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1 juin 2010

Gabriel GARCIA MARQUEZ – BIOGRAPHIE - BIBLIOGRAPHIE

Texte mis à jour le 18 avril 2014

Gabriel Garcia Marquez est né en 1928, à Aracataca, petit village de Colombie. Il est journaliste, écrivain et auteur de cinéma.

C’est un conteur fantastique (Les Funérailles de la grande mémé, 1962 ; L’Incroyable et Triste Histoire de la candide Erendira et de sa grand-mère diabolique, 1972).

Il défend les droits de l’homme dans (L’Automne du patriarche, 1975).

Il est surtout l’auteur de Cent ans de solitude (1967) qu’il se plaît à dire, être le seul et même roman qu’il a commencé à écrire à l’âge de dix-sept ans et que Pablo NERUDA qualifia comme « la plus grand révélation de la langue espagnole depuis le Don Quichotte de CERVANTÈS ».

On lui doit également Chronique d’une mort annoncée (1981), L’Amour au temps du choléra (1985), Le Général dans son labyrinthe (1989).

Ses entretiens avec Plinio Mendoza ont paru en 1982 (Une odeur de goyave).

Le premier volume de ses mémoires, Vivre pour la raconter, est paru en 2003.

Gabriel GARCIA MARQUEZ est décédé, suite à une pneumonie, le 17 avril 2014 à Mexico où il vivait depuis plus d'une vingtaine d'années.

Gabriel GARCIA MARQUEZ a obtenu le Prix Nobel de littérature en 1982.Son œuvre témoigne de l’importance de la littérature latino-américaine dans le XXème siècle.

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1 juin 2010

GARCIA MARQUEZ Gabriel - Journal d’un enlèvement (1999)

Gabriel GARCIA MARQUEZ fait œuvre de journaliste dans ce livre où il relate l’enlèvement de neuf personnalités colombiennes par le bras armé du cartel de Medellín. Partant du témoignage des personnes qui ont été directement mêlées à ce drame dans lequel deux otages périrent, il nous relate les souffrances des victimes, l’angoisse de leurs proches, l’embarras du Président et de ses conseillers et la complexité des problèmes posés.

 Le gouvernement fédéral américain réclame l’extradition des dirigeants des cartels de la drogue vers les États-Unis où la plus grande partie des stupéfiants est écoulée. Le gouvernement colombien avait décidé de les anéantir. Les narcotrafiquants colombiens ont déclaré une guerre totale contre le gouvernement et s’attaquent directement aux responsables politiques par des attentats, des exécutions, des enlèvements et des prises d’otages parmi leurs proches.

Dans ce pays où les guérillas et les cartels de la drogue pratiquent les mêmes forfaits, les victimes ignorent qui a commis les rapts. Leurs conditions de captivités sont différentes suivant l’endroit où elles sont retenues et qui est chargé de leur garde. Leurs conditions de détention sont extrêmement dures. L’incertitude sur leur sort futur agit sur leur moral. Une vie humaine n’a de valeur que dans la mesure où elle peut servir un intérêt particulier.

L’auteur explique comment les familles des otages ont été mises au courant des kidnappings et leurs démarches en vue d’une intervention gouvernementale pacifique. Une action armée brutale serait l’arrêt de mort des prisonniers. Ils font pression pour que des narcotrafiquants comme les frères Ochoa et Pablo Escobar ne soient pas livrés aux pays demandeurs. Ils réclament l’engagement de négociations en vue de faire libérer leurs proches.

 Comment faire savoir à ceux qu’on aime que personne ne les oublie ? Comment soutenir leur moral ? Comment ne pas les couper du monde ? Les messages diffusés par Radio Caracol destinés aux otages des guérillas et des cartels parviennent parfois aux intéressés. Des responsables de productions télévisées s’arrangent pour faire paraître des familiers des victimes dans leurs programmes, afin de leur apporter indirectement des informations plus ou moins codées.

Le président et les responsables gouvernementaux, souvent personnellement touchés par ces chantages et ces exactions, partagent leurs interventions, entre intransigeance et tentatives secrètes de négociation, au moyen d’intermédiaires véreux plus ou moins fiables.

