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3 avril 2010

AÏTMATOV Tchinghiz - Les Rêves de la louve

Les Rêves de la louve est la traduction du titre original, Plakha, de ce livre est Le Billot.  La traduction  est de Christine ZEYTOUNIAN

Nous sommes au Kazakhstan. Le roman est constitué de trois parties. Celles-ci pourraient être autant de nouvelles distinctes reliées entre elles par l’imbrication du destin d’un couple de loups. Ce dernier poussé hors de leurs terrains de chasse originels par l’extension des activités humaines, a installé sa tanière dans la région escarpée qui borde la savane du Mujunkum. Leur aventure commence alors que les premières chutes de neige recouvrent la steppe. Le temps est venu pour la louve aux yeux bleus, Akbara, et son compagnon Tachtchaïnar d’initier leurs trois louveteaux aux grandes chasses. Les troupeaux de saïgas paissent la végétation qui dépasse encore de la poudreuse. Soudain, deux hélicoptères volant en rase-mottes et à grande vitesse, jettent la panique dans le troupeau d’antilopes des steppes, dans un vrombissement de tonnerre. Les loups à l’affut se trouvent entraînés dans le flot de bêtes terrorisées qui tentent d’échapper à l’opération d’extermination destinée à compléter le quota quinquennal insuffisant de viande demandé à la région.

Dans la première partie, nous suivons l’expédition d’un journaliste stagiaire dans cette savane du Mujunkum riche en chanvre sauvage dont les feuilles et le pollen ont de forts pouvoirs hallucinogènes. Pour enquêter sur la filière de cette denrée lucrative, Abdias s’est infiltré parmi les cueilleurs-trafiquants. Fils de pope, il se destinait à la religion. Excellent élève du séminaire, il est cependant mis à la porte en raison de ses prises de position jugées hérétiques par ses maîtres, sur la place de la religion dans la société. Devenu pigiste dans un journal, il compte sur ce reportage pour être titularisé. Abdias se révèle être un grand naïf un illuminé qui ne peut s’empêcher d’entreprendre la conversion des jeunes trafiquants à une vie meilleure, éveillant chez eux irritation et méfiance. Le jeune homme échappera miraculeusement à une mort probable après avoir été roué de coups et basculé hors d’un train sur le bord de la voie ferrée qui traverse les régions désertiques du Kazakhstan. Le reportage, apprécié par ses supérieurs dans un premier temps, ne paraîtra jamais.

Dans la deuxième partie, nous retrouvons Abdias engagé parmi les ramasseurs du gibier exterminé au cours de la traque évoquée plus haut. Incorrigible, le jeune homme, persuadé être porteur d’une mission rédemptrice, reprend ses tentatives moralisatrices. Victime de ses compagnons nourris de doctrine stalinienne et abrutis par la vodka, il refuse de renier Dieu et meurt à trente-trois ans, crucifié aux branches d’un arbre. Akbara, la louve, sera seule témoin de son dernier souffle.

La troisième partie nous mène au sein d’un sovkhoze d’éleveurs de yacks et de moutons, toujours dans cette région pastorale d’Union Soviétique. Barzarbaï, un berger ivrogne, de retour d’une expédition en montagne, découvre par hasard la tanière de Tachtaïnar et Akbara. L’homme s’empare des quatre petits qui l’occupent, leurs parents étant en quête de nourriture. La vente de ces louveteaux lui permettra de s’acheter de la vodka. En chemin, il fait étape à la bergerie dirigée par Boston où il se fait offrir à boire et exhibe son butin devant ses hôtes. Boston est absent. Il n’est pas encore rentré de la réunion du comité du sovkhoze pour lequel sa bergerie obtient les meilleurs rendements. Tout oppose Barzarbaï et Boston, l’un estime que le travail qu’il fournit à la collectivité est toujours bien suffisant tout en jalousant la réussite de l’autre qu’il juge trop zélé. L’un est alcoolique alors que l’autre est abstinent et le méprise pour sa dépendance à la boisson et sa négligence professionnelle.

La piste du kidnappeur de la portée de louveteaux a conduit la louve et son compagnon jusque chez Boston. De cet instant, leurs hurlements nocturnes plongeront les habitants de la bergerie dans la terreur.

Outre le harcèlement les loups et sa rancœur de l’inconséquence de Barzarbaï, Boston a des soucis au sein du comité du sovkhoze. Avec son franc-parler, il met en cause les exigences de rendements disproportionnés des commissions régionales. Ces propos sont mal reçus des apparatchiks du parti. À ces griefs s’ajouteront les médisances, les diffamations, les provocations de Barzarbaï. Boston, considéré comme réactionnaire est mis au banc de la communauté.

Tous les éléments d’un drame sont rassemblés...

 

LE CONTEXTE HISTORIQUE : Le livre est paru en 1986. Michaël Gorbatchev était alors secrétaire général du Parti communiste soviétique depuis la mort de Tchernenko en 1985. Conscient des faiblesses de son pays, Gorbatchev avait lancé dès 1985~1986, un ambitieux programme de réformes connu sous le nom de perestroïka (restructuration). Ses initiatives telles que la suppression du parti unique, la démocratisation de la presse, l’amorce d’une réforme économique reconnaissant le rôle du marché et la propriété privée, rencontrèrent de vives résistances.

AÏTMATOV se permet d’aborder dans ce roman, avec ses dons de conteur, certains problèmes de l’URSS considérés comme tabous, la corruption, l’ivrognerie, la drogue, la délinquance organisée, la censure sur la presse, la place de la religion, l’héritage culturel des hommes. Il souligne le côté pervers du dogmatisme du Parti et de la collectivisation démobilisatrice, les conséquences sur les relations humaines et la Nature de plans quinquennaux trop ambitieux ou irréalistes conçus par des apparatchiks coupés du peuple.

En faisant d’Abdias un héros de son récit, il pose aussi le problème de la place de la religion dans le pays. Qu’en serait-il aujourd’hui du destin de Jésus-Christ, s’il refaisait un passage parmi les hommes, dans le monde actuel ? AÏTMATOV apporte une réponse pessimiste mais certainement réaliste.

ColineCelia

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