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24 mai 2010

LES COURANTS DANS LE THÉÂTRE AVANT 1914

[Résumé écrit d’après Le Robert des noms propres (2006), le XIXème siècle et le XXème siècle de LAGARDE et MICHARD (1985 pour le 1er et 1980 pour le second)]

 

 

LE NÉO-ROMANTISME depuis l’échec des Burgraves de Victor HUGO en 1843, le romantisme semblait condamné. Il connaît pourtant une étonnante résurrection dans les dernières années du XIXème siècle et au début du XXème siècle, quand Edmond ROSTAND (1868~1918) fit représenter Cyrano de Bergerac en 1897, accueilli par l’enthousiasme du public, suivi de L’Aiglon en 1900 puis de Chantecler en 1910.

 

 

LE NATURALISME : Vers 1880, Émile ZOLA s’attaque à ce qu’il appelle la convention, qui affadit la comédie contemporaine : le théâtre naturaliste doit « apporter la puissance de la réalité », multiplier les scènes qui seront « des tranches de vie », sans la moindre concession à la morale bourgeoise, et dans des décors scrupuleusement documentaires. Beaucoup de romans de ZOLA, des GONCOURT, d’Alphonse DAUDET furent adaptés à la scène, généralement sans grand succès.

La nouvelle école adopta bruyamment un écrivain que son caractère tenait à l’écart : Henri BECQUE (1837~1899), auteur des Corbeaux (1882) et de la Parisienne (1885) qui sont les chefs-d’œuvre de cette forme de théâtre.

En s’attaquant au réalisme des décors et à la vérité de l’interprétation, le Théâtre Libre, fondé par ANTOINE en 1887, assurera le triomphe éphémère du drame naturaliste.

Le réalisme social, nuancé à la fois de cynisme et de moralisme, caractérise l’œuvre d’Octave MIRBEAU (1850~1917). Celui-ci décrit dans Les mauvais Bergers (1896), l’antagonisme des classes, et, dans Les Affaires sont les Affaires (1903), il développe une description impitoyable des formes modernes du pouvoir de l’argent.

D’autre part, les pièces courtes et vives dans lesquelles Jules RENARD, inspiré par un naturalisme psychologique plutôt que social, transpose, sous la forme dramatique, son habituelle manière incisive : le pessimisme et l’amertume se résolvent en humour et en cruauté, dans Le Plaisir de rompre (1897), Le Pain de Ménage (1898), Monsieur Vernet (1903) et surtout dans l’adaptation dramatique de Poil de Carotte (1900).

Émile FABRE (1869~1953) schématise les thèses naturalistes, et en fait la matière d’un théâtre à l’emporte-pièce, qui connut à l’époque un assez large succès bien que sa manière manque de force proprement littéraire (L’Argent, 1895 ; Les Ventres dorés, 1905).

 

 

LE « THÉÂTRE D’IDÉES » : Certains dramaturges, qui font alors figure de maîtres à penser, dont l’œuvre, inspirée par la question sociale, glisse du naturalisme aux « idées », ont eu une influence, de valeur inégale, qui fut loin d’être négligeable.

Eugène BRIEUX (1858~1922) écrivit des pièces à thèse qui ont connu le succès : La Robe rouge (1900) qui pose, en termes assez énergiques, le problème de l’administration de la justice et montre comment l’égoïsme et l’intérêt corrompent la fonction judiciaire ; dans Les remplaçantes (1901), il traite les thèmes de la propagande familiale, en montrant que le devoir de la mère est d’élever personnellement ses enfants. Il était l’un des auteurs favoris du Théâtre-libre d’Antoine.

Paul HERVIEU (1857~1915) manifeste dans son théâtre son tempérament de moraliste dans des drames du couple et de la famille qui abordent, avec une grande sobriété de moyens, des problèmes sociaux (Les Tenailles, 1895, sur le mariage ; Le Dédale, 1905, sur le divorce ; La Loi de l’homme, 1897, sur le féminisme) ou passionnels (L’Énigme, 1901 ; La Course au flambeau, 1901).

