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27 novembre 2011

LA HONGRIE DE 1848 à 1956 - CONTEXTE HISTORIQUE ET POLITIQUE

LA HONGRIE DE 1848 à 1956 - CONTEXTE HISTORIQUE ET POLITIQUE

DE 1848 à 1867

     Un mouvement nationaliste d’indépendance, de tendances conservatrices avec le comte Istvan Széchenyi et de tendances libérales avec Lajos Kossuth, se développait déjà depuis les années 1820 en Hongrie. 

     L’agitation révolutionnaire de 1848, en France eut des répercutions dans le reste de l’Europe. En Hongrie, l’Autriche fut amenée à accorder une administration particulière aux Magyars avec l’archiduc Étienne pour vice-roi. Mais l’opposition des minorités serbes, croates, roumaines, ruthènes, slovaques à la prédominance magyare déchirait le royaume parlementaire  hongrois récemment institué. Des combats sanglants se déclenchèrent entre les parties. L’Autriche ayant fait appel à l’intervention du tsar Nicolas II, les Hongrois capitulèrent à Világos le 13 août 1849. La répression de François-Joseph sur les insurgés du pays, redevenu simple province autrichienne, fut terrible et l’état de siège fut maintenu jusqu’en 1854.

KaiserFranzjosef1853-1-

Portrait de l’empereur François-Joseph en 1853 par Barabás Miklós (1810~1898) – 268cm par 178,5 cm

     La résistance passive intérieure des Hongrois ajoutée aux défaites de la guerre avec la Prusse affaiblissait l’Autriche. Un compromis aboutit à la création d’une monarchie austro-hongroise le 8 février 1867.

Austria-hungary

DE 1867 à 1914

     La monarchie austro-hongroise : L’unité de l’Empire était maintenue. François-Joseph se fit couronner roi de Hongrie et nomma un Premier Ministre hongrois, Gyula Andrássy. L’Autriche et la Hongrie avaient deux gouvernements séparés, mais les Affaires étrangères étaient réglées en commun.  La diète de Hongrie comprenait deux chambres, la Table de Magnats et la Table des représentants. Seuls, les Magnats et les propriétaires avaient le droit de vote.

     Le nouvel état rencontra deux problèmes graves qui jouèrent dans l’effondrement du royaume austro-hongrois en 1918.

       - Le problème des nationalités minoritaires opprimées particulièrement en Hongrie, où une politique de magyarisation à outrance fut appliquée. Cependant, un compromis fut conclu avec les  Croates en 1868, qui bénéficièrent d’une certaine autonomie.

            - Le problème des réformes sociales et des libertés : Parallèlement à un afflux de capitaux étrangers, qui favorisèrent le développement ferroviaire, l’industrialisation du pays et la modernisation des exploitations agricoles, les problèmes sociaux plus aigus furent marqués par l’essor du mouvement syndical et la multiplication des grèves ouvrières et paysannes.

 

DE 1914 à 1918

     La Hongrie, liée à l’Autriche, prend part à la Première Guerre mondiale. Elle subit de grosses pertes en hommes et en matériels. L’exaspération, la lassitude des populations, la défaite, le contrecoup des révolutions de 1917 en Prusse et en Russie, eurent un impact sur la solidité du système dualiste de l’Autriche-Hongrie

 DE 1918 à 1945

     En octobre 1918, une révolution bourgeoise éclate sous la direction de Miháli Károlyi. Suite à la Première Guerre mondiale et la défaite des Empires centraux, le 16 novembre 1918, la Hongrie est proclamée république indépendante. Ses liens avec la Croatie-Slovénie (19 octobre) sont rompus ainsi qu’avec la Transylvanie, qui demande son rattachement à la Roumanie (1er décembre). Quant à la Slovaquie, elle  est occupée par les Tchèques. Le traité de Trianon (4 juin 1920) consacre ces amputations. La surface de la Hongrie est réduite à un tiers de son ancienne superficie. Une nouvelle source de conflits en Europe danubienne venait de naître.