Une relation ambigüe faite de terreur, de haine, de méfiance, mais aussi de complicité et d’entraide lie les otages et leurs gardiens.

Le talent littéraire de Gabriel GARCIA MARQUEZ au service de la rigueur du journaliste, fait de ce récit un ouvrage d’information plein de sensibilité et passionnant.

1 juin 2010

GARCIA MARQUEZ Gabriel - Chronique d’une mort annoncée (1981)

Comme l’indique le titre, la mort de Santiago Nasar, a été annoncée par les frères Vicario à tous ceux qu’ils ont rencontrés dès l’aube du matin du meurtre.

Le narrateur a quitté Santiago Nasar après avoir passé une nuit blanche avec les derniers fêtards d’un mariage. De nombreuses années plus tard, il cherche à reconstituer les circonstances qui en s’enchaînant ont permis et même facilité la volonté aveugle du destin.

Les uns ont pris la proclamation des deux frères pour des propos d’ivrognes. Certains fatigués après la noce sont allés dormir, tout simplement. Le maire, le colonel Aponte s’est contenté de leur confisquer leurs couteaux de boucher avant d’aller se préparer, tout comme le Père Amador et la victime, à accueillir l’archevêque dont le passage est un évènement pour cette localité isolée. D’autres ont tenté de prévenir Nasar, mais un enchevêtrement de contretemps ou d’évènements imprévus les ont retardés ou ont détourné leur attention. Il en est qui n’ont rien fait par indifférence ou paralysés par une vieille rancune.

Gabriel GARCIA MARQUEZ, situe à nouveau ce roman dans cette région de Colombie de Ríohacha qu’il a bien connue. Province dans laquelle la population vivait en vase clos. Il traite les thèmes de l’honneur et de la fatalité avec son humour et son imagination débordante.

1 juin 2010

Gabriel GARCIA MARQUEZ - CENT ANS DE SOLITUDE (1967)

LE CONTEXTE BIOGRAPHIQUE : Gabriel GARCIA MARQUEZ raconte dans Vivre pour la raconter, qu’alors qu’il mettait fin à ses études de droit, voulant devenir écrivain , il participait à la rédaction d’articles dans plusieurs revues littéraires où certaines de ses nouvelles avaient été remarquées, mais était à la recherche d’inspiration et d’un moyen de mettre en forme son ambition d’écrire un roman, il entreprit avec sa mère un voyage sur les lieux de son enfance pour tenter de vendre la maison de ses grands-parents. Les paysages, les marécages, les gares désaffectées, les ruines de la compagnie bananière dont on attend toujours le retour, le village d’Aracataca, la visite chez le vieil ami du grand père, le docteur Alfredo Barboza, la vue de la maison familiale délabrée, réveillèrent ses souvenirs. Il prit alors conscience qu’il tenait là, la matière de son œuvre.

Les aventures et les enseignements de son grand-père, ancien colonel de l’armée des libéraux qui participa à la « Guerre des mille jours », orfèvre spécialisé dans la fabrication de petits poissons en or, qu’il accompagnait, voire chaperonnait dans toutes ses sorties, sa grand-mère, boulangère, qui confectionnait des petits animaux en caramel, qui tenait un registre des naissances hors mariage de son époux pendant la guérilla et qui dirigeait la maisonnée où cohabitaient aussi la famille élargie et les domestiques indiens, sa petite sœur qui mangeait de la terre, la vie du village, les tribulations des adultes, les conversations en sa présence évoquant les faits marquants du village, l’arrivée du modernisme, le développement, l’essor, puis la décadence de la région suite au départ de la compagnie bananière, tout cela servira de terreau à ses ouvrages.

 

LE LIVRE : Servi par ses talents de conteur et une imagination débridée, l’auteur nous entraîne dans ce village imaginaire de Macondo, isolé du reste du monde, pour y suivre l’épopée de la famille Buendia dont l’ancêtre est un des fondateurs, jusqu’à la décadence et la fin de la dynastie.

