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20 novembre 2011

Sándor MÁRAI (1900~1989) – BIOGRAPHIE - BIBLIOGRAPHIE

Sándor MÁRAI (1900~1989) – BIOGRAPHIE - BIBLIOGRAPHIE

      Les vicissitudes politiques de la Hongrie, son pays d’origine, ont eu une influence déterminante sur la vie de.  Sándor MÁRAI est né le 11 avril 1900 à Kassa, alors ville Hongroise. À la suite du traité du Trianon le 4 juin 1920, celle-ci devient slovaque sous le nom de Košice. Sándor est l’aîné de quatre enfants, Sa famille appartenait à la bourgeoisie. Il suit des études d’art, à l’Université de Budapest.

     Sándor MÁRAI publie son premier recueil de poésies à 18 ans et collabore à un quotidien, puis écrit pour un journal communiste pendant la République des Conseils dirigée par Bela Kun (du 21 mars au 1er août 1919). À la chute de celle-ci, encouragé par ses parents qui craignent des représailles contre leur fils, il part en Allemagne où il entame des études de journalisme à l’Université de Leipzig et étudie la philosophie à Francfort et à Berlin, tout en écrivant des articles pour des journaux et des magazines.

     Il épouse Lola Matzner en 1923. Le couple s’installe à Paris où Sándor MÁRAI est correspondant de la Frankfurter Zeitung. En 1928, le ménage décide de rentrer à Budapest.

     Sándor MÁRAI est journaliste, poète, auteur dramatique, traducteur littéraire. Il écrit en hongrois, sa langue maternelle. Ses premiers romans, très bien accueillis, lui valent d’être encensé et adulé. Le premier, il découvre Kafka.

    Quelques semaines après la naissance de leur  fils Kristóf en 1939, les  MÁRAI perdent leur enfant. Le  couple, ne pouvant pas avoir d’autre enfant, adopte János.

     L’amiral Horthy devenu régent de Hongrie, depuis mars 1920, applique un régime autoritaire et conservateur allié aux régimes fascistes européens. Sándor MÁRAI, qui est antifasciste, poursuit cependant son travail d’écrivain pendant toute le Seconde guerre mondiale et ses romans sont appréciés. Il est élu membre de l’Académie Hongroise des Sciences.

     Le 19 mars 1944, son pays est envahi par l’Allemagne. Sa femme Lola ayant des origines juives, les Márai se cachent à la campagne pour échapper aux rafles nazies, puis aux exactions de l’Armée Rouge.

     Du 29 décembre 1944 au 13 février 1945, L’Armée Rouge fait le siège de Budapest. Un régime communiste, appuyé par les forces d’occupation, s’installe en Hongrie. Le dernier livre de MÁRAI est mis au pilon et l’écrivain est accusé d’être un « auteur bourgeois » et un ennemi de classe.

     Il décide de s’exiler à l’Ouest en 1948. Il vit d’abord en Suisse puis en Italie. En 1952, s’installe à New-York où il devient collaborateur de la Radio Free Europe de Munich comme journaliste des programmes hongrois avec une émission littéraire Sunday Letters.

     En 1968, il se retire avec son épouse à Salerne, près de Naples.

     En 1980, il retourne aux USA où il obtient la nationalité américaine et va vivre auprès de son fils János, à San Diego en Californie.

     Ses livres sont écrits en hongrois et ne sont publiés que par des maisons d’édition hongroise. Ils ne circulent en Hongrie que sous le manteau pendant toutes ces années d’exil. Traduite en langues étrangères,  son œuvre ne rencontre pas un grand succès.

     Son épouse, devenue aveugle, meurt d’un cancer en 1986, et son fils János décède l’année suivante à l’âge de 46 ans. Très éprouvé par leur mort, de plus en plus isolé, Sándor MÁRAI se donne la mort à San Diego le 22 février 1989.

     Huit mois plus tard, la fin de la République Populaire de Hongrie est proclamée.

   Pendant son exil, MÁRAI avait été oublié en Europe et en Hongrie, en dépit de quelques traductions en allemand et en espagnol. Son œuvre est redécouverte au début des années 90. En France, il est publié dans la collection « Les Grandes Traductions » par l’éditeur Albin Michel et rencontre un succès considérable. Sándor MÁRAI est traduit maintenant en nombre de langues et sa réputation littéraire est semblable à celle de Stefan SWEIG, de Joseph ROTH et d’Arthur SCHNITZLER.

   Sándor MÁRAI a reçu à titre posthume le Prix Kossuth, en 1990, la plus haute distinction hongroise.

SON ŒUVRE

     Sándor MÁRAI était journaliste, poète, auteur dramatique, traducteur littéraire et a écrit un récit autobiographique, « Mémoires de Hongrie » (1972), des journaux intimes (de 1943 à 1983) et des romans dont certains ont été traduits en français par l’éditeur Albin Michel.

La première date indiquée correspond à la première parution ; la seconde, à l’édition française.

-       Les Révoltés (1930, 1992)

-       Un Chien de caractère (1932, 2003)

-       Les Confessions d’un Bourgeois (1934, 1993)

-       Divorce à Buda (1935, 2002)

-       L’Héritage d’Esther (1939, 2001)

-       La Conversation de Bolzano (1940,1992)

-       Les Braises (1942, 1995)

-       Paix à Ithaque ! (1952, 2005)

-       Mémoires de Hongrie (1972, 2004) - Le sujet est l’arrivée des soldats soviétiques en Hongrie et les premières années de l’installation du pouvoir communiste par la force et ses années de disgrâce.

-       Métamorphoses d’un mariage (1980, 2006)

-   Libération (posth. 2000, 2007) – C’est l’analyse des comportements des habitants terrés dans les caves d’un immeuble pendant l’attente de l’issue des combats pendant les derniers jours du siège de Budapest par l’Armée rouge.

-       Le premier amour (2008)

-       Le Miracle de San Gennaro (2009)

-       L’étrangère (2010)

-       La sœur (2011)

Message de ColineCélia sur le roman de Sándor MÁRAI -  Les Braises (1995)

Sources: http://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A1ndor_M%C3%A1rai 


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13 novembre 2011

Sándor MÁRAI (1900~1989) - Les Braises(1942

Sándor MÁRAI (1900~1989) - Les Braises(1942

     Henri, un vieux général, s’apprête à recevoir Conrad, son ami de jeunesse qu’il n’a pas revu depuis son départ précipité à la suite d’une partie de chasse 41 ans plus tôt et dont il n’avait plus aucune nouvelle. Sa carrière militaire achevée, le vieil homme s’est retiré sur ses terres et vit seul dans une partie du château familial, isolé dans un immense domaine forestier.

     Enfants, Henri et Conrad se sont liés d’une amitié fraternelle très profonde,  à l’Académie militaire de Vienne. Comme ses congénères venus de toutes les parties de l’empire Austro-hongrois, Henri est un fils d’une grande famille hongroise. Son père est officier de la Garde impériale. Contrairement à ses camarades, la famille polonaise de Conrad est pauvre. Fonctionnaire méritant, son père a reçu le titre de baron tandis que sa mère appartient à une famille aristocratique ruinée suite au dépeçage du pays par les impériaux. Les deux amis sont inséparables et passent même leurs vacances ensemble. Conrad est reçu comme un fils par les parents d’Henri.

    Jeunes officiers, leur amitié passionnée reste un lien indissoluble malgré leurs différences de plus en plus marquées, de condition sociale et de caractère. Henri excelle dans les exercices physiques et la chasse, aime les revues et les parades militaire, la vie mondaine, la musique des bals viennois, les femmes légères et fait la bamboche. Conrad  n’a pas la vocation militaire, mais il s’efforce de son mieux être digne de l’ambition démesurée que ses parents ont mis en lui et pour laquelle ils se sacrifient. Le jeune homme mène une vie studieuse et sobre, refuse toute aide pécuniaire de son ami, souffre d’être son obligé. La musique est sa passion. N’a-t-il pas Chopin dans sa parenté ? Cette passion, il la partagera avec la mère française d’Henri, puis avec l'épouse de son ami. C’est Conrad qui a présenté Christine à son ami. Le père de la jeune fille était un musicien contraint par une infirmité à enseigner et à copier des partitions, qui a travaillé pour lui. L’amitié des deux hommes a continué avec ce mariage. Henri, qui n’a pas de sens artistique, considère d’abord leur goût pour la musique comme une marotte insignifiante. Peu à peu, il vivra leur communion musicale comme un langage hermétique qui l’isole, lui, qui a tant besoin de se sentir aimé. Cette passion pour initiés est en quelque sorte diabolique.

     Le vieil homme attend des réponses aux questions qu’il se pose depuis 41 ans, à propos d’une partie de chasse au cours de laquelle il a la certitude d’avoir perçu un geste manqué suivi du départ, sans explication, de son ami.