     Mihàly Kàrolyi est président provisoire de la République, dès novembre 1918. En mars 1919, malgré le déclenchement d’une évolution vers la gauche, il dut se retirer devant le communiste Béla Kun.

     De mars à août 1919, la République hongroise des Conseils, sous la direction de Béla Kun, prit de très nombreuses mesures économiques et sociales et favorisa les artistes et intellectuels d’avant-garde, mais ne put résoudre la question agraire. Elle dut lutter, à l’intérieur et à l’extérieur, contre les forces roumaines et tchèques soutenues par l’Entente. La République des Conseils est  renversée par l’intervention roumaine le 1er août 1919. La dictature soviétique de Béla Kun laissera un souvenir sanglant.

      Une armée hongroise contre-révolutionnaire conduite par l’amiral Horthy occupe Budapest le 16 novembre 1919. La Hongrie devient un royaume sans roi (1er mars 1920). La loi du 5 novembre 1921 proclame la déchéance définitive des Habsbourg. La monarchie reste la forme officielle de l’État, sous la régence de l’amiral Horthy (1920-1944).

Horthy reçu à Budapest devant l'hôtel Gellert

     L’amiral Horthy est reçu après la prise de Budapest, devant l’hôtel Gallert le 16/11/1919)

     Malgré la Terreur blanche qui suit l’échec de la République des Conseils, le nouveau régime hongrois, qui se montre très conservateur, voit subsister les oppositions légitimistes et surtout ouvrières. La réforme agraire incomplète de 1920 ne résout pas le problème agraire. Les antagonismes sociaux s’aggravent en raison de la crise économique mondiale des années 1928 à 1933.

      La Hongrie prend une attitude révisionniste dès 1927, considérant le traité de Trianon particulièrement injuste, en raison de la perte de la plus grande partie de son territoire, et du fait que 3 millions 500 mille Hongrois vivaient hors du pays. Elle se rapproche de l’Italie fasciste et, plus tard, de l’Allemagne hitlérienne. Elle récupère aux dépends de la Tchécoslovaquie, les districts méridionaux de la Slovaquie et de la Ruthénie du sud des Carpates, grâce à l’intervention de l’Allemagne (arbitrage de Vienne du 2 novembre 1938).

     La Hongrie conserve sa neutralité  au début de la Seconde Guerre mondiale, mais en novembre 1940, elle adhère au pacte tripartite. Elle rentre en possession de la moitié nord de la Transylvanie de population en majorité hongroise par le second arbitrage de Vienne le 30 août 1940.

      En mai 1941, elle s’accroît de divers territoires entre le Danube et la Tisza après l’effondrement de la Yougoslavie.  En échange de ces agrandissements, la Hongrie entre en guerre contre l’U.R.S.S., aux côtés du Reich.

    En mars 1944, la Wehrmacht occupe la Hongrie. Les S.S. entreprennent la déportation des juifs jusque là épargnés, vers les camps d’extermination.

 

     Les troupes soviétiques envahissent la Transylvanie, prennent Budapest. Horthy demande l’armistice en octobre 1944. Hitler le destitue et le remplace par Szálasi. Le 15 octobre, les S.S. l’enlèvent, l’emmènent en Allemagne. 

 

     Le mouvement fasciste des Croix-Fléchées et son chef Szálasi au pouvoir par ce coup d’État appliquent une politique pro-hitlérienne.

     Le 24 décembre 1944, un gouvernement provisoire présidé par le général Dalnoki Miklós à Debrecen,  a réussi à se constituer.

 

DE 1945 à 1956

       Dalnoki Miklós signe l’armistice avec l’Union soviétique le 20 janvier 1945.

     Le traité de Paris en 1947 ramène la Hongrie à ses frontières de 1920. Le pays  devra verser une lourde indemnité de guerre à l’U.R.S.S.res de novembre 1945 assurent la majorité au parti des petits propriétaires sur les communistes. La République est proclamée le 1er février 1945.

     Les élections libres de novembre 1945 assurent la majorité au parti des petits propriétaires sur les communistes. La République est proclamée le 1er février 1945. 