Dans ce récit, se côtoient la réalité historique avec le rêve, le rationnel avec l’irréel, le quotidien prosaïque avec l’extraordinaire et le fantastique, l’athéisme avec la religion, les rites, la bigoterie, voire le miracle, la connaissance avec l’alchimie et la magie, la cruauté, les meurtres, les exécutions avec la tendresse et l’amour, le sexe débridé avec la pudibonderie, la tempérance avec la goinfrerie, la misère avec le gaspillage, le confort et l’abondance avec le dénuement, la convivialité avec la solitude, l’invasion avec la désertion, l’enfance avec la grande vieillesse, la lucidité avec la folie .

La dynastie subit les épidémies, des fléaux météorologiques (sécheresse, déluge), des invasions d’insectes, des catastrophes écologiques (l’inondation due au détournement de la rivière). La guerre, les alternances politiques et leurs conséquences modifient la vie familiale.

 L’exploitation économique des États Unis à travers l’installation, l’essor, puis le départ de la société bananière, marque le destin du village. Cette entreprise gourmande de main d’œuvre amènera auprès des descendants des fondateurs du village une vague d’exploiteurs, de journaliers, de pionniers, d’aventuriers, de fonctionnaires, de commerçants, de nomades, de prostituées. En se retirant elle laissera les plus déshérités.

 La mort côtoie constamment la vie : mort des animaux, des enfants, des héros, exécutions politiques, assassinats crapuleux, meurtres d’ivrognes, mitraillage de foule, « train de la mort », épidémies. Le rituel du deuil est contraignant. L’esprit des morts hantent la maison. Les défunts reviennent visiter les vivants. On transporte avec soi les ossements des ancêtres. Le cimetière est au centre de la vie. La mort peut frapper brusquement. Certains la sentent venir. D’autres s’y préparent et la préparent. Il en est qui l’attendent longtemps. On peut même entrer en relation avec les morts, converser avec eux, recevoir leurs conseils ou devenir messager des vivants auprès des défunts, en passant de vie à trépas. Remedios-la-belle qui « détenait certains pouvoirs de mort » y échappera en s’élevant dans les airs «…au milieu de l’éblouissant battement d’ailes des draps qui montaient avec elle,… pour se perdre à jamais avec elle dans les hautes sphères où les plus hauts oiseaux de la mémoire ne pourraient eux-mêmes la rejoindre. ».

Cette parodie délirante rabelaisienne, soutenue, sans cesse relancée par de nouveaux rebondissements nous emporte.

Ce roman proliférant, merveilleux, révèle les contrastes et les contradictions de l’Amérique latine encore très marquée par le colonialisme ibérique auquel se mêle l’exotique des traditions, des croyances et des superstitions locales ancestrales. La rage de vivre de ces descendants d’aventuriers, la violence des rapports humains dans une nature qui peut être à la fois paradis et enfer imprègne le récit.

24 mai 2010

Jules RENARD - Le Journal - Biographie - Bibliographie

L'AUTEUR:

 Jules RENARD (Châlons-sur-Mayenne, 22 février 1864~Paris, 22 mai 1910) a commencé à écrire son journal en 1887 et l’a tenu jusqu’au 6 avril 1910, quelques semaines avant sa mort.

Jules RENARD est renommé en littérature pour son personnage Poil de Carotte, enfant non désiré et mal aimé de sa mère, héros du livre éponyme paru en 1894 et adapté au théâtre en 1900. Auparavant, il avait fait paraître l’Écornifleur. [Ces récits réalistes par leur sujet... offrent des croquis rapides et mordants où l’ironie se teinte de tendresse][1]. Élevé dans le Morvan, on trouve cette présence de la campagne morvandelle dans les Histoires naturelles (1896), sans doute son chef-d’œuvre [où ce « chasseur d’images » manifeste l’acuité de son regard à l’égard du monde animal dont il donne une interprétation poétique, parfois précieuse, parfois épigrammatiques][2].

