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5 avril 2014

L’AFFAIRE TUNISIENNE – L’AFFAIRE DE L’ENFIDA (1881-1882)

L’AFFAIRE TUNISIENNE – L’AFFAIRE DE L’ENFIDA (1881-1882)

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      LE CONTEXTE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE

     Sous la pression commune de l’Angleterre et de la France, le bey de Tunis avait dû renoncer, en 1819, aux ressources provenant de la piraterie. Les ambitions démesurées des beys successifs ajoutées à leur incapacité et à réorganiser et moderniser l’économie de la Tunisie avaient obéré les finances du pays. La nécessité de recourir largement à l’emprunt avait placé la Tunisie de plus en plus sous la dépendance des puissances européennes.

     En 1869, les finances beylicales étant au bord de la banqueroute, les Français, les Anglais et les Italiens imposèrent à la Tunisie la tutelle d’une commission financière internationale. La Tunisie devint l’enjeu de la rivalité des grandes puissances européennes. L’efficacité de l’action du consul anglais Wood et les ambitions italiennes sur la Tunisie menaçaient la position traditionnelle de la France en mettant à profit son affaiblissement consécutif à ses défaites dans sa guerre avec l’Allemagne en 1870.

Berliner_kongress

Au congrès de Berlin (1878), devançant les ambitions italiennes, la France qui souhaitait s’assurer le contrôle de la Tunisie pour protéger la sécurité de l’Algérie, obtint l’accord tacite de l’Angleterre et de Bismarck, lequel espérait détourner les Français de leur obsession  concernant l’Alsace-Lorraine en encourageant leur ambition coloniale.

L’AFFAIRE DE L’ENFIDA (1881)

La même année, l’ancien premier ministre du bey, le général Khereddine, quittait la régence pour s’installer à Constantinople. Il chercha à vendre les biens considérables qu’il avait en Tunisie.  Il possédait entre-autres un immense domaine entre Sousse et Tunis que le bey lui avait offert en 1874. Le domaine de l’Enfida couvrait environ 100 000 hectares, s’étendait sur 65 km du nord au sud, était occupé par des populations semi-nomades et était à peine mis en valeur y compris dans sa partie centrale la plus fertile. N’ayant trouvé aucun acquéreur tunisien pour vendre ses possessions, il engagea dans le plus grand secret des négociations avec la Société Marseillaise de Crédit.

       Le 29 juillet 1880, l’accord de vente définitif était conclu. Khereddine avait fait rédiger le contrat de manière à se prémunir contre toutes les subtilités de la loi. En effet, les rites légaux, malékite et hanéfite, en usage dans le pays, admettaient un droit de préemption (cheffaa) en faveur des propriétaires des domaines limitrophes, à condition qu’une somme égale à celle prévue dans le contrat soit versée. En raison du secret de la transaction, le préempteur éventuel en ignorerait le montant et ne pourrait donc pas se substituer à l’acheteur. De plus Khereddine s’était réservé un mètre de terrain sur tout le pourtour du domaine. Cependant, les notaires refusaient d’enregistrer l’acte de vente sans l’autorisation du cadi.

Le domaine de l'Enfida

      Le premier ministre Mustapha ben Ismail souhaitait récupérer les biens de l’ex-favori et comptait s'approprier l'Enfida sans bourse délier. Ben Ismail avait vu le domaine de Sidi-Tabet lui échapper, aussi agissait-il en sous-main pour faire échouer la vente et s’était rapproché des Italiens.

      La situation se prolongeant, la Société Marseillaise demanda au consul Théodore Roustant d’intervenir auprès du gouvernement tunisien. De son côté, le cadi exécutait les ordres de son gouvernement, il faisait valoir qu’en 1875, la donation n’avait pas été faite dans les règles. Le bey précisa à Roustan qu’il avait donné à  Khereddine le domaine en question pour qu’il en jouisse et non pour qu’il le vende à des étrangers.

     Le 26 novembre 1880, sur l’instigation du clan italo-gouvernemental, dans une lettre adressée au consul d’Angleterre à Tunis, un citoyen britannique nommé Joseph Lévy, courtier à Sousse, qui prétendait posséder une propriété en bordure de l’Enfida, déclarait qu’il comptait faire jouer son droit rituel de préemption.

      Sans tenir compte des manœuvres en cours, les notaires rédigèrent l’acte de vente, en janvier 1881, selon les clauses prévues initialement entre la Société Marseillais et Khereddine. Entre-temps, Levy avait déjà pris toutes les dispositions pour l’exploitation du domaine (renouvellement des baux, programmes de travaux…). Lorsque le représentant de la Société Marseillaise se présenta pour prendre possession des lieux, le personnel de Levy occupait la place. La Société Marseillaise s’avérait dépossédée et était traitée en usurpatrice.