      Les communistes assurent le ministère de l’Intérieur : Le 15 mars 1945, la réforme agraire est votée. Elle confisque 3 millions d’hectares. En 1946, les mines et l’industrie lourde sont nationalisées. En 1948, il en est de même pour les entreprises de plus de cent personnes.

     Le parti communiste, sous l’impulsion de M. Rákosi, son secrétaire général, réussit à éliminer toutes les autres forces politiques. En août 1947, l’union des forces de gauche remporte les élections  avec 95,6% des voix.

 

     La République populaire hongroise est proclamée le 20 août 1949. Le pouvoir est entre les mains du politburo du P.C. avec pour premier secrétaire le rigide stalinien Rákosi. Le premier plan quinquennal (1950 à 1954) entre en application.

   L’enseignement et des biens du clergé sont nationalisés en 1948 et le cardinal Mindszenty est condamné en octobre 1949.

     La même année, commence l’épuration des communistes titistes.

 

    En 1953, la déstalinisation conduit au remplacement de Rákosi par Imre Nagy. Une amnistie est décidée, suite aux effets d’erreurs dans la collectivisation agraire.

    La tendance dure du parti menée par Rákosi provoque la  chute de Nagy, en avril 1955.

   Sous à la pression populaire, le régime applique une libéralisation relative et réhabilite Rajk en mars 1956. Rákosi démissionne en juillet 1956.

 

    Son remplaçant, Ernö Gerö, déclenche la révolution de Budapest, le 23 octobre 1956 en faisant ouvrir le feu sur une grande manifestation étudiante. Les troupes soviétiques interviennent puis évacuent la capitale le 27.

    Pour éviter le pire, Moscou accepte le retour de Nagy à la présidence du conseil. Entraîné par la puissance du mouvement populaire, il forme un gouvernement de coalition le 1er novembre, annonce que la Hongrie se retire du pacte de Varsovie et demande à l’O.N.U.de reconnaître sa neutralité.

    Le 4 novembre 1956, les troupes soviétiques entrent à Budapest.  En une quinzaine de jours, ils écrasent les insurgés dans la capitale et en province. Un contre gouvernement est constitué, sous leur pression, avec János Kádár.

     L’intervention soviétique a fait 25 mille morts. Environ 160 mille réfugiés réussirent à passer à l’Ouest. En juin 1958 Nagy et le chef militaire de l’insurrection, Pál Maleter, sont exécutés. Le cardinal Mindszenty qui a été libéré par les insurgés, se réfugie à l’ambassade américaine. Les Soviétiques ont déporté plus de 15 mille personnes.

Moscou et le gouvernement Kádar appliquent ensuite une certaine modération. 

    Les évènements de Budapest marquèrent un tournant important dans la vie politique et économique de la Hongrie. Le régime se libéralisera par des mesures d’amnistie, l’ouverture des frontières, l’essor du secteur privé, l’instauration du prix du marché, l’introduction de l’impôt sur le revenu et de la TVA.

 

Sources :

- Dictionnaire d’histoire universelle Michel Mourre – Jean-Pierre Delarge – Bordas

- Le Petit Robert des Noms Propres – Dictionnaires Robert

 

Portrait de l’Empereur François-Joseph : Musée national de Budapest

 http://www.lib-art.com/artgallery/4514-portrait-of-emperor-franz-joseph-i-mikl%CF%83s-barab%CE%B1s.html

Domaine public

Carte de l'Autriche-Hongrie voir les références sur

 http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Austria-hungary.png

L’amiral Horthy le 19/11/1919 voir les références sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:HorthyReceived.jpg

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20 novembre 2011

Sándor MÁRAI (1900~1989) – BIOGRAPHIE - BIBLIOGRAPHIE

Sándor MÁRAI (1900~1989) – BIOGRAPHIE - BIBLIOGRAPHIE

      Les vicissitudes politiques de la Hongrie, son pays d’origine, ont eu une influence déterminante sur la vie de.  Sándor MÁRAI est né le 11 avril 1900 à Kassa, alors ville Hongroise. À la suite du traité du Trianon le 4 juin 1920, celle-ci devient slovaque sous le nom de Košice. Sándor est l’aîné de quatre enfants, Sa famille appartenait à la bourgeoisie. Il suit des études d’art, à l’Université de Budapest.