Attiré par le théâtre, il a écrit de courtes comédies inspirées d’un naturalisme psychologique plutôt que social comme Le Plaisir de rompre (1897), Le Pain de ménage (1898), l’adaptation dramatique de Poil de Carotte (1900), Monsieur Vernet (1903) dans lesquelles le pessimisme et l’amertume se résolvent en humour et en cruauté.

Le Journal est indissociable de l’œuvre de Jules RENARD, certains disent qu’il est supérieur à son œuvre, ce qui est sûr c’est qu’il éclaire son œuvre.

Pour plus de renseignement sur sa biographie et sa bibliographie, suivre ce lien

 


 

QUELQUES NOTES ET REMARQUES PERSONNELLES

à propos de ce journal

 

L’écrivain : J.RENARD confie à son journal le malaise qu’il ressent devant la page blanche, son souci du langage et du style, ses recherches, ses scrupules, ses doutes, ses déceptions, ses corrections. Il y porte ses notes et remarques de lecture des grandes œuvres.

Il cherche à se situer dans la littérature et l’art dramatique et aussi par rapport aux écrivains de son époque.

Il n’est pas question d’utiliser des trucs, de se laisser aller à la facilité, de flatter le goût du lecteur ou du spectateur ni celui de l’éditeur ou du directeur de troupe. Il se sert du style pour mêler le tragique et le cocasse, l’ironie et la lucidité, la tendresse et le pessimisme. Le métier d’écrire est une épreuve sérieuse et grave. Il dit : « Mon style m’étrangle. »

Il n’invente pas de sujet, ni pour ses récits, ni pour son théâtre. Il se sert seulement de sa vie, fait peu de voyages et a peu d’excitations extérieures.

Une partie de sa vie est parisienne, c’est dans la capitale qu’il peut rencontrer les écrivains, échanger, se mesurer, se comparer avec eux. Il a l’ambition de devenir un grand auteur mais il est lucide quant à ses limites. 

 

Le témoin de son temps : S’il veut vivre de sa plume, il faut habiter une partie de l’année à Paris, se faire connaître, aller au-devant des éditeurs, des directeurs de théâtre, écrire des articles dans les journaux littéraires, faire des conférences, autrement dit, placer sa copie. Ces rencontres sont une source d’inspiration qui donne une succession de réflexions cruelles ou plaisantes sur les artistes et les écrivains du temps, l’ambiance des salles de rédaction, les coulisses des théâtres.

 Il trace des portraits de ses amis, des personnages qu’il fréquente, rapporte des propos tenus au cours de réunions, de banquets ou de repas, relate les conversations avec ses amis, raconte les répétitions de ses pièces, parle de ses rencontres avec Jaurès et Léon Blum.

Il se promène dans Paris sur le boulevard, au parc Monceau, est aux enterrements de ses contemporains décédés, assiste à des représentations théâtrales.

Jules RENARD vit aussi à la campagne. La nature qu’il décrit n’est pas une construction de l’esprit. Il observe les animaux, les éléments, la lune les sites. « Chasseur d’images », il en donne des instantanés, des interprétations poétiques, parfois précieuses, souvent anthropomorphiques. Les gens de la campagne morvandelle n’échappent pas à ses observations incisives et pénétrantes. Ni romantisme, ni réalisme complaisant dans ces scènes de la vie réelle parfois banales ou sordides, mais une succession de tableaux impressionnistes qui nous donnent une idée des conditions de vie du monde paysan avant la guerre de 1914, beaucoup mieux qu’un exposé ethnologique.

 

La famille : Son père, son frère font partie de son univers jusqu’à leur décès. En filigrane, il se reproche de ne pas être plus proche d’eux. Il est affecté par leur mort. Le suicide de son père est l’occasion pour lui de se poser des questions existentielles et de réflexions sur sa propre destinée. Sa mère, inchangée, est un objet d’étude, il accompli envers elle son devoir, ni plus, ni moins, il s’en protège en gardant ses distances. Dans cette mesure elle le laisse indifférent. Quant à sa sœur, elle est peu évoquée dans son journal. Il note des situations qu’il imagine dans lesquelles Poil de Carotte, Monsieur Lepic, Madame Lepic sont les héros, morceaux qu’il pourrait utiliser pour son œuvre.

