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31 août 2013

Ce que nous avons eu de meilleur (2008) - Jean-Paul ENTHOVEN (1949)

     Une villa marocaine, La «Zahia » (la joie, en arabe), sert de cadre à ce roman. Le héros, éditeur parisien, s’y réfugie régulièrement, invité par son ami de vingt ans, Lewis. Dès le début de l’ouvrage, instruits par le colportage de diverses gazettes people Les lecteurs associeront les propriétaires du lieu Lewis et Ariane à Bernard-Henri LÉVY, son ami, et Arielle Dombasle, d’autant plus que le narrateur-spectateur fait lui-même allusion à Ariane-Oriane, se plaçant ainsi en pasticheur de PROUST. Dès ce moment, Simon, l’ami commun, accompagnateur de tous les voyages du philosophe-ambassadeur-de-la paix-tiers-mondialiste ne pouvait être que  Gilles HERZOG.

     Pour qui n’est ni amateur, ni familier des ragots parisiens, commence alors une lecture gâtée par la frustration de ne pas en posséder toutes les clés. Qui sont Suzy et Bébé d’Alcantara ? Et Sucre d’Orge ? Qui se cache sous le pseudonyme de Lavinia, la belle Italienne énigmatique ? Serait-ce une ancienne mannequine, chanteuse, épouse d’un ex-haut magistrat de l’État ? Non,  tout de même pas ?... Pourquoi pas, après tout, il se rapporte tant de choses ...!

 

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      Débarrassé de toutes ces préoccupations, une relecture, qui rend toute sa valeur à ce livre, s'impose. L’auteur y fait, à l’aide de petites touches habiles et réalistes le portrait évocateur de ses personnages. Le héros-narrateur fait le point sur dix années précédant la charnière de son existence dans ce Palais de la Joie, avec ses arbres exotiques, ses odeurs, ses domestiques, ses cours et ses terrasses. Il y côtoie les fantômes d’anciens propriétaires, d’invités célèbres ou de visiteurs occasionnels. Les habitués, gens de la société dite parisienne y tue le temps dans l’alcool pour les uns, la drogue pour d’autres, les amours passagères, des fêtes extravagantes, avec, au-dessus de ces viles occupations, Lewis, le penseur admiré.  

      Le Palais de la Joie n’est pas pour autant le Palais du bonheur, l’abus d’alcool comme l’abus de drogue tuent, les amours passagères peuvent devenir sérieuses quand un protagoniste cherche l’éternité, les déchaînements des joyeuses fêtes éclipsent des états dépressifs récurrents.

      Le Palais de la Joie, îlot d’insouciance noyé dans un océan de pauvreté, de traditions musulmanes austères est une provocation qui fait le jeu des religieux fanatiques et intégristes. Le narrateur semble en avoir conscience, mais préfère accuser ces derniers d’intolérance. Les « intellectuels » seraient-ils au-dessus du respect des usages du commun des mortels ?    

      Mêlant souvenirs autobiographiques, fiction et fantasmagorie, le héros prend conscience de la fragilité du lieu, de cette vie superficielle et futile, de son entrée dans une autre phase de sa vie.

      Ce roman, d’un auteur familier et très marqué par PROUST, STANDAHL, FITZGERALD, écrit par un amateur de « Belles Lettres » est, somme toute, plaisant à lire.

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11 août 2013

Jean Marie Gustave LE CLÉZIO (1940) - Mondo et autres histoires (1978)

Jean Marie Gustave LE CLÉZIO (1940) - Mondo et autres histoires (1978)

 

     Des enfants livrés à eux-mêmes sont les héros des huit récits de ce livre.