Affaire de l'enfida image fascicule

PART PRISE PAR L’EXPLOITATION DE L’AFFAIRE DE L’ENFIDA DANS L’ETABLISSEMENT DU PROTECTORAT FRANÇAIS SUR LA TUNISIE

      Malgré les appels du consul en Tunisie, Roustan, malgré l’avis des agents diplomatiques français en poste dans les capitales européennes qui estimaient que le temps jouait contre la France, malgré les plaintes des agents économiques (banques et maisons de négoce de Paris, Lyon et Marseille), l’affaire trainait en longueur car le gouvernement français débattait sur l’opportunité d’intervenir, d’autant plus qu’on était à la veille d’élections. Tous considéraient défavorablement les manœuvres de l'Italie tout juste unifiée. Ils estimaient que,  bien que signataire du traité de Berlin, elle cherchait à étendre son emprise sur la Tunisie. La presse s’empara du sujet et monta une campagne destinée à convaincre l’opinion de la nécessité d’une intervention armée en Tunisie.

      De Tunisie, les montagnards kroumirs effectuaient de fréquentes incursions en territoire algérien. Jules Ferry prit prétexte de l’une d’entre-elles pour donner l’ordre d’intervenir militairement en Tunisie. À partir d’avril 1881, une force de 30 000 hommes venue du territoire algérien, envahit le pays.

      Le 12 mai 1881, le corps expéditionnaire parvenait aux abords de Tunis. Sadok bey accepta le traité du Bardo (ou de Kassar Saïd), qui plaçait la Tunisie sous le protectorat de la France.

Traité_du_Bardo

      Le texte du traité contraignait le bey de Tunis à abandonner la quasi-totalité de ses pouvoirs au résident général de France, particulièrement dans les domaines des affaires étrangères, de la défense et de la réforme de l’administration.

     Les tribus du Sud se soulevèrent dans la région de Kairouan et de Sfax. Ce mouvement insurrectionnel fut arrêté, par l’intervention de la flotte française, le 11 juillet 1881, qui bombarda et prit Sfax, d’une part, et d’autre part, par les troupes terrestres qui s’emparèrent de Kairouan (26 octobre) et de Gafsa (19 novembre).

Guerre de Tunisie Combat du Djebbel Haddedar 26- 04 1881

      La convention de la Marsa, le 8 juin 1883, précisa le régime du protectorat : le bey abandonnait à la France la défense nationale et la politique étrangère et lui donnait toute liberté pour réformer l’administration. Cette dernière passa, en fait, peu à peu sous contrôle français. Le protectorat français sur la Tunisie prit fin le 20 mars 1956, la France ayant reconnu l’indépendance totale de la Tunisie.

    Par effet de symétrie, c’est cette affaire transposée au Maroc qui est rapportée par Guy de MAUPASSANT dans Bel Ami (1885).

1ère page de la convention de la Marsa

Sources :

 Document BNF : Société marseillaise de crédit industriel et commercial et de dépôts... Mémoire sur l'affaire de l'Enfida, propriété acquise de S.A. Khérédine Pacha (Tunisie) . (Signé : Albert Rey.)

Clauses du traité du bardo et de la convention de la Marsa

Dictionnaire d’histoire universelle – Michel MOURRE – Collection Jean-Pierre Delarge - Bordas

Sources des illustrations :

le Congrès de BerlinLe traité du Bardo

Guerre de Tunisie. Combat du Djebbel-Haddedah - 26 avril 1881 : [estampe]

L’image de la première page de la convention de la Marsa

 

Information fournie par M. Hervé NOËL du CDHA (Centre de Documentation Historique sur l'Algérie, le Maroc et la Tunisie) , suite à la parution de ce message

 

En 2013, L’Association Mémoire de la Société Marseillaise de Crédit a fait don au CDHA (Centre de Documentation Historique sur l'Algérie, le Maroc et la Tunisie) de la totalité des archives du domaine de l’Enfida conservé par la banque. 

Enfidaville, située au sud de Tunis, était un important centre agricole du temps du protectorat français, créé ex-nihilo par des pionniers en 1881 puis repris par une société française : le Crédit Marseillais. S’étendant sur près de 1200 km2, le domaine d’Enfida était dévolu à la culture des céréales, des olives, de la vigne et à l’élevage. Son développement et l’expansion de ses activités dans l’industrie agroalimentaire l’amenèrent à ériger un véritable centre urbain, probablement le plus moderne du protectorat tunisien. 

Centre de Documentation Historique sur l'Algérie, le Maroc et la Tunisie 
Maison Maréchal JUIN 
29, avenue de Tübingen 
13090 AIX EN PROVENCE Cx 02 
Tel. : 04 42 52 32 89 
contact@cdha.fr 
www.cdha.fr

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