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19 mai 2014

Faïza GUÈNE (1985) – Un homme ça ne pleure pas (2014)

Faïza GUÈNE (1985) – Un homme ça ne pleure pas (2014)

     La famille Chennoun, d’origine algérienne vit à Nice, où sont nés les trois enfants d’Abdelkader et de Djamila.

     Le père, un ancien cordonnier, adore bricoler et entrepose dans le jardin de la maison un bric-à-brac invraisemblable d’objets - « Ça peut toujours servir ! », précise-t-il -, qui anéantissent le rêve de la mère d’y voir un jour plantés oliviers, citronniers ou orangers. Le Padre ne sait ni lire ni écrire, mais porte des lunettes sur le nez et des stylos Bic accrochés à la poche de sa chemisette. C’est un sage, un père aimant, attaché à la bonne éducation de ses enfants, à leur réussite scolaire et qui veille à leur inculquer des principes - « Un homme ça ne pleure pas. »-.

     L’obsession du narrateur, Mourad, le benjamin des enfants du couple, serait de devenir un vieux garçon obèse aux cheveux poivre et sel, nourri à base d’huile de friture par sa mère. Nourrir, gaver sa progéniture de nourriture est en effet l’objectif premier de la mère, une femme au foyer expansive, dévouée aux siens, avisée sur tout qui n’admet aucune contradiction. Son amour exigeant, sa susceptibilité, son art à simuler des malaises, à culpabiliser sa famille, en font une tragédienne hors pair.

     Mourad a deux sœurs.    

    SpiraleDès l’adolescence, Dounia, l’aînée, envie la liberté de mœurs dont jouissent ses copines de classe. « Tu crois que tu t’appelle Christine ? ! » lui reproche son père indigné par l’indécence, à ses yeux, de sa tenue vestimentaire. Elle préfèrerait, c’est sûr ! Elle préfèrerait tellement qu’elledésobéit effrontément aux règles familiales. Mourad est partagé entre son admiration pour l’intelligence, la volonté et le courage de sa sœur, qui, tout en travaillant, réussit brillamment ses études pour être avocate, et sa stupéfaction face à ses provocations. Au grand désespoir de ses parents, la rebelle finit par se fâcher avec tout le monde et claquer la porte de la maison. Elle n’y remettra plus les pieds pendant dix ans. Indignés et chagrinés, les Chennoun apprendront par la presse, que leur fille est la présidente-fondatrice des FPC, l’association féministe « Fières et pas connes, et qu’elle se présente aux élections à Nice sur une liste de ... droite.

     Docile, Mina, la cadette est entrée sans heurt dans le moule parental. Attirée par la compagnie des personnes âgées, elle travaille dans une maison de retraite, y a fait connaissance d’un aide-soignant, Jalid, qu’elle a épousé à vingt ans. Le couple a trois enfants et habite le même quartier que les Chennoun et Mina passe voir sa mère presque chaque jour.

     Mourad est devenu un jeune homme timoré, introverti. Solitaire il se réfugie dans la lecture, est amoureux de littérature et souhaite enseigner les lettres. Bon élève, il vient de réussir au CAPES. Mourad reçoit son affectation en zone prioritaire à Montreuil en Seine-Saint-Denis. Avant son départ, Abdelkader, qui est hospitalisé après un AVC qui l’a laissé hémiplégique et très diminué, lui confie qu’il souhaiterait revoir Dounia avant de mourir.

     Miloud, un cousin, vit justement à Paris. Il pourra héberger Mourad temporairement. À Alger, dans sa jeunesse, Miloud avait passé beaucoup de temps assis aux terrasses des cafétérias. Grand amateur de raï et habitué de la boîte de nuit Le Saphir bleu, il est maintenant le gigolo d’une riche bourgeoise avec un nom à particule, qui pourrait être sa mère. Liliane lui offre une vie de nabab dans son magnifique appartement superbement meublé du seizième arrondissement, à la bonne tenue duquel veille l’imperturbable Mario, le majordome italien.

     La peur au ventre, Mourad se rend au collège à bord de la Mercédès de son cousin et s’apprête à ajuster ses premiers scuds anti-chahut.

     Mourad retrouve Dounia à Paris, où sa sœur fait la promotion du livre qu’elle vient d’écrire « Le Prix de la liberté », dans lequel elle critique violemment les traditions familiales ancestrales dont elle est issue. Il la convainc de l’accompagner au chevet de leur père.

*****

     Constituée de courts chapitres, cette chronique originale est pleine de tonus, d’humour, d’inventivité, de réalisme et d’ironie aussi. La simplicité du style, la précision des descriptions, la vivacité des réparties, le dynamisme de l’écriture, le ton léger et drôle donnent de l’attrait à la lecture du récit.

*****

     Le fond du livre porte sur la difficulté construire sa personnalité tout en conciliant la part de l’héritage familial et son désir d’émancipation.

Quelle émancipation ?

Celle de Miloud, qui pour éviter de se débattre comme une mouche dans une tasse de café noir, préfère être entretenu par une femme âgée en mal d’amour qui lui offre la richesse matérielle ?

Celle de Dounia, qui se targue de sa réussite professionnelle, et surtout d’être un symbole de l’intégration réussie qui lui vaut la notoriété médiatique ?

Une émancipation certes, mais à quel prix ?