     La deuxième partie du roman a pour cadre une reconstitution du décor du dernier repas pris la veille de cette chasse.  Les deux vieillards revivent la soirée  en huis-clos autour du même menu. Christine est décédée depuis, mais son couvert est mis. Son fauteuil vide sépare les deux hommes installés devant la cheminée. Le vieux général expose le fruit de ses analyses sur la relation passionnelle qui le liait à son ami, sur sa perception au cours de cette chasse et sur ses découvertes à la suite de la fuite de Conrad. Après avoir abordé ce qu’il avait vécu aux tropiques pendant toutes ces années, tel un psychanalyste, Conrad, recentre sur le sujet l'exposé de son ami et relance régulièrement les explications du général. A quoi le Henri en veut-t-il venir ?

     Cet ouvrage présente les caractéristiques d’une tragédie classique :

-       unité de temps : L’action s’étend sur la même journée.

-       unité de lieu : le château d’un immense domaine

-    unité d’action : les retrouvailles de deux hommes qui furent des amis de jeunesse après 41 ans de séparation.

     Sándor MÁRAI, par une habile construction dramatique du roman, nous tient en haleine et attise notre réflexion. Qui dit passion dit aussi amour, possession, chantage, jalousie, haine, rupture, suicide, meurtre...

     Le sujet du livre n’est pas politique, mais l’Histoire et les évènements politiques d’Europe centrale de 1860 à 1940 sont en filigrane. On pourrait cependant avoir l’audace de considérer cette histoire aussi comme une métaphore les illustrant. Le capitaine de la Garde, et le vieux général seraient représentatifs de la grandeur, la richesse, le prestige, la culture, la puissance de l’Empire Austro-hongrois assemblant et protégeant de multiples nations. Christine et Conrad représenteraient ces pays aux traditions si différentes que seul, l’empire unit. La langue régionale, la musique et les danses folkloriques les aident à se ressourcer. Ces singularités exotiques, d’abord considérées comme vénielles par le pouvoir central, deviennent un mode de ralliement, un langage ésotérique inquiétant et finalement le véhicule de l’aspiration de ces peuples à l’autonomie, à l’indépendance. Ce mouvement débouchera sur leur révolte sanglante.

     La traduction de Marcelle et Georges Régnier donne un texte fluide agréable à lire permettant d’apprécier tout le talent de l’écrivain Sándor MÁRAI.

 

6 novembre 2011

Mustapha TLILI (1937) Un Après-midi dans le désert (2008)

Mustapha TLILI (1937) - Un Après-midi dans le désert (2008)

     Le vieil autocar poussif qui dessert, depuis la capitale lointaine, chaque semaine en principe, le village de La Montagne du Lion, apporte dans ses soutes le gros sac gris du courrier. C’est aujourd’hui qu’arrivent les nouvelles et les mandats de fin de mois adressés par les enfants exilés à leurs vieux parents restés au pays. Sam, le facteur, a devant lui tout cet après-midi caniculaire de juillet 1992 pour préparer, dans la pénombre du bureau de poste, la tournée qu’il n’entamera qu’à la fraîcheur du soir. Parmi toutes ces lettres, une d’elles lui est adressée, à lui, Sam. Une lettre de « Petit-Frère », son ami d’enfance, le fils cadet d’Horïa El-Gharib, « Tête Brûlée » que tous croyaient disparu ! Sam a tout de suite reconnu sa petite écriture fine, appliquée, sous le timbre pakistanais. Il n’est pas pressé d’ouvrir l’enveloppe qui protège « la vérité », un message attendu, mais dont il redoute les révélations.

     Grillant cigarette sur cigarette, Sam se remémore l’amitié qui le liait autrefois à « Petit-Frère ».  Il a tant changé depuis. Ne lui a-t-il pas tenu des propos blasphématoires lors de sa dernière visite ? Et que penser de son comportement envers lui, son ami, cette nuit-là en traversant le cimetière ! Et voilà que pour tous, lui, l’apostat, est devenu « Tête-Brûlée », combattant l’Occident par le monde, au service des causes extrémistes !

     Sam laisse défiler dans l’atmosphère sombre et enfumée du bureau de poste les péripéties des quinze années qui ont précédé le départ des Français, et les grands évènements qui ont bouleversé le village les trois décennies suivantes.

     Au pied des Montagnes Bleues, village désolé, tantôt proie d’une chaleur d’enfer, de la sécheresse de la steppe et de la poussière du Sahara, tantôt ravagé par les éléments déchaînés, abandonné de tous, perdu à la lisière du désert, la Montagne du Lion a bien changé aussi ! Les riches jardins, les arbres ployant sous les fruits, les fleurs exubérantes, la végétation luxuriante ont dépéri depuis que la petite rivière a été détournée. Les aléas climatiques, les errements économiques, politiques et maintenant la menace islamiste, ont eu raison du village de son enfance, du temps des Français, avant la catastrophe. Les squelettes secs des magnifiques peupliers du quartier européen de La Source en restent les seuls témoins.

     En ce temps là, dès l’heure de l’apéritif, la clientèle des habitués se présentait à l’Hôtel des Peupliers tenu d’une main de fer par Mathilde, la veuve Garnier. Le jeune Bédouin rescapé de l’enfer du désert, Hafnawi, promu gigolo de la patronne servait au bar cochant scrupuleusement sur une ardoise les consommations des légionnaires. Souvent ces derniers ne rentraient à leur base qu’au lever du jour. Une partie importante de la vie sociale des expatriés français, des fonctionnaires pour la plupart, se déroulait dans la grande salle du bar et sous la véranda.

     Perplexes, les autochtones, employés, domestiques, observaient avec un intérêt discret l’évolution des amours, des tensions, des jalousies, des espoirs, des déceptions des habitants de La Source. Le narrateur nous rapporte les confidences d’Hafnawi sur cette époque d’avant la grande catastrophe. Témoin d’abord muet, le Bédouin prendra place petit à petit dans le microcosme des initiés jusqu’à en devenir un élément privilégié avec l’irruption dans la vie du groupe de la nouvelle épouse de l’instituteur Monsieur Bermann, Ursula.

 *****

     Sous couvert d’un roman anodin d’amour et d’adultère, le récit de Mustapha TLILI est une chronique subtile de cinquante ans d’un village qu’on peut imaginer se situer dans le sud-est algérien.

    Une succession de cultures ont tenté de s’imposer en Algérie depuis l’origine des temps. Horïa El-Gharib, descendante de savants-guerriers venus d’Andalousie, le sait bien elle, qui a hérité de riches manuscrits de ses ancêtres fondateurs de La Montagne du Lion.

      Les habitants de l’Algérie française se concentrent en communautés bien distinctes. Les Européens vivent à La Source. Les Indigènes habitent le village ancien au-delà des cimetières.

 « ...il y avait à l’époque, à la Montagne du Lion, trois centres de pouvoir : la poste et monsieur Ménard, la gendarmerie et Monsieur Faure, l’hôtel des Peupliers et la « veuve Garnier » ; il y avait aussi, mais à part, la mosquée et l’imam Sadek. »

    Les groupes ne sont pas complètement étanches : les gens de la Montagne descendent des douars et les  bédouins nomades du désert échangent leurs produits au marché hebdomadaire et animent les grandes fêtes régulières où les Françaises achètent de magnifiques bijoux artisanaux et de superbes tenues traditionnelles bédouines. Le personnel de l’exploitation apprécie l’humanité du colonel Garnier le propriétaire pied-noir et se réjouit de son retour des camps nazis. Mathilde et le régisseur corses sont au contraire les modèles des abus tyranniques de certains colons. La vigilance et la sagesse du vieux Mokthar en font le médiateur entre les employés et la patronne de l’Hôtel des Peupliers. Ses interventions prudentes calmeront les angoisses et les fureurs de Mathilde dans sa relation avec le jeune Bédouin. Des élèves indigènes, les fils d’Horïa, sérieusement préparés par l’instituteur, Monsieur Bermann, ont été reçus premiers au concours d’entrée en sixième, ce qui lui vaut la confiance et le respect de toute leur communauté.

     La société des expatriés français n’a pas plus d’unité. Du brouhaha des conversations entremêlées émergent des bribes d’entretiens, des réflexions inquiètes ou critiques sur la politique de Mendès, un juif comme Bermann, qu’on n’aime guère semble-t-il. Pour ce dernier, Hafwani n’est qu’«un indigène aux origines pittoresques».  Certains comme Monsieur Ménard, le receveur des postes et Monsieur Faure, le chef de la gendarmerie, apprécient la culture ancestrale, la richesse morale d’Horïa, le courage et la ténacité de  Sââd, le Nubien mutilé dans les combats de Monte Cassino ainsi que la sagesse de Mokhtar avec lesquels ils aiment s’entretenir. Lucides, ces deux hommes perçoivent la fin inéluctable de la présence française. Ils imaginent que ces gens de valeur auront une place majeure dans la construction de leur nation. Hélas, l’Histoire évoluera différemment !

     Depuis l’Indépendance de l’Algérie, un discours manichéen exclusivement négatif est répandu sur la période coloniale française. Autant cette dépréciation est compréhensible en Algérie où les jeunes pouvoirs successifs ont eu besoin de trouver une assise, autant surprennent, le dénigrement systématique de cette époque de l’histoire de France et la « repentance » globale affichés par les instances politiques et relayés auprès du public par les milieux intellectuels et médiatiques français. Cette attitude « officielle » couvre-t-elle, sous cette simplification extrême, une complicité tacite pour les uns qu’éclairera dans encore nombre d’années, l’ouverture de dossiers classés secrets¹ ou pour les autres une ignorance de la complexité des faits et de la société algérienne aussi bien européenne qu’autochtone de la fin de la Seconde Guerre Mondiale à l’Indépendance du pays? Mustapha TLILI a le mérite de nous présenter ce passé avec plus de distance et de sérénité.