     Sándor MÁRAI publie son premier recueil de poésies à 18 ans et collabore à un quotidien, puis écrit pour un journal communiste pendant la République des Conseils dirigée par Bela Kun (du 21 mars au 1er août 1919). À la chute de celle-ci, encouragé par ses parents qui craignent des représailles contre leur fils, il part en Allemagne où il entame des études de journalisme à l’Université de Leipzig et étudie la philosophie à Francfort et à Berlin, tout en écrivant des articles pour des journaux et des magazines.

     Il épouse Lola Matzner en 1923. Le couple s’installe à Paris où Sándor MÁRAI est correspondant de la Frankfurter Zeitung. En 1928, le ménage décide de rentrer à Budapest.

     Sándor MÁRAI est journaliste, poète, auteur dramatique, traducteur littéraire. Il écrit en hongrois, sa langue maternelle. Ses premiers romans, très bien accueillis, lui valent d’être encensé et adulé. Le premier, il découvre Kafka.

    Quelques semaines après la naissance de leur  fils Kristóf en 1939, les  MÁRAI perdent leur enfant. Le  couple, ne pouvant pas avoir d’autre enfant, adopte János.

     L’amiral Horthy devenu régent de Hongrie, depuis mars 1920, applique un régime autoritaire et conservateur allié aux régimes fascistes européens. Sándor MÁRAI, qui est antifasciste, poursuit cependant son travail d’écrivain pendant toute le Seconde guerre mondiale et ses romans sont appréciés. Il est élu membre de l’Académie Hongroise des Sciences.

     Le 19 mars 1944, son pays est envahi par l’Allemagne. Sa femme Lola ayant des origines juives, les Márai se cachent à la campagne pour échapper aux rafles nazies, puis aux exactions de l’Armée Rouge.

     Du 29 décembre 1944 au 13 février 1945, L’Armée Rouge fait le siège de Budapest. Un régime communiste, appuyé par les forces d’occupation, s’installe en Hongrie. Le dernier livre de MÁRAI est mis au pilon et l’écrivain est accusé d’être un « auteur bourgeois » et un ennemi de classe.

     Il décide de s’exiler à l’Ouest en 1948. Il vit d’abord en Suisse puis en Italie. En 1952, s’installe à New-York où il devient collaborateur de la Radio Free Europe de Munich comme journaliste des programmes hongrois avec une émission littéraire Sunday Letters.

     En 1968, il se retire avec son épouse à Salerne, près de Naples.

     En 1980, il retourne aux USA où il obtient la nationalité américaine et va vivre auprès de son fils János, à San Diego en Californie.

     Ses livres sont écrits en hongrois et ne sont publiés que par des maisons d’édition hongroise. Ils ne circulent en Hongrie que sous le manteau pendant toutes ces années d’exil. Traduite en langues étrangères,  son œuvre ne rencontre pas un grand succès.

     Son épouse, devenue aveugle, meurt d’un cancer en 1986, et son fils János décède l’année suivante à l’âge de 46 ans. Très éprouvé par leur mort, de plus en plus isolé, Sándor MÁRAI se donne la mort à San Diego le 22 février 1989.

     Huit mois plus tard, la fin de la République Populaire de Hongrie est proclamée.

   Pendant son exil, MÁRAI avait été oublié en Europe et en Hongrie, en dépit de quelques traductions en allemand et en espagnol. Son œuvre est redécouverte au début des années 90. En France, il est publié dans la collection « Les Grandes Traductions » par l’éditeur Albin Michel et rencontre un succès considérable. Sándor MÁRAI est traduit maintenant en nombre de langues et sa réputation littéraire est semblable à celle de Stefan SWEIG, de Joseph ROTH et d’Arthur SCHNITZLER.

   Sándor MÁRAI a reçu à titre posthume le Prix Kossuth, en 1990, la plus haute distinction hongroise.