François de CUREL (1854~1929) est sans doute le représentant le plus notable de ce courant. Son théâtre d’idées a occupé une place de premier plan sur la scène française puis sombra dans l’oubli. Son style, austère, résiste à la tentation de la rhétorique et compense l’abstraction des idées par la puissance suggestive des images. L’art de CUREL  est de faire vivre des personnages qui incarnent des abstractions. Le Repas du Lion (1897) porte sur les rapports entre patrons et ouvriers ; La Nouvelle Idole (1899) sans doute son chef-d’œuvre, soulève le problème des limites morales du pouvoir scientifique. Après la seconde guerre mondiale, Terre inhumaine (1922) aborde le thème de l’amour entre un homme et une femme appartenant à des nations ennemies.

 

 

LE THÉÂTRE D’AMOUR : La psychologie amoureuse reste le thème de prédilection de nombre d’auteurs à la mode.

Henry BATAILLE (1872~1922) représente le mieux le caractère déjà conventionnel du « théâtre de boulevard » où le sujet des pièces à succès est le conflit entre la passion et les obstacles qu’elle rencontre. Son théâtre propose la peinture complaisante de mœurs décadentes dans un style que l’on a appelé « le réalisme sentimental » (Maman Colibri,  1904 ; La Marche nuptiale, 1905 ; La Femme nue, 1908 ; La Vierge folle, 1910 ; L’Homme à la rose, 1920).

Henry BERNSTEIN (1876~1953) décrit les mœurs d’une société où l’argent et la vie sensuelle constituent d’essentielles raisons de vivre. Il transforme la scène en un champ clos où se heurtent passions, intérêts et valeurs morales. C’est un des maîtres de ce qui s’appellera le « suspens » dramatique. Sa psychologie reste conventionnelle et n’échappe pas au risque de la vulgarité. Le succès de son théâtre fut considérable jusqu’aux années de l’après-guerre 1939 (La Rafale, 1905 ; La Griffe, 1906 ; Le Voleur, 1906 ; Samson, 1907 ; Le Secret, 1913 ; Félix, 1926 ; Mélo, 1929 ; La Soif, 1949).

Georges de PORTO-RICHE (1849~1930) conçoit le théâtre comme une anatomie sentimentale dont il dresse les résultats dans son « Théâtre d’amour » qui a pour thème dominant la passion sensuelle, avec les obsessions, les épreuves et les déchéances qu’elle entraîne pour ses victimes (Amoureuse, 1891 ; Le Passé, 1997 ; Le Viel Homme, 1911 ; Le Marchand d’Estampes, 1917).

 

 

LE THÉÂTRE DU BOULEVARD : Le public a apprécié particulièrement, parmi les nombreux auteurs du boulevard, quatre écrivains de talent qui ont produit une vingtaine de pièces chacun entre 1895 et 1914.

Maurice DONNAY (1859~1945) : fit ses débuts au Chat-noir dont la verve légère qui l’anima se retrouve souvent dans son théâtre (Lysistrata, 1892 ; Éducation du prince, 1900) mais qui prend parfois les couleurs plus sombres du drame (Amants ,1895 ; La Douloureuse ; Le Torrent ; L’Autre Danger, 1902 ; Le Retour de Jérusalem, 1904 ; Paraître, 1906 ; Les Éclaireuses.

Alfred CAPUS (1858~1922) : Les Petites Folles, La Veine, La Petite Fonctionnaire, Notre Jeunesse, Un Ange.

Henri LAVEDAN (1858~1940) a été le peintre complaisant de  la société parisienne de son temps : Le Vieux Marcheur, 1899 ; Viveurs ; Le Marquis de Priola, 1902 ; Le Duel, 1905 ; Servir.