L’image qu’il donne du couple qu’il forme avec Marinette est paisible. C’est une épouse attentive, compréhensive, apaisante, attentionnée, équilibrante pour lui, le tourmenté qui vit dans un doute constant.

Il rapporte dans le journal, quantité de mots de ses enfants (surtout de Baïe) dont il semble qu’il ait été très proche bien qu’il regrette de ne pas arriver à être plus intime avec son fils, Fantec. Son anxiété ses angoisses et ses inquiétudes lors de la maladie de sa petite fille est évoquée avec pudeur, on ne peut que compatir.

 

Les femmes : Dans son univers, il y a deux sortes de femmes : les « bonnes femmes » (dans le sens de femmes vertueuses et bonnes ménagères) et les « grues ».

Nombre de fois, il fait allusion au désir de femmes qu’il éprouve, mais il refuse de se laisser aller à la tentation. Jules RENARD qui n’était pas un homme de compromis et qui détestait les situations fausses, préférait surement assumer la frustration qui lui permettait de se consacrer à l’écriture.

Certains portraits de femmes sont particulièrement cruels. Il y fait souvent allusion aux odeurs corporelles qu’elles dégageaient qui était loin d’être en leur faveur.

 

La politique : Jules RENARD était dans le camp dreyfusard. À travers son témoignage, on perçoit combien cette affaire a divisé l’opinion entraînant des rancœurs farouches qui ont perduré bien après la réhabilitation du capitaine puisqu’il en fait encore référence à propos des réunions de la Société des Auteurs et de l’Académie Goncourt, les dernières années de sa vie. Il reproduit des propos anti-juifs tenus par des écrivains qu’il côtoie. Lui-même, malgré ses idées progressistes, caractérise certains comportements, attitudes, caractères physiques de Schwob, Mendès par le fait qu’ils appartiennent à « la race juive ». L’oppression du début du XXème siècle est en marche. 

 

Il se dit libre-penseur, il est même anticlérical. Il est maire de sa commune au moment de la séparation des églises et de l’État. Ses portraits des curés de campagne les présentent comme ignares, bornés, obscurantistes. Les deux partis se radicalisent de part et d’autre, dans une lutte ouverte s’exprimant par un sectarisme intolérant.

Il fréquente Léon Blum, est présenté à Jean Jaurès, assiste à un meeting, nous fait part de la création et des débuts du journal l’Humanité, y écrit des articles. Il se dit socialiste.

Mais il s’interroge sur la sincérité de son engagement qui devrait, pense-t-il, l’amener à tout partager, à renoncer à la vie bourgeoise qu’il mène avec sa famille et à laquelle il se sent attaché.

 

Les honneurs : Jules RENARD est sensible aux honneurs. L’épisode de l’attente, de l’obtention de la Légion d’Honneur. Ses nombreuses allusions au port de sa décoration, au fait qu’elle soit ou non remarquée de ses interlocuteurs, sa quête d’une reconnaissance admirative et que la porter l’engage dans un type de comportement, le prouvent.

Il aime être reconnu en tant qu’écrivain célèbre par ses ouvrages, mais s’il est vaniteux, il n’en est pas moins lucide dans la manière ironique dont il relate l’ignorance ou les confusions dont il est victime.

Il aurait aimé être élu à l’Académie française, il est quelque peu déçu de devoir se contenter de l’Académie Goncourt.

 

L’homme face à lui-même : Jules RENARD fait une introspection sans concession où se mêlent ironie, humour et nostalgie dans laquelle il est aussi sévère qu’il l’est pour autrui.

 

La mort : Elle est constamment présente dans son Journal. Elle est là, bien sûr, quand il est endeuillé, quand il accompagne le cercueil d’un ami ou d’un confrère, elle rôde et frappe dans les campagnes mais l’idée de la mort lui est familière. Vivra-t-il longtemps ? Aura-t-il le temps de laisser une œuvre ? Comment se présentera-t-elle ? Mettra-t-il fin lui-même à ses jours ? Il pense souvent au suicide et écrit que ce qui le retient, c’est la détresse de ses proches que provoquerait un tel geste.

