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13 février 2011

William FAULKNER (1897~1962) – Les Palmiers sauvages (1952)

William FAULKNER (1897~1962) – Les Palmiers sauvages (1952)

Ouvrage traduit de l’anglais et préfacé par Maurice Edgar COINDREAU[1]

 

William FAULKNER avait tiré le titre de ce livre d’un psaume rappelant la captivité des Juifs à Babylone, If I Forget Thee Jerusalem (Si je t’oublie, Jérusalem). Suite au refus de son éditeur, FAULKNER choisit alors The Wild Palms (Les Palmiers sauvages). L’ouvrage est donc paru en 1939, aux États-Unis sous ce titre.  Les dernières éditions américaines ont adopté le titre d’origine. Gallimard a choisi des traductions plus récentes pour les quatre volumes qui rassemblent « Les Œuvres romanesques » de William FAULKNER dans sa collection de « La Pléiade », dans laquelle figure Si je t’oublie, Jérusalem.

Le livre est composé de deux romans distincts : Les Palmiers sauvages et Le Vieux Père (The Old Man, le surnom donné au Mississipi « Old Man River »). Ces récits sont imbriqués tour à tour par alternance des chapitres. FAULKNER bouscule aussi la chronologie. Le premier récit commence par le chapitre qui aurait été avant dernier s’il avait respecté la succession des événements. Cet artifice lui permet de maintenir l’incertitude des lecteurs jusqu’à la fin, malgré ce bond en avant.

Les Palmiers sauvages :

« Tu seras médecin comme papa !», Cette phrase probablement serinée depuis sa plus tendre enfance, par sa sœur aînée, Harry Wilbourne l’a faite sienne. Orphelin à deux ans, il s’est coulé docilement dans le moule qu’on lui avait préparé. Quelques semaines le séparent de la fin de son internat. Il aura enfin accès au diplôme tant convoité. Son assiduité, sa constance, son austérité trouveront enfin leur récompense.

Comment fêter ses vingt-sept ans ? Flint, un de ses condisciples, l’entraîne en ville à une soirée très « bohème », copieusement arrosée. C’est là qu’il est abordé par Charlotte, une jeune femme mariée, mère de deux petites filles. Rencontre insolite, qui sera suivie de quelques autres et d’amours adultères.

Très rapidement, les amants sacrifient tout pour vivre leur passion. Harry largue internat et diplôme réputé. Charlotte plaque mari et enfants. Pour fuir la tentation du confort, les habitudes, le conformisme religieux et social, Charlotte Rittenmeyer et Harry, commencent une errance qui les conduit « de la Nouvelle Orléans à Chicago, dans le Wisconsin, de nouveau à Chicago et dans l’Utah et à San Antonio et de nouveau à la Nouvelle-Orléans » dans une précarité matérielle extrême.

Les amants, dans leur quête de liberté et d’amour absolu, sont rattrapés par le quotidien et les besoins physiologiques. Plutôt qu’assumer les conséquences biologiques de leur union, Charlotte préfèrera risquer sa vie.

Une histoire très ordinaire, somme toute, comme toutes celles qu’on pouvait lire dans les romans réalistes et puritains de la fin des années 1930, destinés à l’édification des lecteurs ! Les amants, qui avaient enfreint les préceptes religieux et légaux, trouvaient une juste punition divine ou finissaient dans la misère et l’opprobre.

De cette banalité, FAULKNER a construit un roman original tant par l’écriture que par la forme et le traitement psychologique des protagonistes du récit.

À vingt-sept ans, Harry, absorbé par ses études et les petits boulots de survie, est passé à côté des exaltations et des révoltes de l’adolescence et de la jeunesse. Le jeune homme tombe dans les bras de la première femme qui s’intéresse à lui. C’est Charlotte qui mène le couple. Elle porte l’expérience du mariage et de la maternité, en connaît les écueils. C’est elle qui a propulsé leur liaison vers un amour passionnel.

Charlotte est une artiste talentueuse et inspirée. De son imagination et de sa dextérité naissent ces figurines et ces marionnettes uniques, si originales, si expressives que ses dons sont reconnus et appréciés. Mais Charlotte ne pourra s’accomplir que dans une réalisation plus forte que la création matérielle. Pour apaiser sa soif d’idéal, leur amour doit être total, intransigeant.

Rittenmeyer-« Rat », le mari bafoué est-il magnanime au point d’offrir un « chèque-retour » à son épouse infidèle et, plus tard, un comprimé de cyanure au responsable de la mort de sa femme afin d’abréger ses souffrances ? McCord, est-il l’ami serviable qui facilite toutes les étapes de l’odyssée d’Harry et Charlotte ? Leur rôle est ambigu. Ne sont-ils pas plutôt les agents du destin, Rat, le tentateur diabolique, McCord, le facilitateur ? Ceux par qui la tragédie doit s’accomplir ?

Marionnettes_en_papier_m_ch__NMS

Le vieux Père :

Chaque soir, au dortoir du pénitencier agricole de l’État du Mississippi, le grand forçat lit à haute voix les journaux du matin, à ses compagnons. Tellement coupés du monde extérieur, ils suivent, sans trop bien y comprendre, la montée des eaux, par delà la digue qui domine les champs. L’Ohio, le Missouri, le Mississipi débordent depuis quinze jours, en ce mois de mai 1927. Peut être s’intéressent-ils à la terrible lutte des équipes d’hommes, noirs et blancs mêlés, réquisitionnés pour le renforcement des digues, sous les pluies diluviennes ?