Abel HERMANT (1862~1950) : Monsieur de Courpière, Rue de la Paix, La Belle Madame Hébert, Trains de Luxe, Les Transatlantiques, pièce conçue avec des couplets dus à la collaboration avec Franc-Nohain qui en font presqu’une opérette.

 

 

LE VAUDEVILLE ET LA COMÉDIE LÉGÈRE :

Georges FEYDEAU (1862~1921) fut, après LABICHE, le maître du vaudeville. Il porta ce genre mineur à son point de perfection, avec 39 pièces, comédies en trois actes. Entre la farce et la comédie, son théâtre est un perpétuel jaillissement de situations cocasses, de péripéties tumultueuses et absurdes où se trouvent engagés des personnages dénués de réalité et cependant rigoureusement fidèles, dans leur inconséquence, aux modèles proposés. Une logique rigoureuse, renouvelée par le sens de l’inattendu, et la vivacité d’un mouvement vertigineux font la valeur durable de ce théâtre. On peut citer Monsieur chasse (1892), Un Fil à la patte (1894), L’Hôtel du Libre Échange (1894), Le Dindon (1896), La Dame de chez Maxim (1899), Occupe-toi d’Amélie (1908), Mais n’te promène pas toute nue (1912), pièces qui sont encore souvent à l’affiche de nos jours.

Tristan BERNARD (1866~1947), romancier et auteur dramatique, fut surtout un humoriste dont on cite quantité de bons mots. C’est l’humour qui fait le charme de ses romans comme de ses pièces en un trois ou cinq actes depuis Les Pieds nickelés (1895) jusqu’à Jules, Juliette et Julien (1929). L’Anglais tel qu’on le parle est un court vaudeville qui est resté au répertoire. L’Étrangleuse (1908) est une parodie tragi-comique. Les Jumeaux de Brighton est une amusante reprise du thème des Ménechmes[1]. Monsieur Codomat (1907) est une comédie de caractère. Triplepatte (1905) écrite en collaboration avec André GODFERNAUX est une comédie de l’indécision qui unit l’esprit, la fantaisie et la satire légère à une sympathie compréhensive, presque attendrie.

Robert de FLERS (1872~1927) et Gaston Arman de CAILLAVET (1869~1915) inaugurent avec le siècle une collaboration féconde. Ils trouvent leur voie dans la satire des mœurs tout en demeurant indulgents et en émoussant les traits de « rosserie » par une amabilité mondaine et un ton de bonne compagnie : Le Roi (1908), L’Habit vert (1912), La Belle Aventure (1913). Après la mort prématurée de CAILLAVET, de FLERS collabora avec Francis de CROISSET (1877~1937) pour Les Vignes du Seigneur (1923) et le livret de l’opérette Ciboulette (1923).

Georges COURTELINE (1858~1929) stigmatisa avec drôlerie la bêtise, sous toutes ses formes. Il évoqua la vie militaire dans Les Gaieté de l’escadron (1886), Le Train de 8 heures 47 (1888) et Lidoire, tableau militaire (1891). Il fit souvent s’affronter le citoyen-victime à la tyrannie des lois et des magistrats qui les servent : Un Client sérieux (1896), Le commissaire est bon enfant et Le Gendarme est sans pitié (1899).  Il fait la satire des petits fonctionnaires peignant avec une verve comique, et parfois amère, le médiocre despotisme de ces derniers, serviteurs et esclaves d’un règlement absurde : La Lettre chargée (1897). Il montre dans L’Article 333 (1900) et Les Balances (1901) combien il est difficile d’innocenter un homme qui n’a rien fait. Dans la nouvelle adaptée pour le théâtre et montée par Antoine, Boubouroche (1903), il reprend la satire traditionnelle de la femme volage qui bafoue impudemment un mari pleutre et bon et témoigne de sa verve. La Paix chez soi (1903) et La Peur des coups (1894) connurent aussi un grand succès.