*****

 L’AUTEUR :

     Mustapha TLILI est né en Tunisie  en 1937. Il est parti très tôt à l’étranger après ses études secondaires. Sa carrière professionnelle s’est déroulée entre Paris et New York où il était fonctionnaire aux Nations Unies. Il est  chercheur à l’Université de New York et fondateur du Centre pour le Dialogue de l’Université de New York. 

 

    Sa carrière littéraire a commencé avec la parution en 1975 de La Rage aux tripes puis s’est poursuivie avec Le Bruit dort en 1978 et Gloire des sables (1982) qui fait une description prémonitoire de l’instrumentalisation d’un Américain d’origine algérienne tout à fait intégré aux États-Unis, son pays d’adoption, et sa transformation en terroriste.

     Il participe aux collectifs Pour Nelson Mandela en 1986.

     La Montagne du Lion sort en 1988. En 2008, vingt ans plus tard la Montagne du lion servira à nouveau de cadre au roman Un Après-midi dans le désert qui a été récompensé la même année par le Comar d’Or en langue française.

     Un Après-midi dans le désert a été traduit en langue arabe par Slaheddine Boujeh, puis paraissait l’année suivante en Tunisie la traduction de Gloire des sables par le Centre National de la Traduction.

Note :

¹Voir à ce sujet l’article d’Arnaud Folch n° 3910 du 3 au 9 novembre 2011 du magazine « Valeurs Actuelles » à propos de l’ouvrage d l’historien Jean-Jacques Jordi Un silence d’État, les disparus civils européens de la guerre d’Algérie paru en 2011, chez Soteca-Belin (200 pages, 25€)

Lien:

http://www.afrik.com/article14877.html

 

 

23 octobre 2011

CANNIBALE (1998) - Didier DAENINCKX (1948)

Message complété le 28 janvier 2012

CANNIBALE (1998) - Didier DAENINCKX (1948)

Didier DAENINCKX est né à Saint-Denis en 1949. De 1966 à 1975, il travaille comme imprimeur dans diverses entreprises puis comme animateur culturel, avant de devenir journaliste pour plusieurs publications municipales et départementales.

 En 1983, il publie Meurtres pour mémoire(1984), première enquête de l’Inspecteur Cadin. De nombreux romans noirs suivent, parmi lesquels La mort n’oublie personne, Lumière noire (1987), Mort au premier tour, Un château en Bohème.

C’est un écrivain engagé à gauche. Il est l’auteur de plus d’une quarantaine de romans et de nouvelles. Œuvres

Cannibale est paru en 1998.

 L’HISTOIRE :

Elle est basée sur un fait réel, l’Exposition coloniale, en 1931, à Paris. Les différents pavillons ont pour cadre le zoo de Vincennes. Des groupes ethniques amenés de toutes les colonies françaises sont chargés de l’animation de l’Exposition en présentant au public leur culture ancestrale, afin de montrer l’action « civilisatrice » de la métropole auprès des populations « pour gagner à la douceur humaine les cœurs  farouches de la savane, de la forêt ou du désert… ».

Quelques jours avant l’inauguration officielle, tous les crocodiles meurent dans le marigot, victimes d’une nourriture inadaptée ou d’un empoisonnement. Pour remédier à la catastrophe, une solution est négociée par les responsables de l’organisation : des Canaques seront échangés contre autant de sauriens appartenant à un cirque allemand, le cirque Höffner de Francfort-sur-le Main, afin de renouveler l’intérêt du public allemand.

En s’inspirant de ce fait authentique, Didier DAENINCKX situe son récit pendant les révoltes du peuple kanak dans les années quatre-vingt. Le héros, Gocéné, en route vers son village, est arrêté par un barrage de manifestants kanak. Caroz, un ami blanc, conduit la camionnette. Son ami est prié de rebrousser chemin. Avant de poursuivre sa route à pied, le vieil homme raconte aux jeunes gardes du barrage, l’origine de son amitié avec Caroz.

Le récit de Gocéné permet de mettre en évidence que la présentation par les autorités locales en 1931 de l’opportunité d’un tel voyage vers la France, pour les 20 jeunes gens et les 10 jeunes filles choisis par le chef du village, se révèle très rapidement être une tromperie.

 L’expédition se fait dans des conditions indignes pour ces « invités » de la métropole : traversée maritime inconfortable, nourriture inadaptée, 3 d’entre eux victimes de la malaria jetés par dessus bord, au mépris des coutumes ancestrales. Arrivés sur le sol de la métropole, leur transfert immédiat de Marseille à Paris-Zoo de Vincennes est une plongée dans l’inconnu du monde urbain industrialisé, et de la campagne française, la découverte d’un climat surprenant.

Il n’est aucunement question de visite touristique. Au zoo, les rescapés sont enfermés dans le village canaque au milieu des animaux exotiques. Au mépris de leur culture ancestrale et chrétienne, on leur impose de « jouer » aux sauvages anthropophages, polygames, à demi-nus, selon l’imaginaire des tenants de la « civilisation ».

Minoé, la jeune fille qui était promise à Gocéné, fait partie du convoi destiné au zoo de Francfort-sur-le Main. Muni du pécule de la petite communauté, celui-ci, accompagné de Badimoin se lance à la poursuite de leurs congénères à travers Paris.

En  essayant de passer inaperçus, les deux hommes mettent à profit leurs capacités d’observation, leur entraînement à la marche, acquis dans l’île, pour se repérer, se diriger et survivre, pendant leur épopée dans les souterrains du métro et les rues de Paris.

C’est l’occasion, pour le lecteur, d’entrer dans la capitale des années 30, où les étrangers sont des provinciaux, où les portes de la ville sont encore en banlieue, où les habitants des colonies sont presque inconnus, bien qu’ils aient participé à la première guerre mondiale.

Si les fonctionnaires de l’exposition se montrent bornés et inhumains, les deux fugitifs trouveront de l’aide auprès d’un ancien soldat africain gazé à Verdun qui nettoie les couloirs du métro, Fofana.

 Alors que Badimoin vient d’être abattu par la police, c’est un passant, Francis Caroz qui protège Gocéné des balles des forces de l’ordre, ce qui lui vaut d’être condamné à 3 mois de prison pour rébellion à la Force publique.

Gocéné, après 15 mois de prison, retrouve ses frères d’exhibition au pays et peut alors épouser Minoé.

Son récit achevé, le vieillard reprend son chemin vers le creek. Soudain les hélicoptères des gendarmes survolent  et mitraillent la zone du barrage.

 

Que se passe-t-il à la fin ? Le lecteur peut avoir un doute : « Mon corps fait demi-tour » Gocéné a-t-il été touché par les tirs ou, sans prendre le temps de réfléchir, il fonce-t-il soutenir les jeunes sur le barrage ? Il semble que cette dernière hypothèse soit à retenir.

 

Dans ce petit roman, Didier DAENINCKX fait œuvre pédagogique en faisant prendre conscience au lecteur que les événements que nous vivons aujourd’hui, comme le ressentiment de certains descendants d’acteurs de faits peu connus du grand public envers la métropole et l’État français, sont parfois la conséquence du mépris, de l’ignorance voire de la sottise et de maladresses de l’État français et des hauts fonctionnaires des colonies.

Un ancêtre du footballeur Didier Karembeu (cité dans l’ouvrage) a fait partie du contingent expédié en Allemagne. On dit que ce dernier aurait tenu à se marier dans une île, en Corse, à grand renfort médiatique, plutôt qu’en métropole, pour marquer sa rancœur concernant le traitement vécu par son grand-père. Il témoignerait que ces personnes de retour au pays seraient restées silencieuses sur le sort qui leur a été réservé, tant elles se sont senties humiliées.

Ce livre nous permet de penser que le groupe canaque n’a pas été le seul groupe à subir une telle humiliation, des représentants de multiples ethnies venant de tout l’Empire français ayant étés exhibées au cours de cette Exposition coloniale de 1931.

 

Par rapprochement, on pense aussi, en lisant ce récit, aux enfants réunionnais placés par l’Assistance publique, en France dans des fermes du département de la Creuse, au milieu du XX° siècle  sur initiative de Michel Debré, pour juguler le manque de main d’œuvre et le dépeuplement dû à l’exode rural. Certains d’entre eux ont été traités avec affection comme les enfants de la maison, ont pu suivre des études et apprendre un métier, d’autres ont été maltraités, méprisés, ont servi de valet de ferme, tous ont été coupés de leurs origines, de leur culture, certaines fratries ont été éclatées.  À La Réunion,  on a présenté cet exil comme une chance pour ces enfants mais leur famille, parfois leurs parents, sont restés dans l’ignorance de leur devenir.

Quelques dates

1998, signature des accords de Nouméa : Reconnaissance de l’identité canaque, autonomie croissante, possibilité dans 15 ou 20 ans, d’accéder à l’indépendance.