La digue de Mound’s Landing cède un matin. Le pénitencier est évacué. À bord du camion bâché puis du train, qui les ont conduits, sous bonne garde armée, vers le Vieux Père, le grand forçat et ses compagnons ont pu découvrir l’étendue du désastre.

Le grand forçat sait pagayer. Il est chargé de secourir les victimes, avec le petit gros forçat imberbe. Emporté dans un tourbillon, l’embarcation chavire. Le grand forçat se retrouve seul dans le canot à ramer obstinément contre la violence des flots. Il a cueilli une femme enceinte sur un arbre, mais n’a pas trouvé l’homme assis sur la faîtière de son hangar. Le grand forçat refusera les multiples occasions de se « faire la belle ». Il s’acharne, à ramer dans son canot chargé de la femme et de l’enfant, à la merci de la lutte entre le flot qui déferle de l’amont ou des monstrueuses incursions du mascaret qui inversent le cours des eaux.

Ayant échappé aux multiples dangers du fleuve en furie, aux menaces terrestres, le grand forçat, qu’on attendait plus, se rend. Le devoir accompli, en sécurité, à l’abri du pénitencier, il raconte à ses compagnons les péripéties de son expédition.

Crue_du_Mississipi_par_NMS

Thèmes qui se rapprochent dans les deux récits

L’enfermement : Harry comme le grand forçat choisissent l’enfermement. La prison, pour Harry, c’est éviter le néant, c’est vivre avec son chagrin et assumer sa culpabilité dans la disparition de Charlotte. Les murs du pénitencier protègent le grand forçat du monde extérieur. L’homme est courageux, persévérant, héroïque, mais il est trop vulnérable. Il préfère la routine sécurisante du travail répétitif et pénible dans les champs de coton, plutôt qu’affronter le monde extérieur où il n’a connu que des déboires. L’enfermement était déjà en eux : Harry, inhibé par une éducation mesquine et confinée ; le grand forçat, prisonnier de lectures qui ont trompé sa naïveté.

La femme est désexualisée du fait d’être mère. Charlotte refuse l’enfant au prétexte qu’il n’apporte que souffrances. En réalité, il n’a pas sa place dans l’amour fusionnel qu’elle recherche. La femme avec son bébé n’a aucun attrait pour le grand forçat. 

Les phénomènes naturels sont omniprésents dans les deux récits. Ils rappellent aux êtres humains la précarité de leur liberté. 

L’anonymat : Aucun nom pour les protagonistes du Vieux Père. Le forçat n’est plus qu’une tenue rayée avec une étiquette sur le dos. Il se distingue seulement par son apparence physique. Les armes caractérisent les gardiens et les soldats. Le chant dans l’adversité, les travaux pénibles non ou peu rémunérés sont les attributs du Noir. Les victimes de la catastrophe se noient dans une foule de réfugiés autour desquels s’activent médecins et infirmières.

La justice : FAULKNER souligne l’absurdité de la condamnation sans preuve du petit gros forçat imberbe à cent quatre-vingt-dix-neuf ans de travaux forcés. Incohérence ou prétention d’une justice qui fait jurer sur la Bible et condamne au-delà de la mort ? Et Dieu, dans tout ça ?

Le style : La qualité des récits occulte très rapidement la longueur des phrases, les abondantes descriptions et la construction du livre déroutantes à prime abord.

A propos de la grande inondation du Mississippi de 1927 (cliquez sur le lien)

http://colinecelia.canalblog.com/archives/2011/02/20/20439376.html

WILLIAM FAULKNER (1897~1962) - BIOGRAPHIE - SES NOUVELLES - SES ROMANS (cliquez sur le lien)

http://colinecelia.canalblog.com/archives/2011/02/27/20499273.html

William FAULKNER (1897~1962) – The Sound and the Fury – Le Bruit et la Fureur (1929)  

 

[1] Maurice Edgar COINDREAU (1892~1990)

 Agrégé d’Espagnol, M. E. COINDREAU commence sa carrière d’enseignant au lycée de Madrid, puis de 1922 à 1961, il exerce au lycée de Princeton au USA.

 Il traduit pour les Éditions Gallimard toute la génération de romanciers américains de l’entre-deux–guerres Dos Passos, Hemingway, Faulkner, Caldwell, Steinbeck, William Maxwell, Truman Capote, William Goyen, William Styron, Reynolds Price,Fred Chappell, Vladimir Nabokov (en collaboration), Shelby Foote, William Humphrey (en collaboration) ainsi que les romanciers espagnols Valle Inclan, Juan Goytisolo, Rafael Sanchez Ferlosio, Miguel Delibes, Elena Quiroga, Ana Maria Matute, Juan Marsé.

Un prix qui porte son nom récompense chaque année "le meilleur livre américain en traduction française", depuis 1981.

Il a écrit de nombreuses préfaces et introductions aux œuvres qu’il a traduites.

En 1942, La Farce est jouée ; en 1946, Apercus de littérature américaine, en 1974 et 1992, Mémoires d’un traducteur, ses entretiens avec Christian Giudicelli, sont parus chez Gallimard.

 http://www.imec-archives.com/fonds_archives_fiche.php?i=CND

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