 

 

 


 

[1] Les Menechmes : Comédie de Plaute (v. -254~-184), imitée de Ménandre-v. -342~v. -292), contemporain et ami d’Épicure, auteur de comédies. L’un des deux fils jumeaux d’un marchand sicilien a été enlevé. Devenu homme, l’autre part à la recherche de son frère et le retrouve en Épire où celui-ci a fait fortune. Mais la ressemblance entre les deux frères est si grande que chacun, femme, maîtresse et beau-père s’y laisse prendre. Cette confusion engendre une suite de quiproquos et d’incidents comiques à la suite desquels les deux frères se reconnaissent.

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24 mai 2010

Jules RENARD - Le Journal

LE CADRE HISTORIQUE DANS LEQUEL SE SITUE LE JOURNAL DE J. RENARD

   Les évènements évoqués se passent après la guerre de 1870 et la perte de l’Alsace-Lorraine. Le Journal traverse les présidences de Jules Grévy (jusqu’en 1887), de Marie, François, Sadi Carnot (1887-1894), Casimir-Périer, Félix Faure (1895-1899), Émile Loubet (1899-1906), Armand Fallières (1906-1913).

Sous la présidence de J. Grévy, le régime parlementaire s’affirme grâce à un ensemble de réformes relatives aux libertés publiques et à l’enseignement. Le pays fut secoué par l’affaire Dreyfus (1894-1899)

Le paysage politique et social se transforme avec l’essor du catholicisme social et du socialisme sous l’impulsion de J. Guesde et de J. Jaurès, la séparation des églises et de l’État en 1905 et le développement du syndicalisme.

24 mai 2010

Jules RENARD - Le Journal - Biographie - Bibliographie

L'AUTEUR:

 Jules RENARD (Châlons-sur-Mayenne, 22 février 1864~Paris, 22 mai 1910) a commencé à écrire son journal en 1887 et l’a tenu jusqu’au 6 avril 1910, quelques semaines avant sa mort.

Jules RENARD est renommé en littérature pour son personnage Poil de Carotte, enfant non désiré et mal aimé de sa mère, héros du livre éponyme paru en 1894 et adapté au théâtre en 1900. Auparavant, il avait fait paraître l’Écornifleur. [Ces récits réalistes par leur sujet... offrent des croquis rapides et mordants où l’ironie se teinte de tendresse][1]. Élevé dans le Morvan, on trouve cette présence de la campagne morvandelle dans les Histoires naturelles (1896), sans doute son chef-d’œuvre [où ce « chasseur d’images » manifeste l’acuité de son regard à l’égard du monde animal dont il donne une interprétation poétique, parfois précieuse, parfois épigrammatiques][2].

Attiré par le théâtre, il a écrit de courtes comédies inspirées d’un naturalisme psychologique plutôt que social comme Le Plaisir de rompre (1897), Le Pain de ménage (1898), l’adaptation dramatique de Poil de Carotte (1900), Monsieur Vernet (1903) dans lesquelles le pessimisme et l’amertume se résolvent en humour et en cruauté.

Le Journal est indissociable de l’œuvre de Jules RENARD, certains disent qu’il est supérieur à son œuvre, ce qui est sûr c’est qu’il éclaire son œuvre.

Pour plus de renseignement sur sa biographie et sa bibliographie, suivre ce lien

 


 

QUELQUES NOTES ET REMARQUES PERSONNELLES

à propos de ce journal

 

L’écrivain : J.RENARD confie à son journal le malaise qu’il ressent devant la page blanche, son souci du langage et du style, ses recherches, ses scrupules, ses doutes, ses déceptions, ses corrections. Il y porte ses notes et remarques de lecture des grandes œuvres.

Il cherche à se situer dans la littérature et l’art dramatique et aussi par rapport aux écrivains de son époque.