Le 6 juillet, le Congré adopte le projet de loi constitutionnelle permettant de mettre en œuvre les accords de Nouméa.

Le 8 novembre, référendum en Nouvelle Calédonie : abstentions, 25%, approbation de l’accord de Nouméa, 71,87% (provinces du sud, 62,99%, Nord, 86,79%, îles, 95, 47%.

Janvier 2007, les nouveaux installés en Nouvelle Calédonie ne feront pas partie du corps électoral qui votera à ce futur référendum.

 

Pour en savoir plus :

 

Du 29/11/2011 au 3/06/2012, le Musée du quai Branly à PARIS présente une exposition dont le titre  est « Exhibitions, l’invention du sauvage »

 

Lien vers  la vidéo de bande annonce de l’exposition « Exhibitions, l’invention du sauvage » 

Image de la bande annonce

 

Large extrait de l’article du magazine « Valeurs mutualistes » magazine des adhérents MGEN n° 276 de janvier/février 2012 concernant cette exposition

 

L’article est signé par Laurence Bernabeu

 

‘’L’invention de l’Autre

 

Le travail réalisé par le Commissaire général, Lilian Thuran, et les deux scientifiques, Pascal Blanchard, historien et spécialiste des zoos humains, et Nanette Jacomin Snoep, anthropologue, relève d’un véritable pari. À travers près de 600 affiches, sculptures, photographies issues de musées du monde entier et de nombreuses projections de films d’archives, l’exposition démontre en quoi ces spectacles ont servi à la fois d’outils de propagande, d’objet scientifiques et de divertissement, influençant profondément la manière dont l’Autre est appréhendé depuis cinq siècles. « Du XVe au XVIIe siècle, avec les expéditions lointaines qui se multiplient, des hommes ont été exhibés comme objets de divertissement dans les cours européennes. Le difforme (nain, obèses, géants...) et le lointain sont alors assimilés Ils attirent parce qu’ils sont « différents » c’est à dire « pas comme nous ». Ce que l’on raconte avec ces images, c’est surtout comment l’Occident a voulu voir le monde : les exotiques sont les « autres » et ceux qui les fabriquent sont « ici », analyse Nanette Jacomin Snoep.

 

Une « industrie » du spectacle exotique

 

Un cap est franchi au XIXe siècle avec l’essor de la science qui prétend expliquer la diversité morphologique, grâce à des techniques anthropométriques raffinées, et situer les peuples sur une échelle de civilisation. Le concept de race est né. De la célèbre Vénus Hottente (1815) au pavillon anthropologique de l’Exposition universelle de Paris en 1889, les spectacles « ethniques » ou « racialistes » renforcent la croyance des occidentaux envers le progrès et leur supériorité.

 

« Cette mise en scène par les Européens des peuples exotiques est, par un jeu de miroir, une mise en scène d’eux-mêmes. Ces spectacles le convainquent qu’ils sont le degré le plus abouti de l’espèce humaine et de la civilisation, ce qui tombe plutôt bien en plein boom du colonialisme… », commente Pascal Blanchard.

 

La dernière période (1890-1940) montre comment aux États-Unis et en Europe, mais aussi dans les colonies elles-mêmes (Australie, Inde, Indochine…), les jardins d’acclimatation, les villages itinérants et les expositions coloniales ont connu une expansion sans précédent. Des centaines de millions de visiteurs se déplaceront pour voir les femmes à plateau, les aborigènes, les danseuses du ventre orientales, Buffalo Bill et sa troupe…

 

Souvent rémunérés mais vivant dans des conditions déplorables (des personnes sont mortes de froid, de maladie), ces figurants sont sommés de rejouer des pseudo-rituels et exposés dans des simulacres de villages et parmi les animaux exotiques. « Alors que l’on est en train de sortir de l’esclavage, le monde s’organise dès lors entre ceux qui vont être exhibés et ceux qui seront les spectateurs », conclut Pascal Blanchard.’’

 

Des Liens :

 Un entretien de Lilan Thuram avec Laurence Benabeu

http://www.mgen.fr/index.php?id=2188

 

 Sites :  du quai Branly : quaibranly.fr

 thuram.org

 Le racisme s'infiltrait partout:

Assiette de la faÏencerie de Gien - France 1875

Une assiette de la faïencerie de Gien. La marque correspond aux fabrications commencées en 1875

Cette assiette faisait partie d'un service de 12 assiettes portant chacune une illustration différente, du même acabit. Celle-ci porte le numéro 7 et la légende :"Des goûts et des couleurs, on ne peut discuter".

ColineCélia

Voir aussi :

Irène FRAIN (1950) - Les Naufragés de l’île de Tromelin (2009)

 

9 octobre 2011

Claude LANZMANN (1925) - Le Lièvre de Patagonie (Mémoires) (2009)

Claude LANZMANN (1925)

Le Lièvre de Patagonie (Mémoires) (2009)

 QUELQUES DONNÉES BIOGRAPHIQUES : Le Lièvre de Patagonie est consacré aux mémoires de Claude LANZMANN qui y rapporte les grandes lignes de  sa vie durant laquelle il s’est trouvé témoin, parfois acteur, d’évènements majeurs et a rencontré ou côtoyé des personnages qui ont marqué l’Histoire.

Les grands-parents paternels de Claude LANZMANN habitaient Paris, ses grands-parents maternels vivaient en région parisienne. Les uns et les autres avaient fuit les répressions antisémites d’Europe orientale et s’étaient spécialisés dans le commerce de mobilier ancien. Itzhak Lanzmann avait ouvert un magasin rue Drouot tandis qu’Yankel Grobermann  était devenu brocanteur, puis antiquaire.

Claude LANZMANN est né en 1925 à Paris. En 1937, ses parents Armand et Pauline (Paulette) divorcent. Dès lors, Claude, son frère cadet Jacques et la benjamine Évelyne vivent avec leur père et sa compagne Hélène successivement à Brioude (Haute Loire), à Paris où Claude fréquente le Lycée Condorcet, puis de nouveau à Brioude.

En 1943, Claude est l’un des organisateurs de la Résistance au lycée Blaise Pascal de Clermont-Ferrand. Il participera à la lutte clandestine urbaine puis aux combats des maquis d’Auvergne.

Après la Libération, Claude LANZMANN revient à Paris, reprend contact avec sa mère et Monny de Boully et entre en 1945 en Hypokhâgne au lycée Louis Legrand. Là, il se lie d’amitié avec Jean Cau.

En 1946, Le jeune homme interrompt la préparation des concours pour devenir le premier des secrétaires de Jean-Paul SARTRE et fait parallèlement des études de philosophie à la Sorbonne. Il sera désormais un fidèle compagnon de route de Simone de BEAUVOIR et de SARTRE qui vient de fonder la revue Les Temps Modernes (1945).

En 1947, il poursuit son cursus de philosophie  en Allemagne à Tübingen avec Michel TOURNIER et obtient l’année suivante un poste de lecteur à l’Université de Berlin. Il s’y trouve donc pendant le blocus de la ville (1948~1949).

De retour en France, Claude LANZMANN entre dans le groupe de presse de Pierre et Hélène Lazareff.

De 1952 à 1959, Claude LANZMANN devient le compagnon de Simone de BEAUVOIR et l’ami du couple SARTRE-BEAUVOIR et le restera jusqu’à leur mort. Il entre au comité de rédaction de la revue Les Temps Modernes.

En 1963, il épouse l’actrice Judith Magre.

Jusqu’en 1970, il partage son activité entre Les Temps Modernes dont il est aujourd’hui le directeur. Dès cette date, il se consacre exclusivement au cinéma en tant que réalisateur.

LE LIVRE : est consacré aux mémoires de Claude LANZMANN. Tout en le respectant en gros, l’ordre chronologique est quelque peu bousculé par des références à des évènements postérieurs à ceux développés ou inversement par des flash-back.

Dès le premier chapitre, partant du fait que les humains s’octroient le droit de donner la mort à d’autres êtres humains et surtout que, pour ce faire, imaginent des mises en scènes et des procédés allant du plus barbare, sanglant et terrifiant au plus raffiné, rapide et efficace, il précise le fil conducteur de son existence qui l’amènera à la réalisation de son grand-œuvre le film Shoah. Qu’éprouve la victime à l’instant de son exécution ? Telle est la question qui l’obsède.

Claude LANZMANN nous conte son enfance perturbée par une situation familiale peu commune à l’époque à laquelle s’ajoutent les conséquences de l’invasion allemande et des rafles antisémites. Le garçon a reçu une éducation libérale pendant laquelle il a eu l’occasion de rencontrer des personnes exceptionnelles, les relations de Paulette et Monny, la clientèle de ce dernier et ses pourvoyeurs en pièce rares ou en « vrais-faux » manuscrits, des professeurs éminents et ses condisciples à Khâgne.

Il nous parle de son admiration pour SARTRE et son œuvre. Nous le suivons dans le monde existentialiste de Simone de BEAUVOIR et Jean-Paul SARTRE.

Journaliste, il a eu des entrevues et des échanges avec des célébrités politiques, qui ont joué un rôle historique, ou au rôle artistique incontestable.