SON ŒUVRE

     Sándor MÁRAI était journaliste, poète, auteur dramatique, traducteur littéraire et a écrit un récit autobiographique, « Mémoires de Hongrie » (1972), des journaux intimes (de 1943 à 1983) et des romans dont certains ont été traduits en français par l’éditeur Albin Michel.

La première date indiquée correspond à la première parution ; la seconde, à l’édition française.

-       Les Révoltés (1930, 1992)

-       Un Chien de caractère (1932, 2003)

-       Les Confessions d’un Bourgeois (1934, 1993)

-       Divorce à Buda (1935, 2002)

-       L’Héritage d’Esther (1939, 2001)

-       La Conversation de Bolzano (1940,1992)

-       Les Braises (1942, 1995)

-       Paix à Ithaque ! (1952, 2005)

-       Mémoires de Hongrie (1972, 2004) - Le sujet est l’arrivée des soldats soviétiques en Hongrie et les premières années de l’installation du pouvoir communiste par la force et ses années de disgrâce.

-       Métamorphoses d’un mariage (1980, 2006)

-   Libération (posth. 2000, 2007) – C’est l’analyse des comportements des habitants terrés dans les caves d’un immeuble pendant l’attente de l’issue des combats pendant les derniers jours du siège de Budapest par l’Armée rouge.

-       Le premier amour (2008)

-       Le Miracle de San Gennaro (2009)

-       L’étrangère (2010)

-       La sœur (2011)

Message de ColineCélia sur le roman de Sándor MÁRAI -  Les Braises (1995)

Sources: http://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A1ndor_M%C3%A1rai 


13 novembre 2011

Sándor MÁRAI (1900~1989) - Les Braises(1942

Sándor MÁRAI (1900~1989) - Les Braises(1942

     Henri, un vieux général, s’apprête à recevoir Conrad, son ami de jeunesse qu’il n’a pas revu depuis son départ précipité à la suite d’une partie de chasse 41 ans plus tôt et dont il n’avait plus aucune nouvelle. Sa carrière militaire achevée, le vieil homme s’est retiré sur ses terres et vit seul dans une partie du château familial, isolé dans un immense domaine forestier.

     Enfants, Henri et Conrad se sont liés d’une amitié fraternelle très profonde,  à l’Académie militaire de Vienne. Comme ses congénères venus de toutes les parties de l’empire Austro-hongrois, Henri est un fils d’une grande famille hongroise. Son père est officier de la Garde impériale. Contrairement à ses camarades, la famille polonaise de Conrad est pauvre. Fonctionnaire méritant, son père a reçu le titre de baron tandis que sa mère appartient à une famille aristocratique ruinée suite au dépeçage du pays par les impériaux. Les deux amis sont inséparables et passent même leurs vacances ensemble. Conrad est reçu comme un fils par les parents d’Henri.

    Jeunes officiers, leur amitié passionnée reste un lien indissoluble malgré leurs différences de plus en plus marquées, de condition sociale et de caractère. Henri excelle dans les exercices physiques et la chasse, aime les revues et les parades militaire, la vie mondaine, la musique des bals viennois, les femmes légères et fait la bamboche. Conrad  n’a pas la vocation militaire, mais il s’efforce de son mieux être digne de l’ambition démesurée que ses parents ont mis en lui et pour laquelle ils se sacrifient. Le jeune homme mène une vie studieuse et sobre, refuse toute aide pécuniaire de son ami, souffre d’être son obligé. La musique est sa passion. N’a-t-il pas Chopin dans sa parenté ? Cette passion, il la partagera avec la mère française d’Henri, puis avec l'épouse de son ami. C’est Conrad qui a présenté Christine à son ami. Le père de la jeune fille était un musicien contraint par une infirmité à enseigner et à copier des partitions, qui a travaillé pour lui. L’amitié des deux hommes a continué avec ce mariage. Henri, qui n’a pas de sens artistique, considère d’abord leur goût pour la musique comme une marotte insignifiante. Peu à peu, il vivra leur communion musicale comme un langage hermétique qui l’isole, lui, qui a tant besoin de se sentir aimé. Cette passion pour initiés est en quelque sorte diabolique.