Il n’est pas question d’utiliser des trucs, de se laisser aller à la facilité, de flatter le goût du lecteur ou du spectateur ni celui de l’éditeur ou du directeur de troupe. Il se sert du style pour mêler le tragique et le cocasse, l’ironie et la lucidité, la tendresse et le pessimisme. Le métier d’écrire est une épreuve sérieuse et grave. Il dit : « Mon style m’étrangle. »

Il n’invente pas de sujet, ni pour ses récits, ni pour son théâtre. Il se sert seulement de sa vie, fait peu de voyages et a peu d’excitations extérieures.

Une partie de sa vie est parisienne, c’est dans la capitale qu’il peut rencontrer les écrivains, échanger, se mesurer, se comparer avec eux. Il a l’ambition de devenir un grand auteur mais il est lucide quant à ses limites. 

 

Le témoin de son temps : S’il veut vivre de sa plume, il faut habiter une partie de l’année à Paris, se faire connaître, aller au-devant des éditeurs, des directeurs de théâtre, écrire des articles dans les journaux littéraires, faire des conférences, autrement dit, placer sa copie. Ces rencontres sont une source d’inspiration qui donne une succession de réflexions cruelles ou plaisantes sur les artistes et les écrivains du temps, l’ambiance des salles de rédaction, les coulisses des théâtres.

 Il trace des portraits de ses amis, des personnages qu’il fréquente, rapporte des propos tenus au cours de réunions, de banquets ou de repas, relate les conversations avec ses amis, raconte les répétitions de ses pièces, parle de ses rencontres avec Jaurès et Léon Blum.

Il se promène dans Paris sur le boulevard, au parc Monceau, est aux enterrements de ses contemporains décédés, assiste à des représentations théâtrales.

Jules RENARD vit aussi à la campagne. La nature qu’il décrit n’est pas une construction de l’esprit. Il observe les animaux, les éléments, la lune les sites. « Chasseur d’images », il en donne des instantanés, des interprétations poétiques, parfois précieuses, souvent anthropomorphiques. Les gens de la campagne morvandelle n’échappent pas à ses observations incisives et pénétrantes. Ni romantisme, ni réalisme complaisant dans ces scènes de la vie réelle parfois banales ou sordides, mais une succession de tableaux impressionnistes qui nous donnent une idée des conditions de vie du monde paysan avant la guerre de 1914, beaucoup mieux qu’un exposé ethnologique.

 

La famille : Son père, son frère font partie de son univers jusqu’à leur décès. En filigrane, il se reproche de ne pas être plus proche d’eux. Il est affecté par leur mort. Le suicide de son père est l’occasion pour lui de se poser des questions existentielles et de réflexions sur sa propre destinée. Sa mère, inchangée, est un objet d’étude, il accompli envers elle son devoir, ni plus, ni moins, il s’en protège en gardant ses distances. Dans cette mesure elle le laisse indifférent. Quant à sa sœur, elle est peu évoquée dans son journal. Il note des situations qu’il imagine dans lesquelles Poil de Carotte, Monsieur Lepic, Madame Lepic sont les héros, morceaux qu’il pourrait utiliser pour son œuvre.

L’image qu’il donne du couple qu’il forme avec Marinette est paisible. C’est une épouse attentive, compréhensive, apaisante, attentionnée, équilibrante pour lui, le tourmenté qui vit dans un doute constant.

Il rapporte dans le journal, quantité de mots de ses enfants (surtout de Baïe) dont il semble qu’il ait été très proche bien qu’il regrette de ne pas arriver à être plus intime avec son fils, Fantec. Son anxiété ses angoisses et ses inquiétudes lors de la maladie de sa petite fille est évoquée avec pudeur, on ne peut que compatir.

 

Les femmes : Dans son univers, il y a deux sortes de femmes : les « bonnes femmes » (dans le sens de femmes vertueuses et bonnes ménagères) et les « grues ».

