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30 janvier 2011

Hermann HESSE (1877~1962) - Le Loup des steppes (1927)

Hermann HESSE (1877~1962)

Le Loup des steppes (1927)

       Le héros du roman nous est d’abord présenté de l’extérieur par un éditeur fictif censé publier les carnets qu’un locataire de sa tante lui a laissés. Le manuscrit avait été rédigé pendant son séjour et leur auteur l’autorisait à en disposer à sa guise. Harry Haller avait attiré l’attention, puis l’intérêt, du neveu de la logeuse. Il avait été intrigué par le comportement de cet homme tour à tour ténébreux, rébarbatif, méprisant, ou affable et charmant compagnon à la conversation captivante.

      Dès le sous-titre des Carnets de Harry Haller, « Réservé aux insensés », noAraucariaus savons que nous entrons dans l’irrationnel. Harry Haller est un homme en détresse psychologique. Deux tendances s’opposent en lui. L’une génère un homme cultivé, sociable appréciant la vie policée, prenant le temps de vivre et goûtant les distractions à la mode, ayant plaisir à partager autant qu’à recevoir. L’autre, qu’il qualifie de loup des steppes, fait de lui un animal sauvage égaré dans le monde des humains. Les deux cohabitent et se livrent un impitoyable duel. Alternativement, la première prend le dessus, tandis que la seconde veille sournoisement et revient incessamment à la charge jusqu’à l’emporter à son tour. 

     Harry_Loup_des_steppesrInstallé autrefois confortablement dans la société, apprécié et célèbre, il fut vilipendé par la presse de son pays, désapprouvé des intellectuels et des bourgeois, y compris ses meilleurs amis. C’était un peu avant la Première Guerre mondiale. Il avait rédigé des articles pacifistes dans lesquels il condamnait les techniques nouvelles au service des guerres et des causes telles que le libéralisme effréné, le nationalisme et le bolchevisme. Sa femme, devenue folle, l’avait chassé de chez lui.

       Alors, le Loup des steppes a supplanté Harry Haller. À bientôt cinquante ans, il méprise les distractions superficielles et éphémères, et vit maintenant en misanthrope, entouré de ses livres de spiritualité, de littérature et de poésie. Ses compagnons sont Goethe, Mozart et Beethoven. Ses réflexions s’accompagnent de plus en plus de tabac et de vin. Cependant, l’isolement ne comble pas ses attentes, d’autant plus qu’il a conscience que son refus des conventions sociales n’est pas compatible avec le bonheur d’habiter un immeuble bourgeois soigné, ou de se laisser aller aux délices d’une méditation devant un araucaria.

      Âme en peine, ruminant ses dégoûts, ses rejets, ses haines et son infortune existentielle, il déambule par les rues de la ville. Il noie, au passage, son ennui dans le vin des tavernes. Silencieux à sa table parmi les habitués, il repousse des nuits entières le moment de retrouver son logement où l’attend le rasoir tentateur, mais effrayant. Il y reste à vider verre sur verre, dans l’atmosphère bruyante et enfumée du Casque d’Acier.

      Une nuit, alors qu’il rentre chez lui, victime d’une hallucination, il se trouve devant l’entrée d’un théâtre, le Théâtre magique. Quelques minutes plus tard, il croise le porteur d’une pancarte annonçant le prochain spectacle « Réservé aux insensés ». Surgi de nulle part, l’homme, avant de disparaître aussitôt, lui tend le Traité sur le Loup des steppes.

     L’ouvrage décrit les deux faces de la personnalité d’Harry-Loup des steppes aussi bien que s’il avait été rédigé de sa main.

     Harry Haller est invité à dîner par un professeur. Autrefois, il avait apprécié discuter avec lui des mythologies orientales et s’en savait admiré. Dès le début de la soirée, ses deux identités se disputent âprement la place. Le Loup des steppes fait un esclandre quand le maître de maison exprime une critique réprobatrice sur un article dont il ignore qu’Harry est l’auteur. Le goujat assène peu après un jugement péremptoire et insultant sur la qualité d’un portrait de Goethe auquel l’épouse du professeur tient particulièrement. Chassé par ses hôtes ulcérés, l’homme arpente les rues dans la nuit, retardant l’instant du coup de rasoir espéré et redouté qui mettra fin aux éternels combats qui se livrent en lui.