Il explique ses engagements politiques, son rapport avec le parti communiste, son opposition à la présence française en Algérie, sa signature du Manifeste des 121  contre la répression en Algérie et, paradoxalement, sa défense de la constitution d’Israël.

Il évoque la situation de Berlin occupé par les ex-alliés, la zone soviétique. Le blocus de la ville par les soviétique qui l’a amené à écrire un article qui parut dans Le Monde.

Au cours de ses voyages dans les nouveaux pays communistes, la Corée du Nord, la Chine, Cuba, il a pu mesurer la différence entre l’idéal attendu et la réalité de l’application sur le terrain. Il est vrai qu’à cette époque, ces nations avaient à mener leur reconstruction. Ils pouvaient encore invoquer l’excuse de leur jeunesse.

Et puis, ce sont  ses séjours en Israël, le premier en 1952, la préparation de son film Pourquoi Israël (1972) présenté aux USA alors qu’éclate la guerre du Kippour. Il y tournera aussi le film sur l’armée israélienne, Stahal (1994).

Claude LANZMANN nous explique son objectif  et la complexité de la réalisation de Shoa (1985) film  d’une durée de neuf heures et demie, auquel il a consacré onze années de préparation, à plein temps. Le thème des camps d’extermination sera repris avec Sobibór, 14 octobre  1943, 16 heures, son dernier film.

Il fait aussi allusion aux polémiques soulevées à la sortie de ses films sur Israël par ses anciens amis de l’époque Algérienne, à l’accueil réservé à Shoah, aux obstacles polonais pour diffusion de ce dernier en Pologne.

 

La revue Les temps modernes :

Présentation de la revue

Direction de la revue

À propos des films de Claude Lanzmann

Le film Shoah

Bande annonce du film Shoah

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2 octobre 2011

Marguerite DURAS (1914~1996) – ŒUVRE

Marguerite DURAS (1914~1996) – ŒUVRE

          Marguerite DURAS à été une écrivaine prolifique, romancière, auteur de théâtre, scénariste, chroniqueuse pour divers journaux et revues.

Les romans :

- Les Impudents (1937 puis 1943)

- La Vie tranquille (1944)

- Un Barrage contre le Pacifique (1950) évoque sa jeunesse en Indochine dans un récit autobiographique imprégné de réalisme.

- Le Marin de Gibraltar (1952)

 

- À partir  des Petits chevaux de Tarquinia (1953), elle s’oriente vers des œuvres en apparence statiques, où les personnages tentent d’échapper à la solitude pour donner un sens à leur vie par l’amour absolu (Dix heures et demie du soir en été, 1960 ; Le Ravissement de Lol. V. Stein, 1964 ; Le Vice-consul, 1966 ; L’Amour, 1971),

par le crime ou la folie (Moderato cantabile, 1958, Prix de Mai 1958 ; L’Amante anglaise, 1967).

 

Ses héroïnes vivent « sans savoir pourquoi », mais attendent « que quelque chose sorte du monde et vienne à (elles) ». Elles sont incapables de vraiment communiquer et sont contraintes de « rentrer dans le silence » (Le Square, 1955). Des dialogues apparemment futiles traduisent leur attente pathétique comme dans

- L’Après-midi de Monsieur Andesmas, 1962).

- Détruire dit-elle (1969)

- Abahn Sabana David (1970)

- L’Amour (1972)

- Vera Baxter ou les plages de l’Atlantique (1980)

- L’Homme atlantique (1982)

 

Avec l’Amant (Prix Goncourt, 1984 et Prix Ritz-Paris-Hemingway, 1986) et plus tard L’Amant de la Chine du Nord (1991), elle revient à l’Indochine des années 1930. Elle y exprime le paroxysme de la jouissance, la douleur de la mort et le désir de l’écriture.

- La Douleur (1985), recueil d’histoires, où l’autobiographie se mêle à la fiction, dont la plus longue, La Douleur raconte l’attente de Marguerite DURAS alors que son mari est enfermé dans un camp de concentration comme réfugié politique pendant la Seconde Guerre Mondiale. Dans ce récit, Marguerite lit les pages de son journal de cette époque qui décrit ses peurs, ses inquiétudes et ses envies de le retrouver. Elle réalise, à cette lecture,  qu’ils ne seraient plus les mêmes, que son amour pour lui serait modifié.

 

- La Maladie de la mort (1982)

- Les Yeux bleus, cheveux noirs (1986)

- La Pute de la côte normande (1986)

 - Emily L. (1987)

- Pluie d’été (1990)

- Yann Andréa Steiner (1992)

Des journées entières dans les arbres – Le Boa, Madame Dodin, Les Chantiers (1954), L’Homme assis dans le couloir (1980) sont des récits.

Elle a écrit aussi un conte pour enfants Ah ! Ernesto (1971)

 

Écrire (1993) : Dans cet ouvrage, Marguerite DURAS explique sa conception de l’écriture. Écrire est un besoin vital, qui lui permet de ne pas sombrer dans la folie. Qu’importe ce qui est écrit, pourvu que l’écriture suive le fil de la pensée sans modifier ce qui est produit.


Le théâtre :

Marguerite DURAS a donné entre autres

- Les Viaducs de Seine-et-Oise (1960)

- Le Square(1965)

- Les Eaux et Forêts

- La Musica (1965)

- Savannah Bay  (1962)

 

Elle a tiré des adaptations théâtrales de nombreux de ses romans, a collaboré à l’adaptation d’œuvres d’autres écrivains, pour le théâtre et a écrit des dialogues de film.

 

Les scénarios de films :

On y retrouve son art de l’ellipse et des sous-entendus :

- Hiroshima mon amour (Alain Resnay, 1959)

- Une aussi longue absence (Henri Colpi, 1961)

ainsi que dans ses propres films :

- Nathalie  Granger (1973)

- India Song (1974) En 1975, India Song a été récompensé par le Prix de l’Association française des cinémas d’art et d’essai à Cannes

- Des journées entières dans les arbres, Prix Jean Cocteau (1976)

 - Le Camion (1977)

 

Des articles, des textes choisis de Marguerite DURAS ont été compilés en recueils pour des revues littéraires et par divers éditeurs. Elle a préfacé des publications, participé a des émissions radiophoniques ou télévisées, prêté sa voix dans des productions cinématographiques.

La vie de Marguerite DURAS et son œuvre sont les thèmes d’études de nombreux auteurs d’ouvrages sur la littérature.

 Marguerite DURAS (1914~1996) - BIOGRAPHIE

UN BARRAGE CONTRE LE PACIFIQUE (1950) - Marguerite DURAS (1914~1996)

25 septembre 2011

Marguerite DURAS (1914~1996) - BIOGRAPHIE

Marguerite DURAS (1914~1996) - BIOGRAPHIE

     Marguerite DONNADIEU naît en 1914 en Cochinchine à Gia Dinh, près de Saigon. Son père, Henri, Professeur de mathématiques et sa mère, Marie, institutrice, enseignent en Indochine. Elle a deux frères aînés, Pierre et Paul. Son père a été nommé directeur de l’enseignement en Cochinchine, mais il doit rentrer en France pour raison de santé, en 1918. Il y décèdera en 1922.

     La vie de la famille s’effectuera entre des séjours en France (1922 à 1924, puis 1931) et des séjours en Indochine (1924 à 1930, puis 1932 et 1933) successivement à Phnom Pen, à Vinh Long un poste de brousse, puis dans la ville de Sadec où sa mère enseigne.

     En 1928, Marie Donnadieu met tout son argent dans l’achat d’une concession au bord du Pacifique et s’y installe avec Paul et Marguerite. Les terres qui lui ont été attribuées se révèlent incultivables. Ruinée, la famille quitte la concession.

     Marguerite est une excellente élève au lycée français de Saigon, où elle est entrée en 1929 et passe son second baccalauréat en 1932. 

    En septembre 1933, la jeune fille quitte définitivement l’Indochine pour venir faire ses études à Paris, à la faculté de droit et suivre parallèlement des cours de mathématiques spéciales. Après un intermède de six mois à l’Armée du Salut pour s’occuper des déshérités en 1935, elle s’inscrit à l’école des sciences politiques où elle a d’excellents résultats et une grande capacité de travail.

     Marguerite partage sa passion pour la littérature avec Jean Lagrolet avec qui elle a une liaison. Deux autres étudiants, Georges Beauchamp et Robert Anthelme sont amis du couple.

     En 1938, elle entre au ministère des Colonies. Elle épouse Robert Anthelme en 1939. En juin 1940, c’est l’invasion allemande, puis l’armistice du gouvernement de Vichy. Marguerite quitte d’abord Paris, démissionne du ministère et revient en septembre à Paris.

     Elle emménage avec Robert, rue Saint-Benoît et commence à écrire. En 1941 et 1942, Marguerite et Robert travaillent dans les ministères de la collaboration. Dès 1943, ils y font une résistance invisible. Ils s’engageront ensuite activement, faisant de l’appartement de la rue Saint-Benoît, un foyer de la Résistance et un refuge.

     En 1944, Marguerite entre au parti communiste et y milite activement. Robert est arrêté, déporté à Buchenwald (Il en reviendra en 1945 en très mauvais état). L’appartement de la rue Saint-Benoît devient un lieu d’intenses échanges et d’ouverture sur le monde.