Il parle plusieurs fois de la publication de son Journal, c’est surtout par lui qu’il survit encore aujourd’hui.

 De nos jours, le Journal, considéré comme un chef-d’œuvre du genre par de nombreux spécialistes, est programmé régulièrement pour des séances de lecture d’extraits choisis. Ce genre de production a été entre autres auditions organisées en province par d’autres troupes, à l’affiche du théâtre Hébertot à Paris mis en scène par Jean-Louis Trintignan, avec Jean-Louis Bérard Manuel Durand, Joëlle Bellemonte.

 

 

 


 

[1] Le Petit Robert des Nom Propres 2004

[2] Idem

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6 mai 2010

AÏTMATOV Tchinghiz – Djamilia

AÏTMATOV Tchinghiz – Djamilia

 

Nous sommes au Kirghiztan pendant la Seconde Guerre Mondiale. Les habitants de l’aïl (le village), jadis nomades, vivent désormais dans des maisons depuis la collectivisation. Cette sédentarisation subie n’empêche pas la mère de Seït , le jeune narrateur d’à peine quinze ans, d’installer, au milieu de la cour de l’enclos, la yourte de nomade fabriquée par le père dans sa jeunesse et de l’enfumer avec du genévrier. L’enclos cerne deux maisons. Le narrateur habite la Grande maison avec ses parents, ses deux frères ainés et sa petite sœur. Dans la petite maison, vit une veuve de la parentèle, que le père a dû épouser suivant la coutume de la tribu, et ses deux fils dont l’un, Sadyk s’est marié avec Djamilia. Dès l’aube, le père, un homme effacé, « fait sa prière tourné vers La Mecque avant de se rendre dans son atelier de Charpentier jusque tard dans la soirée ». « La mère première », remarquable ménagère régente harmonieusement les deux demeures qu’elle entretient avec sa petite fille, veillant à la bonne entente de tous.

 

 

Comme tous les hommes de l’aïl en état de porter les armes, les deux ainés de la Grande Maison et les deux fils de la Petite Maison sont mobilisés au loin pour défendre l’Union Soviétique envahie. « La mère seconde », Damilia, les femmes de la tribu, même les enfants comme le narrateur travaillent au kolkhoze.

 

Cet été là, Djamilia est chargée, tout comme Seït, de conduire les chariots qui transportent les récoltes jusqu’à la gare la plus proche du village. Le brigadier leur adjoint un homme qui rentre des combats avec une blessure. Danïiar est son nom. Orphelin, il avait quitté l’aïl dans son enfance. Cet homme taciturne intrigue le jeune garçon. Au fur et à mesure de leurs équipées, Seït découvre en lui un étrange contemplateur de la Nature. Les chants de cet homme énigmatique expriment sa passion pour les grands espaces de la steppe et envoutent ses compagnons. Djamilia est belle, courageuse, joyeuse, taquine, insouciante mais triste et morose parfois. Elle reste fidèle à Sadyk enrôlé quatre mois après leurs épousailles.

 

L’expédition occupe tout le jour jusqu’à la nuit tombée. Les chariots (brichtka) aussitôt chargées, l’aller jusqu’à la gare, se fait sans perte de temps, afin d’arriver suffisamment tôt. Il leur faut alors décharger un à un les énormes sacs, les hisser à dos d’homme, gravir dans la file des autres porteurs l’escalier de bois étroit et raide et déverser leur contenu au sommet de l’immense tas de céréales. Le retour est plus détendu. Les cochers lancent d’abord leurs chevaux dans des courses folles. Le calme revenu, le chant ensorcelant de Danïiar qui s’élève dans le cadre grandiose offert par la nature exalte le romantisme des jeunes gens. Suivra encore l’entretien des chevaux qu’il faudra mener pâturer avant de s’écrouler fourbus sur une meule et dormir. Puis vient l’amour de Djamilia et de Danïiar. Subjugué, Seït, chargé de protéger sa belle-sœur des convoitises des jeunes hommes, se laisse prendre au charme de leur complicité. Il prend conscience de sa vocation artistique et découvre son amour de la vie. 