Hermine_dessin    Son errance le conduit dans un faubourg populaire. Dans la salle bondée de la Taverne de l’Aigle noir, il trouve une place à la table d’une mystérieuse jeune femme, Hermine, dont le visage lui rappelle Hermann son ami de jeunesse. Celle-ci lui démontre combien ses confits intérieurs sont vains et lui propose un étrange contrat qu’il accepte. Ses deux entités conciliées, il devra la tuer.

       « Coaché » par Hermine, Harry apprend et pratique les danses à la mode, rit, goûte les joies simples conviviales, dîne en ville, découvre les plaisirs de la chair avec Maria et rencontre Pablo, le saxophoniste passionné de jazz et pourvoyeur des drogues propres à calmer et museler le Loup des steppes. Sa participation au grand bal masqué endiablé qui réjouit toute la ville est l’apogée de la métamorphose. L’exaltation ressentie à la fin du bal dès ses retrouvailles avec Hermine-Hermann, les propulse tous deux, dans le monde fantastique du Théâtre magique.

     Grâce à Pablo, magicien énigmatique, Harry momentanément séparé d’Hermine-Hermann, s’enfonce au plus profond de son inconscient y découvre un univers surnaHarry_et_son_doubleturel de situations rocambolesques générant chez lui des émotions intenses, tragiques, sensuelles ou libérant son agressivité et sa cruauté. Il revisite le passé, répare les actes manqués. À travers un miroir magique, il accède aux portes de la mort, aux espaces d’une profondeur incommensurable où sont réunis les immortels, y rencontre Goethe, et s’entretient musique et perpétuité avec un Mozart railleur. Il peut enfin clore le contrat, posséder Hermine en lui plantant un poignard dans le corps. Condamné à être exécuté, sermonné par Mozart, il retrouve ses sens en présence de Pablo. Harry Haller est disposé à renouveler l’expérience qui lui a permis de prendre conscience des multiples personnages qui l’habitent. « Un jour, je jouerais mieux ; un jour, j’apprendrais à rire. Pablo m’attendait. Mozart m’attendait. »

*****

Le Loup des steppes, un roman surréaliste?

     Certains trouvent du surréalisme, dans l’ouvrage d’Hermann HESSE.

- Le surréalisme fondé par André BRETON (1896~1966), héritier de Dada fondé par Tristan TZARA (1896~1963) à Zurich en 1916 regroupait des artistes écœurés par les massacres de la Première Guerre mondiale, et s’élevaient contre le nationalisme d’après guerre. Hermann HESSE-Harry Haller, plus âgé, s’était insurgé plus tôt contre l’esprit belliciste des nations de part et d’autre du Rhin, comme eux, il protestait contre le nationalisme montant.

- Si Hermann HESSE voit un danger dans l’expansion du bolchevisme, BRETON adhère au parti communiste en janvier 1927.

- Les surréalistes doivent intégrer la vie psychique inconsciente dans leur œuvre, sans le contrôle de la raison dans un but de création. Si Hermann HESSE/Harry sonde son inconscient, c’est pour concilier le réel et le spirituel, pour trouver un sens à sa vie. Le roman est un exutoire, un jalon posé afin de pouvoir progresser, explorer d’autres pistes, dans l’investigation de son inconscient.

- Les surréalistes pratiquent l’écriture automatique spontanée, sans relecture. Le roman de H. H. est construit, le style est académique, même si le contenu du propos témoigne du mal être du héros.