     En 1946, elle divorce de Robert. En 1947, elle a un fils, Jean, de Dionys Mascolo, ami du couple, qui travaille chez Gallimard.

     En 1949, elle quitte le parti. Elle reste dans l’action politique et s’engage dans le combat des intellectuels contre le colonialisme au moment de la guerre d’Algérie. Elle fait partie des signataires du manifeste des 121 affirmant le droit à l’insoumission. Elle publie des articles dans les journaux tout en continuant son travail d’écrivain et écrit aussi pour le cinéma.

    Toutes ces années sont marquées par une création intense. Marguerite DURAS se signale par une grande indépendance de pensée et de mœurs. C’est une période d’excès, de virées nocturnes, de dépendance sexuelle avec l’écrivain Gérard Jarlot. Elle devient aussi dépendante de l’alcool.


Elle vivra désormais accompagnée par l’alcool et la dépression.

Les événements de 1968, replongent Marguerite dans un militantisme actif pour une mise à bas de l’ordre bourgeois.

Elle écrit pour le cinéma et devient réalisatrice.

En 1980, elle rencontre Yann Andréa qui l’accompagnera jusqu’à la fin de sa vie.

En 1982, en danger de mort, Marguerite accepte de faire une cure de désintoxication.

En 1984, alors que tous la disaient « finie », paraît son plus grand succès, l’Amant, récompensé par le prix Goncourt. C’est une renaissance. Même si son addiction à l’alcool se poursuit, un certain apaisement marque la fin de sa vie.

Elle meurt en février 1996.

UN BARRAGE CONTRE LE PACIFIQUE (1950) - Marguerite DURAS (1914~1996)

Marguerite DURAS (1914~1996) – ŒUVRE

18 septembre 2011

UN BARRAGE CONTRE LE PACIFIQUE (1950) Marguerite DURAS (1914~1996)

UN BARRAGE CONTRE LE PACIFIQUE (1950) - Marguerite DURAS (1914~1996)

      Marguerite DURAS se sert de l’expérience qu’elle a vécue en Indochine, dans sa jeunesse, pour y situer son récit dans les années vingt. La vie de colons blancs pauvres,  la misère de « petits blancs » grugés par l’administration coloniale, proies de la concussion des petits fonctionnaires, constituent le propos du roman.

    L’obsession constante de la mère et de ses deux enfants, Joseph et Suzanne, est trouver le moyen de se procurer de l'argent. La famille côtoie la population indigène misérable, décimée par les maladies et la faim, méprisée des riches blancs, qui, en eux, ne voient  qu’une masse à exploiter.

     Marguerite DURAS décrit la plaine de Kam,  zone reculée de l’Indochine française, belle mais hostile, entre l’océan et la forêt montagneuse. Des bagnards et des terrassiers indigènes au sort encore plus précaire et tout aussi misérable, ont construit la piste qui relie le bungalow de la mère et de ses deux enfants au petit poste avancé de Ram. Celle-ci est fréquentée par les chasseurs de gros gibier et de fauves. 

     L'auteure dépeint la grande ville coloniale, le va-et-vient des hommes d’affaire, les bordées de marins, l’hôtel de passe, la circulation de l’argent, les trafics, la classe des gens d’affaire (M. Jo, Barner, le couple rencontré en ville).

     Ce roman est centré autour de la mère. Les relations, qui lient la mère à son fils et à sa fille, comme celles entre le frère et la sœur, sont fusionnelles  et ambiguës. Nous suivons la lente agonie de la mère, l’émancipation des enfants qui se dégagent de sa tyrannie affective. Suzanne, adolescente, découvre son pouvoir sur les hommes et l’amour physique, tandis que Joseph part avec une femme.

××××××××××××

   On retrouve l’ambiance des récits d’auteurs américains comme Hemingway, Steinbeck, Caldwell:

  •     les dialogues dans une langue parlée autour de la recherche de l’argent, du mariage de Suzanne, de la vente de la bague…, comme la rencontre avec M.Jo à la cantine du père Bart à Ram.    
  •     Des retours en arrière bouleversent la chronologie du récit. La durée de la lutte de la mère contre les eaux, celle du séjour dans la grande ville et celle de la disparition de Joseph, prennent une durée indéfinie alors que ces évènements n’ont dû n’être que ponctuels. La répétition de scènes précises scandent le récit et brouillent la notion de temps.
  •      L’histoire s’organise autour de lieux décrits avec réalisme et une géographie vraisemblable. Le bungalow, la piste, le rac, la forêt, la cantine de Ram, la grande ville, l’hôtel central, l’Eden Cinéma sont autant de décors, qui créent un espace  symbolique favorisant l’expression du désir, du rêve, ou de la mort.
  •     Des objets, la Citroën, la Léon Bollée, le phonographe, le diamant, ont une importance significative dans le récit.
  •    Une grande place est attribuée à l’obsession, la violence, le désir des personnages. Lors de la première rencontre avec M. Jo et lors de la venue de l’inspecteur de l’administration, la conscience du tragique de la situation de la mère et des enfants et de leur impuissance face à des forces qui les dépassent s’exprime par un rire de désespoir démesuré, violent, grotesque.   

      M. DURAS révèle dans ce roman, des qualités qui lui serviront pour le théâtre et pour le cinéma.

       Un barrage contre le Pacifique a fait l'objet d'une adaptation cinématographique distribuée par Diaphana (2008). Il s'agit d'un film franco-belge réalisé par Rethy Panh,  tourné au Cambodge en 2007. Isabelle Huppert avait le rôle de la mère, Gaspard Hulliel celui de Joseph, Astrid Bergès-Frisley celui de Suzanne et Randal Douc était Monsieur Jo.

Marguerite DURAS (1914~1996) - BIOGRAPHIE

Marguerite DURAS (1914~1996) – ŒUVRE

 

28 août 2011

Alain PEYREFITTE (1925~1999) – L’Empire immobile ou le Choc des Mondes (1989)

 

 

Alain PEYREFITTE (1925~1999) – L’Empire immobile ou le Choc des Mondes (1989)

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Dans l’Empire immobile, Alain PEYREFITTE relate l’expédition en Chine de l’ambassade anglaise conduite par lord Macartnay (1737~1806)  du 26 septembre 1792 à  septembre1794, sous le prétexte de présenter les vœux du Roi d’Angleterre, George III (1738~1820)(1), pour le quatre-vingtième anniversaire de l’Empereur Qianlong (1711~1799)(2).

Il s’agissait de gagner les faveurs du Fils du Ciel et de son entourage par des cadeaux exceptionnels témoignant des réalisations scientifiques et techniques dont s’enorgueillissait le royaume anglais.

Mais, la finalité de la démarche consistait à :

·     obtenir la possibilité à l’East India Company (la compagnie des Indes orientales) de conquérir le marché chinois sans passer par le véritable racket exercé par la Guilde des marchands de Canton,

·     se faire attribuer, à cette fin, l’ouverture au commerce britannique de nouveaux ports, d’autres villes et de Pékin,

·     se faire céder une île sous juridiction britannique, où les marchands anglais pourraient résider toute l’année, et autoriser l’installation d’un ministre permanent à Pékin,

·     signer des traités bilatéraux favorisant l’extension des transactions de la compagnie aux autres contrées de l’Extrême-Orient.

La documentation :

Alain PEYREFITTE reconstitue l’odyssée anglaise à travers

-  les comptes rendus officiels de l’ambassadeur,

-  les récits de son secrétaire, John Barrow, et de son second, George Leonard Staunton,

- les journaux que tiennent les différents membres de l’expédition : Macartnay, lui-même, son garde du corps, Samuel Holmes, un des deux peintres de la suite, William Alexander, le précepteur allemand du page de l’envoyé de Sa Majesté britannique, Hans-Christian Hüttner, un conseiller scientifique de l’expédition, l’«Astronome » James Dinwinnie, et celui, quelque peu arrangé par un journaliste, d’Aeneas Anderson, le valet de lord Macarnay.

- La confrontation des différents points de vue de tous ces adultes, avec les écrits candides du jeune George Thomas Staunton, le fils de Sir George Leonard Staunton, choisi par Macartnay pour être son page, un enfant âgé de onze ans au moment du départ.

 S’ajoutent à toutes ces relations,

- la correspondance entre Macartnay et Henry Dundas, secrétaire d’État du gouvernement  de William Pitt le jeune,

- des lettres publiées ou inédites des jésuite présents à la cour de l’Empereur de Chine.

La vision chinoise de la visite de l’envoyé de George III est apportée par des extraits issus des microfilms des édits, des instructions et de la correspondance de l’Empereur signés par son principal ministre Heshen ou un de ses cinq Grands Conseillers ou les mémoires adressés par les mandarins à l’Empereur,  annotés en rouge de la  main-même de  Qianlong.