     Le vieil homme attend des réponses aux questions qu’il se pose depuis 41 ans, à propos d’une partie de chasse au cours de laquelle il a la certitude d’avoir perçu un geste manqué suivi du départ, sans explication, de son ami.

     La deuxième partie du roman a pour cadre une reconstitution du décor du dernier repas pris la veille de cette chasse.  Les deux vieillards revivent la soirée  en huis-clos autour du même menu. Christine est décédée depuis, mais son couvert est mis. Son fauteuil vide sépare les deux hommes installés devant la cheminée. Le vieux général expose le fruit de ses analyses sur la relation passionnelle qui le liait à son ami, sur sa perception au cours de cette chasse et sur ses découvertes à la suite de la fuite de Conrad. Après avoir abordé ce qu’il avait vécu aux tropiques pendant toutes ces années, tel un psychanalyste, Conrad, recentre sur le sujet l'exposé de son ami et relance régulièrement les explications du général. A quoi le Henri en veut-t-il venir ?

     Cet ouvrage présente les caractéristiques d’une tragédie classique :

-       unité de temps : L’action s’étend sur la même journée.

-       unité de lieu : le château d’un immense domaine

-    unité d’action : les retrouvailles de deux hommes qui furent des amis de jeunesse après 41 ans de séparation.

     Sándor MÁRAI, par une habile construction dramatique du roman, nous tient en haleine et attise notre réflexion. Qui dit passion dit aussi amour, possession, chantage, jalousie, haine, rupture, suicide, meurtre...

     Le sujet du livre n’est pas politique, mais l’Histoire et les évènements politiques d’Europe centrale de 1860 à 1940 sont en filigrane. On pourrait cependant avoir l’audace de considérer cette histoire aussi comme une métaphore les illustrant. Le capitaine de la Garde, et le vieux général seraient représentatifs de la grandeur, la richesse, le prestige, la culture, la puissance de l’Empire Austro-hongrois assemblant et protégeant de multiples nations. Christine et Conrad représenteraient ces pays aux traditions si différentes que seul, l’empire unit. La langue régionale, la musique et les danses folkloriques les aident à se ressourcer. Ces singularités exotiques, d’abord considérées comme vénielles par le pouvoir central, deviennent un mode de ralliement, un langage ésotérique inquiétant et finalement le véhicule de l’aspiration de ces peuples à l’autonomie, à l’indépendance. Ce mouvement débouchera sur leur révolte sanglante.

     La traduction de Marcelle et Georges Régnier donne un texte fluide agréable à lire permettant d’apprécier tout le talent de l’écrivain Sándor MÁRAI.

 

6 novembre 2011

Mustapha TLILI (1937) Un Après-midi dans le désert (2008)

Mustapha TLILI (1937) - Un Après-midi dans le désert (2008)

     Le vieil autocar poussif qui dessert, depuis la capitale lointaine, chaque semaine en principe, le village de La Montagne du Lion, apporte dans ses soutes le gros sac gris du courrier. C’est aujourd’hui qu’arrivent les nouvelles et les mandats de fin de mois adressés par les enfants exilés à leurs vieux parents restés au pays. Sam, le facteur, a devant lui tout cet après-midi caniculaire de juillet 1992 pour préparer, dans la pénombre du bureau de poste, la tournée qu’il n’entamera qu’à la fraîcheur du soir. Parmi toutes ces lettres, une d’elles lui est adressée, à lui, Sam. Une lettre de « Petit-Frère », son ami d’enfance, le fils cadet d’Horïa El-Gharib, « Tête Brûlée » que tous croyaient disparu ! Sam a tout de suite reconnu sa petite écriture fine, appliquée, sous le timbre pakistanais. Il n’est pas pressé d’ouvrir l’enveloppe qui protège « la vérité », un message attendu, mais dont il redoute les révélations.

