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23 octobre 2011

CANNIBALE (1998) - Didier DAENINCKX (1948)

Message complété le 28 janvier 2012

CANNIBALE (1998) - Didier DAENINCKX (1948)

Didier DAENINCKX est né à Saint-Denis en 1949. De 1966 à 1975, il travaille comme imprimeur dans diverses entreprises puis comme animateur culturel, avant de devenir journaliste pour plusieurs publications municipales et départementales.

 En 1983, il publie Meurtres pour mémoire(1984), première enquête de l’Inspecteur Cadin. De nombreux romans noirs suivent, parmi lesquels La mort n’oublie personne, Lumière noire (1987), Mort au premier tour, Un château en Bohème.

C’est un écrivain engagé à gauche. Il est l’auteur de plus d’une quarantaine de romans et de nouvelles. Œuvres

Cannibale est paru en 1998.

 L’HISTOIRE :

Elle est basée sur un fait réel, l’Exposition coloniale, en 1931, à Paris. Les différents pavillons ont pour cadre le zoo de Vincennes. Des groupes ethniques amenés de toutes les colonies françaises sont chargés de l’animation de l’Exposition en présentant au public leur culture ancestrale, afin de montrer l’action « civilisatrice » de la métropole auprès des populations « pour gagner à la douceur humaine les cœurs  farouches de la savane, de la forêt ou du désert… ».

Quelques jours avant l’inauguration officielle, tous les crocodiles meurent dans le marigot, victimes d’une nourriture inadaptée ou d’un empoisonnement. Pour remédier à la catastrophe, une solution est négociée par les responsables de l’organisation : des Canaques seront échangés contre autant de sauriens appartenant à un cirque allemand, le cirque Höffner de Francfort-sur-le Main, afin de renouveler l’intérêt du public allemand.

En s’inspirant de ce fait authentique, Didier DAENINCKX situe son récit pendant les révoltes du peuple kanak dans les années quatre-vingt. Le héros, Gocéné, en route vers son village, est arrêté par un barrage de manifestants kanak. Caroz, un ami blanc, conduit la camionnette. Son ami est prié de rebrousser chemin. Avant de poursuivre sa route à pied, le vieil homme raconte aux jeunes gardes du barrage, l’origine de son amitié avec Caroz.

Le récit de Gocéné permet de mettre en évidence que la présentation par les autorités locales en 1931 de l’opportunité d’un tel voyage vers la France, pour les 20 jeunes gens et les 10 jeunes filles choisis par le chef du village, se révèle très rapidement être une tromperie.

 L’expédition se fait dans des conditions indignes pour ces « invités » de la métropole : traversée maritime inconfortable, nourriture inadaptée, 3 d’entre eux victimes de la malaria jetés par dessus bord, au mépris des coutumes ancestrales. Arrivés sur le sol de la métropole, leur transfert immédiat de Marseille à Paris-Zoo de Vincennes est une plongée dans l’inconnu du monde urbain industrialisé, et de la campagne française, la découverte d’un climat surprenant.

Il n’est aucunement question de visite touristique. Au zoo, les rescapés sont enfermés dans le village canaque au milieu des animaux exotiques. Au mépris de leur culture ancestrale et chrétienne, on leur impose de « jouer » aux sauvages anthropophages, polygames, à demi-nus, selon l’imaginaire des tenants de la « civilisation ».

Minoé, la jeune fille qui était promise à Gocéné, fait partie du convoi destiné au zoo de Francfort-sur-le Main. Muni du pécule de la petite communauté, celui-ci, accompagné de Badimoin se lance à la poursuite de leurs congénères à travers Paris.

En  essayant de passer inaperçus, les deux hommes mettent à profit leurs capacités d’observation, leur entraînement à la marche, acquis dans l’île, pour se repérer, se diriger et survivre, pendant leur épopée dans les souterrains du métro et les rues de Paris.