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Le récit : En termes clairs, à la portée de tous, l’auteur nous conte l’histoire de l’ambassade Macartnay. Il la partage en cinq parties chronologiques allant de son départ à son retour deux ans plus tard. Environ sept cent hommes à bord de trois navires, un vaisseau de soixante-dix canons, le Lion, un trois mâts de la Compagnie des Indes, l’Indostan et la corvette, le  Jackall, levèrent l’ancre  de Portsmouth. Le récit vivant du narrateur, ses tableaux colorés des paysages, invitent le lecteur à partager la vie à bord et goûter l’exotisme des étapes aux Canaries, aux îles du Cap Vert, à Rio de Janeiro, au cap de Bonne Espérance, à l’île d’Amsterdam (3), aux îles de la Sonde, à Java, Batavia (Djakarta), Tourane (Danang au Vietnam), Macao.

Macartnay met à profit les presque neuf mois de navigation à s’informer en lisant d’abondants récits de voyageurs et de missionnaires. Pendant ce temps, George Thomas Staunton, enfant doué, apprend le chinois avec les deux missionnaires catholiques Chinois, recrutés en Italie  avec lesquels, on communique par le truchement du latin. Les progrès du garçon seront tels qu’il sera l’interprète de l’audience de l’Empereur, à Jehol.

Alain Peyrefitte narre ensuite les péripéties rencontrées par le plénipotentiaire en mer de Chine orientale (Dung haï). Il rapporte le transbordement des cadeaux, la lente navigation du convoi de « yachts » sur canaux et fleuves vers Pékin, le Yuanming yuan (Palais d’Été). La réception aura lieu en Tartarie à Jehol, la résidence d’été de Qianlong. La longue caravane de cavaliers, de chariots et de porteurs d’une partie seulement de l’escorte et des cadeaux quitte Pékin, longe la voie impériale, franchit la Grande muraille, afin d’arriver à Jehol «...dans la première décade du huitième mois lunaire(4) » Les autres restent à Pékin où les astronomes  s’affairent au montage d’un des clous du tribut des barbares au Fils du Ciel, le planétaire d’Herschel.

Tout le long du périple, Macartney et les Staunton père et fils sont constamment l'objet de marques protocolaires les plus élevées. Les mandarins qui les escortent les gratifient de cadeaux fastueux tout comme leur équipage. La réception réservée aux visiteurs est pleine de faste. Les tractations se multiplient. Les mandarins chinois ne manquent pas de bonnes manières pour excuser la fin de non-recevoir opposée aux demandes sans cesse réitérées de l’ambassadeur. Les âpres discutions concernant le rituel autour du « kowtow » (neuf prosternations en frappant le sol avec le front), d’usage protocolaire, devant l’Empereur ou tout objet qui le représente, se règleront finalement par une génuflexion accompagnée d’un salut de la tête (neuf fois, écriront les Chinois et laisseront sous-entendre les écrits du jeune George Thomas).

À Jehol, Macartnay et sa suite ne seront reçus qu’en tant qu’envoyés d’un chef barbares venus d’au- delà des mers avec les représentants des peuples vassaux et des autres peuples barbares, pour apporter leur tribut à l’occasion du quatre-vingtième anniversaire de Qianlong. De faveurs commerciales, il ne sera pas question.

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Le retour sera précipité. Les cadeaux seront dédaignés. La retraite, qui s’engage par le Sud,  complètera le voyage initiatique de l’ambassade. Macartnay tentera en vain, de faire valoir ses prétentions, jusqu’à son dernier instant sur le sol chinois. L’échec est consommé. Il n’y aura plus qu’à reprendre la mer et peaufiner les comptes rendus de mission. La question du « kowtow » permettra de ne pas « perdre la face » à l’heure des bilans.

La vision anglaise :

Il ressort de ce récit que les Anglais pensent que leur culture et leur idée de la civilisation sont supérieures et incompatibles avec celles des Chinois. Appartenant à un peuple voyageur, navigateur hauturier, ils n’admettent pas que ces derniers se cantonnent dans leurs frontières, et pratiquent le cabotage le long de leur façade maritime. S’ils leur reconnaissent une grande ingéniosité pour compenser leurs retards techniques par la mise en action collective de l’inépuisable main d’œuvre, ils restent persuadés de leur supériorité. Chez eux, les fortunes se créent grâce à la révolution industrielle en plein essor. Le libéralisme est né en Angleterre. Après la théorie politique de John LOCKE (1632~1704) à l’origine du libéralisme et de la notion d’« État de droit », VOLTAIRE n’écrit-il pas dans Les Lettres anglaises, « Ceux qui méritent le nom d’infidèles sont ceux qui ont fait banqueroute. » ? Dans l’Empire du Milieu, les aristocrates sont les guerriers mandchous puis les mandarins lettrés chinois. Les marchands constituent la dernière classe de la société, très loin derrière les deux premières. Citoyens d’une monarchie parlementaire, ils ne voient dans les Chinois qu’un peuple livré à la merci d’un gouvernement absolutiste, centralisé, fondé sur des bases archaïques, dans lequel l’individu n’a pas d’existence. Nourris des lectures des philosophes des Lumières, pour eux, le bonheur individuel est lié au bonheur collectif. Ils ont laissé la tolérance prônée par les philosophes à Portsmouth et suivent d’un œil méprisant les cérémonies rituelles qui précèdent toute entreprise chinoise. Les préceptes de Confucius ? Des adages qui paralysent tout progrès ! Quant à la médecine chinoise, ils n’y voient que vaine subjectivité. Macartnay ne cherche pas à comprendre. La vision de la Chine qu’il transmet est négative. Il la juge incapable de progresser. Seul, l’emploi de la force pourra contraindre les Chinois à changer et s’ouvrir au marché britannique.

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La vision chinoise :

L’affaire du « kowtow » servira de prétexte aux uns et aux autres pour expliquer le fiasco politique et financier de l’ambassade. La lecture des instructions de Qianlong aux mandarins chargés de l’escorte de la pérégrination anglaise révèle que tout était perdu d’avance. Les Chinois échangeaient depuis le milieu du XVIe siècle avec l’Europe et le Japon par Macao sous administration portugaise. Ils commerçaient régulièrement avec les Russes qui avaient fondé un comptoir à Pékin. Ces derniers fournissaient des fourrures, des cuirs, des bois contre du thé, du coton et des porcelaines depuis le traité de Kiakhta de 1727. Des missionnaires étaient reçus et pouvaient prêcher le christianisme, certains vivaient dans l’entourage de l’Empereur. Le va et vient des courriers soigneusement annotés  et paraphés du rouge  impérial prouvent que Qianlong  suit la progression anglaise avec une attention particulière. Les Chinois s’enquièrent des querelles entre barbares, là-bas en Europe. Les britanniques ont établi leur hégémonie sur l’Inde voisine du Tibet en proie à des révoltes récurrentes contre l’Empire. Ils naviguent à bord de vaisseaux impressionnant et lourdement armés et se présentent comme maître des mers. Qianlong n’avait pas l’intention de céder quoique ce soit. Les Anglais étaient plus redoutables à ses yeux que les Portugais et les Russes. Les Anglais, loin d’être d’innocents visiteurs, évaluaient les capacités stratégiques et défensives de leurs hôtes, sans parler des prélèvements d’espèces végétales susceptibles d’être acclimatées en Inde. 

La dernière partie du récit concerne les conséquences de l’échec de l’ambassade Macartnay. Il en allait de l’équilibre du fret des navires et de la balance des capitaux de l’East India Company qui passaient par l’extension des ventes à la Chine. La consommation anglaise de thé, les soies, les cotonnades, les porcelaines, les laques et la mode des chinoiseries étaient en progression constante. La compagnie vendait le coton produit en Inde à Canton. En 1816- 1817, Lord Amherst (1773~1857) ambassadeur de George III reçu un accueil humiliant de la part de  l’Empereur Jiaqing. Les Anglais n’ayant pu obtenir des conditions plus favorables au négoce poussèrent alors leurs ventes illégales d’opium. Ce furent ensuite l’indigne Guerre de l’Opium suivies des expéditions armées internationales successives qui vinrent à bout de l’Empire des Qing.

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Alain PEYREFITTE entrecoupe son récit de ses opinions personnelles bien souvent concordantes avec les constatations et les jugements de l’ambassadeur. Pour lui, la caractéristique de la Chine, de tous temps et encore au vingtième siècle, est son immobilité. Rappelons que l’annonce par la France sous la présidence du général de Gaulle le 27 janvier 1964 d’établir des relations diplomatiques avec la République populaire de Chine, tenue à l’écart depuis 1949, avait eu l’effet d’une bombe. Dans les années qui ont suivi 1968, beaucoup d’intellectuels français étaient séduits par le communisme maoïste. Homme politique libéral, A. PEYREFITTE s’est rendu en Chine la première fois en  1971, dans le cadre d’une mission parlementaire, il y est retourné ponctuellement plusieurs fois. Ces raisons  expliquent le caractère du message qu’il tente de faire passer. Un message qui a la vie dure et qui permet d’occulter notre impréparation aux problèmes présents. Ce livre est paru à la fin des années quatre-vingt. Depuis, beaucoup de ses appréciations d’immobilismes sont obsolètes. Aux problèmes de circulation de capitaux, d’extension des marchés industriels et des besoins en matières premières, s’ajoutent aujourd’hui l’adaptation de toutes les nations à  ceux mondiaux, non encore maîtrisés, consécutifs à l’ouverture de la Chine à la société de consommation, à son expansion industrielle, urbaine et culturelle.