 

 

Tchinghiz AÏTMATOV écrit ici un livre édifiant : les hommes défendent courageusement la nation sur le front tandis qu’à l’arrière, les cadences de travail soutenues, les tâches les plus pénibles, les horaires les plus longs sont acceptés avec entrain par les hommes mûrs, les femmes et les enfants, pour seconder l’effort de ceux qui se battent. La société de l’aïl est archaïque bousculée dans ses traditions ancestrales dans laquelle la valeur de l’homme est liée à l’importance de son troupeau par la collectivisation et le sédentarisme imposé. Il montre leur courage et leur isolement. L’homme sans biens, qui a connu d’autres expériences, qui projette son regard au delà de l’horizon, Danïiar, symbolise l’avenir, l’ouverture, peut-être le progrès. Le couple qui s’éloigne ne peut trouver le bonheur qu’ailleurs, tout comme Seït qui apprendra plus tard le dessin et la peinture pour réaliser sa vocation.

 

Le lecteur se plait à lire les descriptions de la nature de ce pays à la fois rude est magnifique.

 

 On comprend qu’un tel ouvrage ait séduit Louis ARAGON, dont on a connu l’engagement au parti communiste, qu’il l’ait traduit en 1959 et l’ait qualifié de plus belle histoire d’amour. Si sa longue préface est intéressante pour sa présentation de l’auteur et du pays, la passion qu’il manifeste avec force détails pour l’intrigue, perturbe l’entrée du lecteur dans le roman. Ce dernier, émoustillé, attend plus que ce qui lui est offert. Il eut été préférable qu’il apporte son avis à la fin du livre

 

3 avril 2010

AÏTMATOV Tchinghiz - Les Rêves de la louve

Les Rêves de la louve est la traduction du titre original, Plakha, de ce livre est Le Billot.  La traduction  est de Christine ZEYTOUNIAN

Nous sommes au Kazakhstan. Le roman est constitué de trois parties. Celles-ci pourraient être autant de nouvelles distinctes reliées entre elles par l’imbrication du destin d’un couple de loups. Ce dernier poussé hors de leurs terrains de chasse originels par l’extension des activités humaines, a installé sa tanière dans la région escarpée qui borde la savane du Mujunkum. Leur aventure commence alors que les premières chutes de neige recouvrent la steppe. Le temps est venu pour la louve aux yeux bleus, Akbara, et son compagnon Tachtchaïnar d’initier leurs trois louveteaux aux grandes chasses. Les troupeaux de saïgas paissent la végétation qui dépasse encore de la poudreuse. Soudain, deux hélicoptères volant en rase-mottes et à grande vitesse, jettent la panique dans le troupeau d’antilopes des steppes, dans un vrombissement de tonnerre. Les loups à l’affut se trouvent entraînés dans le flot de bêtes terrorisées qui tentent d’échapper à l’opération d’extermination destinée à compléter le quota quinquennal insuffisant de viande demandé à la région.

Dans la première partie, nous suivons l’expédition d’un journaliste stagiaire dans cette savane du Mujunkum riche en chanvre sauvage dont les feuilles et le pollen ont de forts pouvoirs hallucinogènes. Pour enquêter sur la filière de cette denrée lucrative, Abdias s’est infiltré parmi les cueilleurs-trafiquants. Fils de pope, il se destinait à la religion. Excellent élève du séminaire, il est cependant mis à la porte en raison de ses prises de position jugées hérétiques par ses maîtres, sur la place de la religion dans la société. Devenu pigiste dans un journal, il compte sur ce reportage pour être titularisé. Abdias se révèle être un grand naïf un illuminé qui ne peut s’empêcher d’entreprendre la conversion des jeunes trafiquants à une vie meilleure, éveillant chez eux irritation et méfiance. Le jeune homme échappera miraculeusement à une mort probable après avoir été roué de coups et basculé hors d’un train sur le bord de la voie ferrée qui traverse les régions désertiques du Kazakhstan. Le reportage, apprécié par ses supérieurs dans un premier temps, ne paraîtra jamais.