Nombre de fois, il fait allusion au désir de femmes qu’il éprouve, mais il refuse de se laisser aller à la tentation. Jules RENARD qui n’était pas un homme de compromis et qui détestait les situations fausses, préférait surement assumer la frustration qui lui permettait de se consacrer à l’écriture.

Certains portraits de femmes sont particulièrement cruels. Il y fait souvent allusion aux odeurs corporelles qu’elles dégageaient qui était loin d’être en leur faveur.

 

La politique : Jules RENARD était dans le camp dreyfusard. À travers son témoignage, on perçoit combien cette affaire a divisé l’opinion entraînant des rancœurs farouches qui ont perduré bien après la réhabilitation du capitaine puisqu’il en fait encore référence à propos des réunions de la Société des Auteurs et de l’Académie Goncourt, les dernières années de sa vie. Il reproduit des propos anti-juifs tenus par des écrivains qu’il côtoie. Lui-même, malgré ses idées progressistes, caractérise certains comportements, attitudes, caractères physiques de Schwob, Mendès par le fait qu’ils appartiennent à « la race juive ». L’oppression du début du XXème siècle est en marche. 

 

Il se dit libre-penseur, il est même anticlérical. Il est maire de sa commune au moment de la séparation des églises et de l’État. Ses portraits des curés de campagne les présentent comme ignares, bornés, obscurantistes. Les deux partis se radicalisent de part et d’autre, dans une lutte ouverte s’exprimant par un sectarisme intolérant.

Il fréquente Léon Blum, est présenté à Jean Jaurès, assiste à un meeting, nous fait part de la création et des débuts du journal l’Humanité, y écrit des articles. Il se dit socialiste.

Mais il s’interroge sur la sincérité de son engagement qui devrait, pense-t-il, l’amener à tout partager, à renoncer à la vie bourgeoise qu’il mène avec sa famille et à laquelle il se sent attaché.

 

Les honneurs : Jules RENARD est sensible aux honneurs. L’épisode de l’attente, de l’obtention de la Légion d’Honneur. Ses nombreuses allusions au port de sa décoration, au fait qu’elle soit ou non remarquée de ses interlocuteurs, sa quête d’une reconnaissance admirative et que la porter l’engage dans un type de comportement, le prouvent.

Il aime être reconnu en tant qu’écrivain célèbre par ses ouvrages, mais s’il est vaniteux, il n’en est pas moins lucide dans la manière ironique dont il relate l’ignorance ou les confusions dont il est victime.

Il aurait aimé être élu à l’Académie française, il est quelque peu déçu de devoir se contenter de l’Académie Goncourt.

 

L’homme face à lui-même : Jules RENARD fait une introspection sans concession où se mêlent ironie, humour et nostalgie dans laquelle il est aussi sévère qu’il l’est pour autrui.

 

La mort : Elle est constamment présente dans son Journal. Elle est là, bien sûr, quand il est endeuillé, quand il accompagne le cercueil d’un ami ou d’un confrère, elle rôde et frappe dans les campagnes mais l’idée de la mort lui est familière. Vivra-t-il longtemps ? Aura-t-il le temps de laisser une œuvre ? Comment se présentera-t-elle ? Mettra-t-il fin lui-même à ses jours ? Il pense souvent au suicide et écrit que ce qui le retient, c’est la détresse de ses proches que provoquerait un tel geste.

Il parle plusieurs fois de la publication de son Journal, c’est surtout par lui qu’il survit encore aujourd’hui.

 De nos jours, le Journal, considéré comme un chef-d’œuvre du genre par de nombreux spécialistes, est programmé régulièrement pour des séances de lecture d’extraits choisis. Ce genre de production a été entre autres auditions organisées en province par d’autres troupes, à l’affiche du théâtre Hébertot à Paris mis en scène par Jean-Louis Trintignan, avec Jean-Louis Bérard Manuel Durand, Joëlle Bellemonte.