Dans L’Empire immobile ou  Le Choc des Mondes,  Alain PEYREFITTE s’est appuyé sur des documents qui offrent deux regards croisés sur un fait bien précis, l’ambassade de Lord Macartnay auprès de l’Empereur Qianlong. Son récit attractif peut être une approche intéressante dans la connaissance de l’Empire chinois et de l’administration de la dynastie des Quing.

Quelle leçon en retenir ? En 1964, Jules Roy, cornaqué par les guides et interprètes de Chine populaire, connut des tribulations du même ordre que celles vécues par l’ambassade Macartnay. Certes, l’enjeu n’était ni diplomatique, ni commercial, mais son expérience relatée dans Le Voyage en Chine (1965) chez Julliard, est intéressante à lire ou à relire. Fasciné par l’épopée personnelle de Mao, le motif de son voyage était une étude de repérage préparatoire d’un travail sur « La Longue Marche ». Les difficultés rencontrées furent telles que son projet devint irréalisable. « Il est vrai que cette foi que j’avais m’a quitté. Venu en Chine éperdu d’amour et d’admiration, j’en suis reparti amer et terrorisé. ». Quinze ans plus tard, Alain PEYREFITTE semble avoir gardé une première impression qu’il aurait pu avoir, lors de son premier voyage en 1971. Il est allé plusieurs fois en Chine, mais ses séjours ne pouvaient qu’être courts, en raison de ses autres activités. Pour lui, l’immobilité et son incapacité à changer sont caractéristiques de la Chine.

 Le livre est paru en 1989. Entre temps, la Chine de Deng Xiaoping applique depuis une dizaine d’années d’une politique de réforme, d’ouverture aux l’étrangers et de renaissance du secteur privé.

La Chine d’aujourd’hui relève le défit de la modernisation, est partie prenante dans la mondialisation et voit l’émergence de classes de capitalistes et de technocrates qui mettent la main sur les investissements, les marchés et la finance. Saura-t-elle régler les disparités entre les régions côtières et celles de l’intérieur, entre les villes et les campagnes, entre les élites qui s’enrichissent et la main d’œuvre laborieuses sous-payées, entre le secteur public et l’initiative privée ? Le prix d’un développement aussi prodigieux sera-t-il gérable concernant ses besoins faramineux de matières premières et ses conséquences écologiques catastrophiques. Le Pouvoir voudra-t-il et pourra-t-il trouver un équilibre entre l’autoritarisme nécessaire à sa bonne marche et  la liberté d’expression politique ? Voilà vingt-deux ans que le livre est paru. La conclusion ? wait and see ! Autrement dit, gardons-nous de jugements hâtifs et simplistes !

A propos du règne de l’Empereur de Chine Qianlong (1711~1799) message de colinecelia cliquer ici

 

Liens

Iconographie :

Portrait de Macartnay

L'empereur Qianlong

Qianlong reçoit l'ambassade Macarney en Chine

Portrait de Quianlong en vêtements de cour

Portrait d'un soldat chinois par William Alexander

 

Articles

Mise en  lumière des raisons de l'échec de l'ambassade Macartney

 

La sinologie immobile par Harriet T. Zurndorfer

 

Notes

1 - George III (1738~1820) : http://fr.wikipedia.org/wiki/George_III_du_Royaume-Uni

2 -Qianlong (1711~1799) ou K’ien-Long fut le 4ème Empereur de la dynastie mandchou  des Qing. Empereur de Chine en 1735, à la mort de son père. Qianlong abdiqua à 84 ans (1796), en faveur de son fils Jiaqing (1760~1820), qui fut Empereur de 1896 à 1820.  Qianlong conserva cependant la réalité du pouvoir jusqu’à sa mort.

Sources : Le Petit Robert des noms propres Dictionnaires Robert, 27 rue de la Glacière 75013 PARIS

Portrait de Qianlong en vêtement de cour :  http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Portrait_of_the_Qianlong_Emperor_in_Court_Dress.jpg

3 -L’île d’Amsterdam est une petite île française des Terres australes et antarctiques françaises située dans le sud de l’Océan indien. Elle se trouve non loin de la route entre Le Cap et les îles de la Sonde, l'ancienne route maritime reliant l'Europe aux Indes. Aperçue et mentionnée dans le journal de l'expédition de Magellan en 1522, observée ensuite à plusieurs reprises par des navigateurs au début XVIIe siècle, c'est un Hollandais, le navigateur Willen de Vlaming sur son bateau le Novara, à la recherche d'un navire perdu qui fut en 1696, le premier à y débarquer Au XIXème siècle elle n'était fréquentée que par des pêcheurs, des chasseurs d'otaries ou de baleines et des naufragés.

4 -La première décade du huitième mois lunaire se situe entre le 5 et le 14 septembre.

 
   

 

21 août 2011

DUVAL Roland (1933) - Biographie – Bibliographie – Filmographie

DUVAL Roland (1933) - Biographie – Bibliographie – Filmographie

 

Roland DUVAL, bien que né à Paris en 1933, a passé la plus grande partie de son enfance en province successivement à Mulhouse, Laon, Lyon. Après l’exode devant l’arrivée des troupes allemandes, celle-ci se poursuit dans l’Ain de 1940 à 1944. Il entreprend des études de journalisme à Lille puis revient à Paris où il fait ses études de lettres modernes à la Sorbonne. Il a fait son service militaire au service météo de la base aérienne de Metz. C’est à la fac de lettres qu’il a rencontré celle qui deviendra son épouse.

Installé avec sa famille dans le Gâtinais, à Montargis (Loiret), il a exercé la plus grande partie de sa carrière de professeur de lettres au Lycée en Forêt. La retraite venue, il a fait partager ses amours littéraires et cinématographiques, au cours d’un septennat de professeur et de conférencier qu’il est toujours, à l’Université du Temps Libre de Montargis.

C’est un homme à multiples facettes :

Sportif, il a longtemps pratiqué le football dans une équipe d’amateurs et soutenu les exploits ou les déboires de l’USM, l’équipe locale.

Journaliste, il a été correspondant, critique de cinéma pour des journaux parisiens. Il a participé à la création des Editions de l'Atlante en janvier 1974, qui éditait la revue « Écran » (1972~1979) à la suite des éditions B and B et en a été un des rédacteurs. Il fait toujours partie de l’équipe rédactionnelle de l’Éclaireur du Gâtinais, où il est l’auteur de « La Gondole » (dans les 2 sens du vocable), la Chronique hebdomadaire du Grand Gondolier sur des faits locaux, nationaux ou internationaux, sur un mode humoristique, ironique et un brin provocateur. Il y établit un bilan comparatif météorologique mensuel pour l’agglomération. Ses critiques cinématographiques avisées et documentées, qui paraissent aussi dans La République du Centre (Orléans), sont attendues par les cinéphiles.

Météorologue amateur, il a coutume d’affirmer que la météorologie était sa vocation réelle qui fut contrariée par les maths. Il collectionne les relevés d’un réseau d’informateurs de la région depuis que très nombreuses années, ce qui lui permet d’établir ses comparatifs et d’évaluer les théories climatologiques et météorologiques développées par MONTESQUIEU dans «De l’Esprit des Lois  », comme de celles qui ont cours actuellement sur le réchauffement climatique.

Passionné de cinéma, dans les années 60, il crée et anime un ciné-club avec un interne du lycée, Pascal Thomas (né en 1945). Leur amitié se concrétisera par la collaboration de Roland Duval à la rédaction ou à l’adaptation de scénarios de cinq films, avec le réalisateur.

Écrivain, il s’est exprimé dans des genres aussi divers que ses passions sont variées. Beaucoup de ses productions ont été éditées à compte d’auteur.

 BIBLIOGRAPHIE :

1956, Compère qu’as-tu vu ? Une enfance occupée (édit. du Tiroir)

1997, L’acte manqué ou Éloge de la désinvolture (édit. JPB)

1998, Le voyageur immobile, petite histoire du cinéma (édit. JPB)

2002, Quarante ans de gondole...et il rame encore ! mémoires (édit. JPB)

2003, Météorologie sentimentale roman, Société des écrivains (épuisé)

2004, Heureux élus politique-fiction, (édit.JPB)

2004, Ces écrivains qui ont fait la France littérature et politique de 1100 à 2000 (édit ; du Christ)

2005, Déconner, traité de savoir-vivre (édit. de la Gondole)

2006, L’empire des Femmes vaudeville mythologique (édit. de la Gondole)

2008, Les cramés de la bobine  (édit. de L’Écluse), sur le cinéma

2008, Suites féminines (édit. de L’Écluse), qui est un hommage épistolaire à quarante femmes de lettres

2009, Mes années météo (édité par l’auteur et diffusé par les Éditions de L’Écluse)

2011, Guerre froide au lycée en forêt (édit. de L’Écluse),

FILMOGRAPHIE de comédies réalisées par Pascal Thomas :

1973, Les Zozos, scénariste et adaptateur

1973, Pleure pas la bouche pleine,  scénariste et adaptateur, (romance)

1976, La surprise du chef, scénariste et acteur

        1981, Celles qu’on n’a pas eues, scénariste

        2007, L’heure zéro, scénariste, (mystère)

 


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