     Grillant cigarette sur cigarette, Sam se remémore l’amitié qui le liait autrefois à « Petit-Frère ».  Il a tant changé depuis. Ne lui a-t-il pas tenu des propos blasphématoires lors de sa dernière visite ? Et que penser de son comportement envers lui, son ami, cette nuit-là en traversant le cimetière ! Et voilà que pour tous, lui, l’apostat, est devenu « Tête-Brûlée », combattant l’Occident par le monde, au service des causes extrémistes !

     Sam laisse défiler dans l’atmosphère sombre et enfumée du bureau de poste les péripéties des quinze années qui ont précédé le départ des Français, et les grands évènements qui ont bouleversé le village les trois décennies suivantes.

     Au pied des Montagnes Bleues, village désolé, tantôt proie d’une chaleur d’enfer, de la sécheresse de la steppe et de la poussière du Sahara, tantôt ravagé par les éléments déchaînés, abandonné de tous, perdu à la lisière du désert, la Montagne du Lion a bien changé aussi ! Les riches jardins, les arbres ployant sous les fruits, les fleurs exubérantes, la végétation luxuriante ont dépéri depuis que la petite rivière a été détournée. Les aléas climatiques, les errements économiques, politiques et maintenant la menace islamiste, ont eu raison du village de son enfance, du temps des Français, avant la catastrophe. Les squelettes secs des magnifiques peupliers du quartier européen de La Source en restent les seuls témoins.

     En ce temps là, dès l’heure de l’apéritif, la clientèle des habitués se présentait à l’Hôtel des Peupliers tenu d’une main de fer par Mathilde, la veuve Garnier. Le jeune Bédouin rescapé de l’enfer du désert, Hafnawi, promu gigolo de la patronne servait au bar cochant scrupuleusement sur une ardoise les consommations des légionnaires. Souvent ces derniers ne rentraient à leur base qu’au lever du jour. Une partie importante de la vie sociale des expatriés français, des fonctionnaires pour la plupart, se déroulait dans la grande salle du bar et sous la véranda.

     Perplexes, les autochtones, employés, domestiques, observaient avec un intérêt discret l’évolution des amours, des tensions, des jalousies, des espoirs, des déceptions des habitants de La Source. Le narrateur nous rapporte les confidences d’Hafnawi sur cette époque d’avant la grande catastrophe. Témoin d’abord muet, le Bédouin prendra place petit à petit dans le microcosme des initiés jusqu’à en devenir un élément privilégié avec l’irruption dans la vie du groupe de la nouvelle épouse de l’instituteur Monsieur Bermann, Ursula.

 *****

     Sous couvert d’un roman anodin d’amour et d’adultère, le récit de Mustapha TLILI est une chronique subtile de cinquante ans d’un village qu’on peut imaginer se situer dans le sud-est algérien.

    Une succession de cultures ont tenté de s’imposer en Algérie depuis l’origine des temps. Horïa El-Gharib, descendante de savants-guerriers venus d’Andalousie, le sait bien elle, qui a hérité de riches manuscrits de ses ancêtres fondateurs de La Montagne du Lion.

      Les habitants de l’Algérie française se concentrent en communautés bien distinctes. Les Européens vivent à La Source. Les Indigènes habitent le village ancien au-delà des cimetières.

 « ...il y avait à l’époque, à la Montagne du Lion, trois centres de pouvoir : la poste et monsieur Ménard, la gendarmerie et Monsieur Faure, l’hôtel des Peupliers et la « veuve Garnier » ; il y avait aussi, mais à part, la mosquée et l’imam Sadek. »

    Les groupes ne sont pas complètement étanches : les gens de la Montagne descendent des douars et les  bédouins nomades du désert échangent leurs produits au marché hebdomadaire et animent les grandes fêtes régulières où les Françaises achètent de magnifiques bijoux artisanaux et de superbes tenues traditionnelles bédouines. Le personnel de l’exploitation apprécie l’humanité du colonel Garnier le propriétaire pied-noir et se réjouit de son retour des camps nazis. Mathilde et le régisseur corses sont au contraire les modèles des abus tyranniques de certains colons. La vigilance et la sagesse du vieux Mokthar en font le médiateur entre les employés et la patronne de l’Hôtel des Peupliers. Ses interventions prudentes calmeront les angoisses et les fureurs de Mathilde dans sa relation avec le jeune Bédouin. Des élèves indigènes, les fils d’Horïa, sérieusement préparés par l’instituteur, Monsieur Bermann, ont été reçus premiers au concours d’entrée en sixième, ce qui lui vaut la confiance et le respect de toute leur communauté.