 

 

 


 

[1] Le Petit Robert des Nom Propres 2004

[2] Idem

6 mai 2010

LE KIRGHIZISTAN

Le Kirghizistan est un pays d’Asie centrale. Il est bordé, à l’est et au sud-est, par la Chine, au nord, par le Kazakhstan, à l’ouest, par l’Ouzbékistan et au sud-ouest par le Tadjikistan. Sa superficie est de 198 500 km2.

Le Kirghizistan est un pays très pauvre, dont l’économie est tournée essentiellement vers l’agriculture. La principale activité est l’élevage du bétail qui produit la laine, la viande et les laitages. Les cultures dominantes sont le blé, la betterave à sucre, le coton, le tabac, les légumes et les fruits.

Le pays exporte principalement des métaux non-ferreux et des minéraux, des produits manufacturés en laine et des produits agricoles, de l’énergie électrique. La production d’or de la mine de Kumtor représente environ 10%du PIB.

Les importations consistent en Pétrole, gaz naturel, métaux ferreux, produits chimiques, les outils et les machines, du bois, du papier, des matériaux de construction, peu de produits alimentaires.

Ses principaux partenaires commerciaux sont la Chine, la Russie, Kazakhstan, les États-Unis, l’Ouzbékistan et l’Allemagne.

La densité de la population est assez faible de 29 habitants au km2. 65% de la population est d’origine kirghize constituée de bergers et de nomades. Elle est complétée par de ouzbèkes (14,5%) dans le sud principalement et par diverses communautés minoritaires.

Les Kirghizes, traditionnellement nomades restent attachés à leurs coutumes. L’épopée « Manas », phénomène littéraire par son volume et son emphase est enrichie par plusieurs siècles de transmission orale, fait la fierté de ce peuple qui se réapproprie actuellement ses racines historiques et mythologiques.

La religion principale est l’Islam sunnite, de l’école hanafite. La pratique religieuse a gardé des influences chamaniques et est marquée par le soufisme utilisé par les missionnaires qui ont islamisé la région.

Le kirghize fait partie des langues turques. En 1924, un alphabet basé sur l’alphabet arabe fut introduit. Il fut remplacé en 1928 par l’alphabet latin puis en 1941 par l’alphabet cyrillique qui fut définitivement adopté.

Le premier roman écrit en langue kirghize est Djamilia

Le Kirghizistan, ex-République socialiste de Kirghizie, depuis 1936, au sein de l’Union soviétique, vota son indépendance le 31 août 1991 et pris le nom de Kirghizistan. Sa capitale Frounzé repris son nom pré-soviétique de Bichkek. Le Kirghizistan adhéra à la Communauté des États indépendants à la fin de la même année. La capitale est Bichkek.

6 mai 2010

AÏTMATOV Tchinghiz – Djamilia

AÏTMATOV Tchinghiz – Djamilia

 

Nous sommes au Kirghiztan pendant la Seconde Guerre Mondiale. Les habitants de l’aïl (le village), jadis nomades, vivent désormais dans des maisons depuis la collectivisation. Cette sédentarisation subie n’empêche pas la mère de Seït , le jeune narrateur d’à peine quinze ans, d’installer, au milieu de la cour de l’enclos, la yourte de nomade fabriquée par le père dans sa jeunesse et de l’enfumer avec du genévrier. L’enclos cerne deux maisons. Le narrateur habite la Grande maison avec ses parents, ses deux frères ainés et sa petite sœur. Dans la petite maison, vit une veuve de la parentèle, que le père a dû épouser suivant la coutume de la tribu, et ses deux fils dont l’un, Sadyk s’est marié avec Djamilia. Dès l’aube, le père, un homme effacé, « fait sa prière tourné vers La Mecque avant de se rendre dans son atelier de Charpentier jusque tard dans la soirée ». « La mère première », remarquable ménagère régente harmonieusement les deux demeures qu’elle entretient avec sa petite fille, veillant à la bonne entente de tous.