C’est l’occasion, pour le lecteur, d’entrer dans la capitale des années 30, où les étrangers sont des provinciaux, où les portes de la ville sont encore en banlieue, où les habitants des colonies sont presque inconnus, bien qu’ils aient participé à la première guerre mondiale.

Si les fonctionnaires de l’exposition se montrent bornés et inhumains, les deux fugitifs trouveront de l’aide auprès d’un ancien soldat africain gazé à Verdun qui nettoie les couloirs du métro, Fofana.

 Alors que Badimoin vient d’être abattu par la police, c’est un passant, Francis Caroz qui protège Gocéné des balles des forces de l’ordre, ce qui lui vaut d’être condamné à 3 mois de prison pour rébellion à la Force publique.

Gocéné, après 15 mois de prison, retrouve ses frères d’exhibition au pays et peut alors épouser Minoé.

Son récit achevé, le vieillard reprend son chemin vers le creek. Soudain les hélicoptères des gendarmes survolent  et mitraillent la zone du barrage.

 

Que se passe-t-il à la fin ? Le lecteur peut avoir un doute : « Mon corps fait demi-tour » Gocéné a-t-il été touché par les tirs ou, sans prendre le temps de réfléchir, il fonce-t-il soutenir les jeunes sur le barrage ? Il semble que cette dernière hypothèse soit à retenir.

 

Dans ce petit roman, Didier DAENINCKX fait œuvre pédagogique en faisant prendre conscience au lecteur que les événements que nous vivons aujourd’hui, comme le ressentiment de certains descendants d’acteurs de faits peu connus du grand public envers la métropole et l’État français, sont parfois la conséquence du mépris, de l’ignorance voire de la sottise et de maladresses de l’État français et des hauts fonctionnaires des colonies.

Un ancêtre du footballeur Didier Karembeu (cité dans l’ouvrage) a fait partie du contingent expédié en Allemagne. On dit que ce dernier aurait tenu à se marier dans une île, en Corse, à grand renfort médiatique, plutôt qu’en métropole, pour marquer sa rancœur concernant le traitement vécu par son grand-père. Il témoignerait que ces personnes de retour au pays seraient restées silencieuses sur le sort qui leur a été réservé, tant elles se sont senties humiliées.

Ce livre nous permet de penser que le groupe canaque n’a pas été le seul groupe à subir une telle humiliation, des représentants de multiples ethnies venant de tout l’Empire français ayant étés exhibées au cours de cette Exposition coloniale de 1931.

 

Par rapprochement, on pense aussi, en lisant ce récit, aux enfants réunionnais placés par l’Assistance publique, en France dans des fermes du département de la Creuse, au milieu du XX° siècle  sur initiative de Michel Debré, pour juguler le manque de main d’œuvre et le dépeuplement dû à l’exode rural. Certains d’entre eux ont été traités avec affection comme les enfants de la maison, ont pu suivre des études et apprendre un métier, d’autres ont été maltraités, méprisés, ont servi de valet de ferme, tous ont été coupés de leurs origines, de leur culture, certaines fratries ont été éclatées.  À La Réunion,  on a présenté cet exil comme une chance pour ces enfants mais leur famille, parfois leurs parents, sont restés dans l’ignorance de leur devenir.

Quelques dates

1998, signature des accords de Nouméa : Reconnaissance de l’identité canaque, autonomie croissante, possibilité dans 15 ou 20 ans, d’accéder à l’indépendance.

Le 6 juillet, le Congré adopte le projet de loi constitutionnelle permettant de mettre en œuvre les accords de Nouméa.

Le 8 novembre, référendum en Nouvelle Calédonie : abstentions, 25%, approbation de l’accord de Nouméa, 71,87% (provinces du sud, 62,99%, Nord, 86,79%, îles, 95, 47%.

Janvier 2007, les nouveaux installés en Nouvelle Calédonie ne feront pas partie du corps électoral qui votera à ce futur référendum.