Pour Miloud, le risque de plonger dans un océan de médiocrité et vivre de petites combines, dès qu’il cessera de plaire ?

Pour Dounia, le reniement de sa culture, la coupure avec sa famille, une anorexie assortie d’une psychanalyse !

     Par la plume de Faïza GUÈNE, Mourad, en fin observateur, prend du recul et tente réconcilier les siens.

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4 mai 2014

Lucile BORDES (1971) – Je suis la marquise de Carabas (2012)

 

Le Théâtre de Pitou

     « Il a fallu que je questionne – pourquoi t’as un piano, c’est quoi tous ces vieux disques avec leurs partitions, t’es devenu maître parce que tu t’appelles Lemaître ? – pour que le sceau, le sceau transparent de l’exil, se craquelle un peu. » (p 134)

      Ce piano, il n’en jouait jamais, sauf  pour faire plaisir à la petite Lucile, tout en lui donnant ses premières leçons, alors qu’elle avait douze ans, il évoquait invariablement combien Clémentine, sa mère, « en jouait comme il faut ». Les disques, Emile et Alice Lemaître n’en écoutaient jamais. Quant aux partitions des films muets, lorsque la petite curieuse les avait découvertes après avoir tourné la petite clé dorée dans la serrure du buffet, il l’avait grondée. Tout en refermant les battants, il avait dit qu’elles étaient à sa mère, pour accompagner les films du Palace, le cinéma qu’ils avaient à Rive-de-Gier. Indices dérisoires en regard des souvenirs qu’Emile Lemaître, pressé de questions, évoquera plus tard, au soir de sa vie, à sa petite fille. Celle-ci découvre que ses ancêtres appartenaient à une célèbre troupe de marionnettistes ambulants qui se produisit durant une centaine d’années.

 

La théâtre de marionnettes 2

     La saga des Pitou commence en 1850 à Bellême dans l’Orne où la roulotte de M. Chok  vient de s’installer sur la place. Sa nièce Joséphine ayant besoin d’acheter des épingles, le forain l’accompagne à l’épicerie de M. Blandin où ils sont servis par Auguste Pitou, le jeune commis volubile de l’épicier. Séduit par le bagout du garçon, M. Chok l’invite à la représentation théâtrale du lendemain. Sous le charme du jeu des marionnettes, ensorcelé par les mots qu’elles semblent déclamer, émerveillé par les décors, saisi par le désir d’apprendre à réaliser cette magie-là, Auguste n’a de cesse d’abandonner le village, M. Blandin et son épicerie, de dire adieu à ses parents pour accompagner les forains sur les routes.

     Plus tard, Auguste et Joséphine se marièrent. Leurs enfants, puis leurs petits-enfants, grandirent dans les roulottes parmi les décors, les pantins de bois, le bric à brac qui servait aux effets et aux bruitages. Ceux-ci s’impliquèrent pleinement dans le fonctionnement artistique et matériel de l’entreprise familiale. La petite troupe, transporta son théâtre à travers la France, s’étoffa au cours des générations de Pitou, connut la renommée, la réussite, prit successivement le nom de « Théâtre des Fantoccini & Pitou », « Théâtre de Pitou », « Grand Théâtre de Pitou ». Touchée, comme son public, par les deux conflits mondiaux, les aléas politiques, économiques et sociaux que rencontrait le pays, elle souffrit des défaites, des récessions et des crises, se réjouit des victoires, du retour de la paix et des périodes de prospérité.

Crasmagne en scène 2

     Lucile BORDE restitue l’ambiance des tournées, l’originalité et la variété du répertoire, la fabrication des marionnettes, la confection des somptueux costumes, la réalisation des décors, la mise au point des trucages et des bruitages, l’accompagnement musical, la répartition des tâches, les répétitions, le montage du théâtre. Elle souligne l’adresse, la faconde et le comique d’Auguste, l’imagination, la créativité et l’ingéniosité d’Émile, les doigts de fée d’Eugénie, la virtuosité de Clémentine. Elle met en scène l’étrange complicité qui liait Émile à Crasmagne, le pantin vedette de la troupe. Et puis, viendra le moment où il faudra se rendre à l’évidence : les fantoches sont supplantés par le cinéma. L’oCrasmagne portrait 2ncle Paul incite la troupe à se consacrer à la nouvelle marotte du public. Les Pitou entreposent leurs bagages à Rive de Gier, où ils ouvrent une salle de cinéma, Le Palace.

     La construction du récit s’effectue avec des aller-et-retour entre l’évocation d’un siècle de vie d’une famille de saltimbanques par et pour les marionnettes  et les années 1995-1998.

     Porte-parole de son grand-père, l’auteur alterne, non sans humour, le récit sobre et passionnant de la chronique de ses ancêtres, avec des chapitres tendres et émouvants où la narratrice s’adresse au vieillard à l’agonie et s’interroge toujours sur les raisons du silence des générations suivantes.

      Je suis la marquise de Carabas est le premier roman de Lucile BORDES.

La dynastie des Pitou - Dates principales

Les PITOU

Documentation et sources des images qui ont servi aux montages:

http://www.artsdelamarionnette.eu/app/photopro.sk/marionnettes/detail?docref=Grand+th%C3%A9%C3%A2tre+Pitou#sessionhistory-BnvlB3cv

http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/joconde_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_98=REPR&VALUE_98=%20Crasmagne&DOM=All&REL_SPECIFIC=3

 

 

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