Dans la deuxième partie, nous retrouvons Abdias engagé parmi les ramasseurs du gibier exterminé au cours de la traque évoquée plus haut. Incorrigible, le jeune homme, persuadé être porteur d’une mission rédemptrice, reprend ses tentatives moralisatrices. Victime de ses compagnons nourris de doctrine stalinienne et abrutis par la vodka, il refuse de renier Dieu et meurt à trente-trois ans, crucifié aux branches d’un arbre. Akbara, la louve, sera seule témoin de son dernier souffle.

La troisième partie nous mène au sein d’un sovkhoze d’éleveurs de yacks et de moutons, toujours dans cette région pastorale d’Union Soviétique. Barzarbaï, un berger ivrogne, de retour d’une expédition en montagne, découvre par hasard la tanière de Tachtaïnar et Akbara. L’homme s’empare des quatre petits qui l’occupent, leurs parents étant en quête de nourriture. La vente de ces louveteaux lui permettra de s’acheter de la vodka. En chemin, il fait étape à la bergerie dirigée par Boston où il se fait offrir à boire et exhibe son butin devant ses hôtes. Boston est absent. Il n’est pas encore rentré de la réunion du comité du sovkhoze pour lequel sa bergerie obtient les meilleurs rendements. Tout oppose Barzarbaï et Boston, l’un estime que le travail qu’il fournit à la collectivité est toujours bien suffisant tout en jalousant la réussite de l’autre qu’il juge trop zélé. L’un est alcoolique alors que l’autre est abstinent et le méprise pour sa dépendance à la boisson et sa négligence professionnelle.

La piste du kidnappeur de la portée de louveteaux a conduit la louve et son compagnon jusque chez Boston. De cet instant, leurs hurlements nocturnes plongeront les habitants de la bergerie dans la terreur.

Outre le harcèlement les loups et sa rancœur de l’inconséquence de Barzarbaï, Boston a des soucis au sein du comité du sovkhoze. Avec son franc-parler, il met en cause les exigences de rendements disproportionnés des commissions régionales. Ces propos sont mal reçus des apparatchiks du parti. À ces griefs s’ajouteront les médisances, les diffamations, les provocations de Barzarbaï. Boston, considéré comme réactionnaire est mis au banc de la communauté.

Tous les éléments d’un drame sont rassemblés...

 

LE CONTEXTE HISTORIQUE : Le livre est paru en 1986. Michaël Gorbatchev était alors secrétaire général du Parti communiste soviétique depuis la mort de Tchernenko en 1985. Conscient des faiblesses de son pays, Gorbatchev avait lancé dès 1985~1986, un ambitieux programme de réformes connu sous le nom de perestroïka (restructuration). Ses initiatives telles que la suppression du parti unique, la démocratisation de la presse, l’amorce d’une réforme économique reconnaissant le rôle du marché et la propriété privée, rencontrèrent de vives résistances.

AÏTMATOV se permet d’aborder dans ce roman, avec ses dons de conteur, certains problèmes de l’URSS considérés comme tabous, la corruption, l’ivrognerie, la drogue, la délinquance organisée, la censure sur la presse, la place de la religion, l’héritage culturel des hommes. Il souligne le côté pervers du dogmatisme du Parti et de la collectivisation démobilisatrice, les conséquences sur les relations humaines et la Nature de plans quinquennaux trop ambitieux ou irréalistes conçus par des apparatchiks coupés du peuple.

En faisant d’Abdias un héros de son récit, il pose aussi le problème de la place de la religion dans le pays. Qu’en serait-il aujourd’hui du destin de Jésus-Christ, s’il refaisait un passage parmi les hommes, dans le monde actuel ? AÏTMATOV apporte une réponse pessimiste mais certainement réaliste.

ColineCelia

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