 

     Mondo, enfant des rues, vient d’on ne sait où, erre dans la ville. Lullaby, Daniel-Sindbad fuient l’école et la société pour aller vagabonder et s’amuser dans les rochers, sur la plage, tandis que Jon s’aventure dans l’escalade du mont Reydarbarmur. Lullaby est en manque de père. Elle s’adresse à lui comme s’il vivait loin, dans un autre pays. Est-il encore de ce monde ? L’a-t-il abandonnée elle et sa mère ? Son absence est-elle professionnelle ? Jon quitte la maison familiale, est absent au dîner, au coucher, sans que ses parents s’en aperçoivent ni s’en inquiète. Quant à Daniel, évadé du pensionnat auquel il a été confié, il n’est pas vraiment pleuré par ses parents. L’émotion causée à la constatation de sa disparition passée, les recherches abandonnées, les adultes « responsables » l’ont occultée. Seuls, quelques condisciples le portent encore dans un coin de leur mémoire comme celui qui a osé... Juba est responsable, du lever du jour au coucher du soleil du fonctionnement de la noria, avec son attelage de bœufs. Le garçon comble la solitude et l’ennui en s’imaginant prince du royaume de Yol, la ville « de l’autre côté ». Alia esquive la monotonie de la misère grâce à son amitié envers Martin, ermite-mystique, qui raconte de si belles histoires et qui conduira de l’autre côté de la rive le peuple du bidonville qui va être rasé. « Petite Croix » s’est réfugiée dans le silence et se fond dans le désert,  sous le soleil qui tape très fort. Gaspar prend « la route droite et longue qui traversait le pays des dunes » et partage quelques temps la vie nomade de jeunes bergers.

 

     Pour ces enfants, la liberté, c’est vagabonder. Ils sont aussi contemplatifs. Leur imagination est fertile. Leur perception de leur environnement est sensuelle. Ils goûtent voluptueusement, la douceur, la force, la violence des éléments. Les insectes, les reptiles les plus repoussants ont une beauté et leur sont familiers. Chaque instant est précieux. Nul besoin de paroles ! Ils sont attirés par les marginaux, les exclus riches de savoirs anciens insoupçonnés de l’homme moderne. Chez eux, ils trouvent la singularité assumée qu’ils cherchent pour eux-mêmes.

 

     Le truchement de l’écriture, du style, la beauté et la poésie des descriptions de Jean-Marie LE CLÉZIO révèlent l’imagination, la pureté et l’innocence de ses personnages.

 

*****

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     Les longues descriptions détaillées tout au long de l’ouvrage, si elles sont un régal pour les poètes et les amoureux de la langue française, ont un goût « scolaire » quelque peu rébarbatif. Quel paradoxe ! Ces enfants n’ont-ils pas rejeté l’école chargée de leur inculquer les savoirs, les règles et les valeurs définis par la société des adultes ?

 

     « N'oubliez pas d'emporter papier, crayon, ficelle » conseillait la cheftaine à ses louveteaux. Ajouter un petit couteau, même Suisse, est-ce suffisant pour survivre dans la nature ? LE CLÉZIO idéalise la vie « sauvage ». À peine évoque-t-il la rencontre d’un homme aux cheveux hirsutes par Lullaby, les moqueries et taquinerie infligées par les autres enfants à « Petite Croix », les menaces des fauves et des chiens sauvages autour des jeunes bergers.

 

Le bonheur est fugitif et éphémère. La plupart de ces enfants retrouveront, plus ou moins volontairement, les institutions et la vie sociale.

 

      Nombre de professeurs de français étudient ces récits avec leurs élèves. Puissent-ces derniers ne pas s’en ennuyer ! Ne sont-ils pas déjà prompts à balancer les contraintes scolaires aux orties  pour préférer avec la complicité de la société de consommation effrénée, les facilités artificielles des techniques modernes, confondant bonheur et possession  matérielle?

 

     Cette étude littéraire serait positive, si elle pouvait les inciter à lever les yeux de l’écran de leur tablette, dégager les oreilles des écouteurs qui les coupent de leur entourage, jeter la cigarette ou autre trompe-mal-être, oublier le Coca Cola et le chewing-gum, retirer les chaussures et vêtements de « marque » qui sont si chers dont la possession leur et si précieuse afin de profiter des petits bonheurs qui ne s’achètent pas, qui sont là, à portée, mais qu’il leur faut découvrir dans qui reste des destructions égocentriques de l’humanité avide d’argent, de technique, de confort et de paraître.

 

     Cette étude serait positive, s’ils apprenaient considérer la valeur individuelle de « qui n’est pas de la bande ».

 

     - Utopie que tout ça ! direz-vous.

     - Certes, mais il est permis de rêver !

 

Photos voyage 2008 035

 

 

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