capable de goûter ce trait lancé par An, bien décidée à suspendre ses essais d’embourgeoisement : « Il est si chiant, Shi ! ». 

*****

Chine 001 -1

 

   Le sexe est partout. Il a même sa place dans la description des courses rituelles de chevaux sur une plage de sable blanc. Par un foisonnement de noms et de qualificatifs, les scènes du galop infernal des  purs-sangs déferlant vers la mer regorgent d’images évocatrices d’une ambiance où tous les sens des spectateurs sont en éveil. 

   « Tout là-haut au sommet de l’hôtel, dans le prolongement inconnu de son appartement », le sexe est présent plus que jamais, sujet de l’œuvre picturale animée et enrichie d’images virtuelles toujours renouvelée « que Lan planquait » : Le corps immense du Président Mao. L’artiste, alliant l’esthétiques fantastique, baroque et la tradition asiatique avait réalisé une création parodique, lubrique, blasphématoire de l’idole. Le traitement simpliste d’un Mao affalé, boursoufflé et grotesque, s’y opposait à l’exécution finement détaillée de personnages miniatures extrêmement actifs dans une variété infinie de tableaux. 

*****

Chine 002 -1

   Patrick GRAINVILLE ne manque ni d’imagination, ni de facilité de plume. Il est regrettable qu’il les mette au service d’un roman insipide, sans suspens, dont l’action aurait aussi bien pu se situer sous n’importe quels cieux. La Chine qu’il nous présente est un miroir concave où se reflètent grossiesx5 les dérives et les aspirations de notre monde occidental capitaliste et bourgeois.

   Nous sommes en présence d’une caricature sans concession de la Chine réelle laborieuse et résolue face au challenge qui s’ouvre devant elle en ce début de vingt et unième siècle !

<a%20href="http://maps.google.fr/maps?q=chine+shenzhen&hl=fr&hnear=Shenzhen,+Guangdong,+Chine&gl=fr&t=m&vpsrc=0&ie=UTF8&hq=&z=10&iwloc=A&source=embed"%20style="color:#0000FF;text-align:left">Agrandir%20le%20plan" target="_self">Carte Google du delta de la Rivière des Perles

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