Ce que nous avons eu de meilleur (2008) - Jean-Paul ENTHOVEN (1949)
Une villa marocaine, La «Zahia » (la joie, en arabe), sert de cadre à ce roman. Le héros, éditeur parisien, s’y réfugie régulièrement, invité par son ami de vingt ans, Lewis. Dès le début de l’ouvrage, instruits par le colportage de diverses gazettes people Les lecteurs associeront les propriétaires du lieu Lewis et Ariane à Bernard-Henri LÉVY, son ami, et Arielle Dombasle, d’autant plus que le narrateur-spectateur fait lui-même allusion à Ariane-Oriane, se plaçant ainsi en pasticheur de PROUST. Dès ce moment, Simon, l’ami commun, accompagnateur de tous les voyages du philosophe-ambassadeur-de-la paix-tiers-mondialiste ne pouvait être que Gilles HERZOG.
Pour qui n’est ni amateur, ni familier des ragots parisiens, commence alors une lecture gâtée par la frustration de ne pas en posséder toutes les clés. Qui sont Suzy et Bébé d’Alcantara ? Et Sucre d’Orge ? Qui se cache sous le pseudonyme de Lavinia, la belle Italienne énigmatique ? Serait-ce une ancienne mannequine, chanteuse, épouse d’un ex-haut magistrat de l’État ? Non, tout de même pas ?... Pourquoi pas, après tout, il se rapporte tant de choses ...!
Débarrassé de toutes ces préoccupations, une relecture, qui rend toute sa valeur à ce livre, s'impose. L’auteur y fait, à l’aide de petites touches habiles et réalistes le portrait évocateur de ses personnages. Le héros-narrateur fait le point sur dix années précédant la charnière de son existence dans ce Palais de la Joie, avec ses arbres exotiques, ses odeurs, ses domestiques, ses cours et ses terrasses. Il y côtoie les fantômes d’anciens propriétaires, d’invités célèbres ou de visiteurs occasionnels. Les habitués, gens de la société dite parisienne y tue le temps dans l’alcool pour les uns, la drogue pour d’autres, les amours passagères, des fêtes extravagantes, avec, au-dessus de ces viles occupations, Lewis, le penseur admiré.
Le Palais de la Joie n’est pas pour autant le Palais du bonheur, l’abus d’alcool comme l’abus de drogue tuent, les amours passagères peuvent devenir sérieuses quand un protagoniste cherche l’éternité, les déchaînements des joyeuses fêtes éclipsent des états dépressifs récurrents.
Le Palais de la Joie, îlot d’insouciance noyé dans un océan de pauvreté, de traditions musulmanes austères est une provocation qui fait le jeu des religieux fanatiques et intégristes. Le narrateur semble en avoir conscience, mais préfère accuser ces derniers d’intolérance. Les « intellectuels » seraient-ils au-dessus du respect des usages du commun des mortels ?
Mêlant souvenirs autobiographiques, fiction et fantasmagorie, le héros prend conscience de la fragilité du lieu, de cette vie superficielle et futile, de son entrée dans une autre phase de sa vie.
Ce roman, d’un auteur familier et très marqué par PROUST, STANDAHL, FITZGERALD, écrit par un amateur de « Belles Lettres » est, somme toute, plaisant à lire.