 

 

Comme tous les hommes de l’aïl en état de porter les armes, les deux ainés de la Grande Maison et les deux fils de la Petite Maison sont mobilisés au loin pour défendre l’Union Soviétique envahie. « La mère seconde », Damilia, les femmes de la tribu, même les enfants comme le narrateur travaillent au kolkhoze.

 

Cet été là, Djamilia est chargée, tout comme Seït, de conduire les chariots qui transportent les récoltes jusqu’à la gare la plus proche du village. Le brigadier leur adjoint un homme qui rentre des combats avec une blessure. Danïiar est son nom. Orphelin, il avait quitté l’aïl dans son enfance. Cet homme taciturne intrigue le jeune garçon. Au fur et à mesure de leurs équipées, Seït découvre en lui un étrange contemplateur de la Nature. Les chants de cet homme énigmatique expriment sa passion pour les grands espaces de la steppe et envoutent ses compagnons. Djamilia est belle, courageuse, joyeuse, taquine, insouciante mais triste et morose parfois. Elle reste fidèle à Sadyk enrôlé quatre mois après leurs épousailles.

 

L’expédition occupe tout le jour jusqu’à la nuit tombée. Les chariots (brichtka) aussitôt chargées, l’aller jusqu’à la gare, se fait sans perte de temps, afin d’arriver suffisamment tôt. Il leur faut alors décharger un à un les énormes sacs, les hisser à dos d’homme, gravir dans la file des autres porteurs l’escalier de bois étroit et raide et déverser leur contenu au sommet de l’immense tas de céréales. Le retour est plus détendu. Les cochers lancent d’abord leurs chevaux dans des courses folles. Le calme revenu, le chant ensorcelant de Danïiar qui s’élève dans le cadre grandiose offert par la nature exalte le romantisme des jeunes gens. Suivra encore l’entretien des chevaux qu’il faudra mener pâturer avant de s’écrouler fourbus sur une meule et dormir. Puis vient l’amour de Djamilia et de Danïiar. Subjugué, Seït, chargé de protéger sa belle-sœur des convoitises des jeunes hommes, se laisse prendre au charme de leur complicité. Il prend conscience de sa vocation artistique et découvre son amour de la vie. 

 

 

Tchinghiz AÏTMATOV écrit ici un livre édifiant : les hommes défendent courageusement la nation sur le front tandis qu’à l’arrière, les cadences de travail soutenues, les tâches les plus pénibles, les horaires les plus longs sont acceptés avec entrain par les hommes mûrs, les femmes et les enfants, pour seconder l’effort de ceux qui se battent. La société de l’aïl est archaïque bousculée dans ses traditions ancestrales dans laquelle la valeur de l’homme est liée à l’importance de son troupeau par la collectivisation et le sédentarisme imposé. Il montre leur courage et leur isolement. L’homme sans biens, qui a connu d’autres expériences, qui projette son regard au delà de l’horizon, Danïiar, symbolise l’avenir, l’ouverture, peut-être le progrès. Le couple qui s’éloigne ne peut trouver le bonheur qu’ailleurs, tout comme Seït qui apprendra plus tard le dessin et la peinture pour réaliser sa vocation.

 

Le lecteur se plait à lire les descriptions de la nature de ce pays à la fois rude est magnifique.

 

 On comprend qu’un tel ouvrage ait séduit Louis ARAGON, dont on a connu l’engagement au parti communiste, qu’il l’ait traduit en 1959 et l’ait qualifié de plus belle histoire d’amour. Si sa longue préface est intéressante pour sa présentation de l’auteur et du pays, la passion qu’il manifeste avec force détails pour l’intrigue, perturbe l’entrée du lecteur dans le roman. Ce dernier, émoustillé, attend plus que ce qui lui est offert. Il eut été préférable qu’il apporte son avis à la fin du livre

 

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