     La société des expatriés français n’a pas plus d’unité. Du brouhaha des conversations entremêlées émergent des bribes d’entretiens, des réflexions inquiètes ou critiques sur la politique de Mendès, un juif comme Bermann, qu’on n’aime guère semble-t-il. Pour ce dernier, Hafwani n’est qu’«un indigène aux origines pittoresques».  Certains comme Monsieur Ménard, le receveur des postes et Monsieur Faure, le chef de la gendarmerie, apprécient la culture ancestrale, la richesse morale d’Horïa, le courage et la ténacité de  Sââd, le Nubien mutilé dans les combats de Monte Cassino ainsi que la sagesse de Mokhtar avec lesquels ils aiment s’entretenir. Lucides, ces deux hommes perçoivent la fin inéluctable de la présence française. Ils imaginent que ces gens de valeur auront une place majeure dans la construction de leur nation. Hélas, l’Histoire évoluera différemment !

     Depuis l’Indépendance de l’Algérie, un discours manichéen exclusivement négatif est répandu sur la période coloniale française. Autant cette dépréciation est compréhensible en Algérie où les jeunes pouvoirs successifs ont eu besoin de trouver une assise, autant surprennent, le dénigrement systématique de cette époque de l’histoire de France et la « repentance » globale affichés par les instances politiques et relayés auprès du public par les milieux intellectuels et médiatiques français. Cette attitude « officielle » couvre-t-elle, sous cette simplification extrême, une complicité tacite pour les uns qu’éclairera dans encore nombre d’années, l’ouverture de dossiers classés secrets¹ ou pour les autres une ignorance de la complexité des faits et de la société algérienne aussi bien européenne qu’autochtone de la fin de la Seconde Guerre Mondiale à l’Indépendance du pays? Mustapha TLILI a le mérite de nous présenter ce passé avec plus de distance et de sérénité.

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 L’AUTEUR :

     Mustapha TLILI est né en Tunisie  en 1937. Il est parti très tôt à l’étranger après ses études secondaires. Sa carrière professionnelle s’est déroulée entre Paris et New York où il était fonctionnaire aux Nations Unies. Il est  chercheur à l’Université de New York et fondateur du Centre pour le Dialogue de l’Université de New York. 

 

    Sa carrière littéraire a commencé avec la parution en 1975 de La Rage aux tripes puis s’est poursuivie avec Le Bruit dort en 1978 et Gloire des sables (1982) qui fait une description prémonitoire de l’instrumentalisation d’un Américain d’origine algérienne tout à fait intégré aux États-Unis, son pays d’adoption, et sa transformation en terroriste.

     Il participe aux collectifs Pour Nelson Mandela en 1986.

     La Montagne du Lion sort en 1988. En 2008, vingt ans plus tard la Montagne du lion servira à nouveau de cadre au roman Un Après-midi dans le désert qui a été récompensé la même année par le Comar d’Or en langue française.

     Un Après-midi dans le désert a été traduit en langue arabe par Slaheddine Boujeh, puis paraissait l’année suivante en Tunisie la traduction de Gloire des sables par le Centre National de la Traduction.

Note :

¹Voir à ce sujet l’article d’Arnaud Folch n° 3910 du 3 au 9 novembre 2011 du magazine « Valeurs Actuelles » à propos de l’ouvrage d l’historien Jean-Jacques Jordi Un silence d’État, les disparus civils européens de la guerre d’Algérie paru en 2011, chez Soteca-Belin (200 pages, 25€)

Lien:

http://www.afrik.com/article14877.html

 

 

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