 

Pour en savoir plus :

 

Du 29/11/2011 au 3/06/2012, le Musée du quai Branly à PARIS présente une exposition dont le titre  est « Exhibitions, l’invention du sauvage »

 

Lien vers  la vidéo de bande annonce de l’exposition « Exhibitions, l’invention du sauvage » 

Image de la bande annonce

 

Large extrait de l’article du magazine « Valeurs mutualistes » magazine des adhérents MGEN n° 276 de janvier/février 2012 concernant cette exposition

 

L’article est signé par Laurence Bernabeu

 

‘’L’invention de l’Autre

 

Le travail réalisé par le Commissaire général, Lilian Thuran, et les deux scientifiques, Pascal Blanchard, historien et spécialiste des zoos humains, et Nanette Jacomin Snoep, anthropologue, relève d’un véritable pari. À travers près de 600 affiches, sculptures, photographies issues de musées du monde entier et de nombreuses projections de films d’archives, l’exposition démontre en quoi ces spectacles ont servi à la fois d’outils de propagande, d’objet scientifiques et de divertissement, influençant profondément la manière dont l’Autre est appréhendé depuis cinq siècles. « Du XVe au XVIIe siècle, avec les expéditions lointaines qui se multiplient, des hommes ont été exhibés comme objets de divertissement dans les cours européennes. Le difforme (nain, obèses, géants...) et le lointain sont alors assimilés Ils attirent parce qu’ils sont « différents » c’est à dire « pas comme nous ». Ce que l’on raconte avec ces images, c’est surtout comment l’Occident a voulu voir le monde : les exotiques sont les « autres » et ceux qui les fabriquent sont « ici », analyse Nanette Jacomin Snoep.

 

Une « industrie » du spectacle exotique

 

Un cap est franchi au XIXe siècle avec l’essor de la science qui prétend expliquer la diversité morphologique, grâce à des techniques anthropométriques raffinées, et situer les peuples sur une échelle de civilisation. Le concept de race est né. De la célèbre Vénus Hottente (1815) au pavillon anthropologique de l’Exposition universelle de Paris en 1889, les spectacles « ethniques » ou « racialistes » renforcent la croyance des occidentaux envers le progrès et leur supériorité.

 

« Cette mise en scène par les Européens des peuples exotiques est, par un jeu de miroir, une mise en scène d’eux-mêmes. Ces spectacles le convainquent qu’ils sont le degré le plus abouti de l’espèce humaine et de la civilisation, ce qui tombe plutôt bien en plein boom du colonialisme… », commente Pascal Blanchard.

 

La dernière période (1890-1940) montre comment aux États-Unis et en Europe, mais aussi dans les colonies elles-mêmes (Australie, Inde, Indochine…), les jardins d’acclimatation, les villages itinérants et les expositions coloniales ont connu une expansion sans précédent. Des centaines de millions de visiteurs se déplaceront pour voir les femmes à plateau, les aborigènes, les danseuses du ventre orientales, Buffalo Bill et sa troupe…

 

Souvent rémunérés mais vivant dans des conditions déplorables (des personnes sont mortes de froid, de maladie), ces figurants sont sommés de rejouer des pseudo-rituels et exposés dans des simulacres de villages et parmi les animaux exotiques. « Alors que l’on est en train de sortir de l’esclavage, le monde s’organise dès lors entre ceux qui vont être exhibés et ceux qui seront les spectateurs », conclut Pascal Blanchard.’’

 

Des Liens :

 Un entretien de Lilan Thuram avec Laurence Benabeu

http://www.mgen.fr/index.php?id=2188

 

 Sites :  du quai Branly : quaibranly.fr

 thuram.org

 Le racisme s'infiltrait partout:

Assiette de la faÏencerie de Gien - France 1875

Une assiette de la faïencerie de Gien. La marque correspond aux fabrications commencées en 1875

Cette assiette faisait partie d'un service de 12 assiettes portant chacune une illustration différente, du même acabit. Celle-ci porte le numéro 7 et la légende :"Des goûts et des couleurs, on ne peut discuter".

ColineCélia

Voir aussi :

Irène FRAIN (1950) - Les Naufragés de l’île de Tromelin (2009)

 

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