- Les surréalistes sont en lutte contre les valeurs reçues, et s’intéressent aux « Arts premiers ». H.H. est attaché à la culture, à Goethe et Mozart, est attiré par la spiritualité et les Mythologies asiatiques élaborées et rejette les techniques nouvelles de son époque (1927).                                                

     Le mot surréalisme est souvent employé pour qualifier l’irréel, alors qu’il correspond à une pensée révolutionnaire culturelle, politique et artistique.

Harry_Haller

*****

Le Loup des steppes, un roman fantastique? 

        Un genre fantastique était très présent en Allemagne au début du XIXème siècle chez les romantiques allemands comme Johan Wolfgang von GOETHE (1749~1832), L’Apprenti sorcier (1797), et surtout son Faust 1 (1808) ; Ernst Theodor Amadeus HOFFMANN (1776~1830), Les Élixir du diable (1816). Un fantastique sombre et pessimiste a marqué les années 1890 à 1930, dans les pays germanophones.

 - Le lecteur se trouve dans l’incertitude, l’ambiguïté, l’hésitation, l’entre-deux pour interpréter les faits.

 - Le récit quitte le rationnel pour relater un voyage mythique, oppose le bien (la culture et la spiritualité) au mal (la joie de vivre, les techniques, le jazz), le paradis à l’enfer.

 - Il met en scène l’irruption du surnaturel dans une mise en scène étonnante et angoissante pour le héros qui bascule dans l’univers fantastique du Théâtre magique à cause de son désir amoureux très violent.

 - La présence du double brouille la frontière entre rêve et réalité.

 - Le lecteur navigue entre les points de vue des personnages secondaires et le point de vue du héros, qui dans le Loup des steppes, sombre dans la psychopathie.

 - Le héros se trouve brusquement en présence d’un homme surgi de nulle part, disparu aussitôt, qu’il retrouve plus tard sur son chemin, suivant un enterrement.

 - Hermine, sans culture mais parlant comme un livre, intervient, bonne fée, au moment opportun alors que le héros n’a plus que la mort pour venir à bout de sa solitude et de son désespoir.

 - L’existence d’un contrat lie Harry à Hermine, son reflet opposé (son négatif, au sens photographique).

 - Pablo sert d’intermédiaire entre le réel et le surnaturel.

 - Le héros entre dans l’univers fantastique grâce à des philtres, poudres magiques ou autres formes de stupéfiant, et par un miroir.

 - Apparitions et disparitions mystérieuses dans la poche d’Harry du jeton de vestiaire, de messages, du poignard. 

 - Sous ses aspects de fiction, Hermann HESSE ne se retient pas de faire quelques critiques politiques.

 - Des artifices de point de vue sont utilisés, avec des modifications de typographie. Le roman est introduit par une personne étrangère à l’histoire. Le manuscrit d’Harry Haller contient un Traité sur le Loup des steppes de style didactique, des poèmes, le compte rendu à la première personne de l’aventure de son auteur.

      Tous ces points sont caractéristiques du genre fantastique.

           Si le fantastique peut apparaître dans une œuvre surréaliste, il est une création venue de l’inconscient où le rêve devient réalité. Le fantastique du Loup des steppes est d’une tout autre nature, il obéit à un rituel.

 

Timbre_sur_Hermann_HESSE_2

 

      Les techniques nouvelles (le cinématographe, le gramophone, la radiodiffusion etc.), accusées par H. HESSE sont maintenant obsolètes. Elles étaient  les devancières de celles qui nous semblent indispensables aujourd’hui. Procédés capables de produire de merveilleuses  réalisations mais aussi de servir des causes bellicistes, nationalistes, totalitaires, les excès capitalistes. Le jugement d’Hermann HESSE à leur propos, loin d’être dépassé et réactionnaire, est au contraire prémonitoire. Aujourd’hui, ne remet-on pas en question leur développement anarchique au mépris de l’environnement naturel, des conséquences climatiques, des ressources en matières premières et du respect de l’Homme qu’ils réduisent à l’état de simple « ressource humaine » ?

      Hermann HESSE a mis de nombreux éléments biographiques dans Le Loup des steppes. C’est un roman déroutant, rébarbatif sur les conflits existentiels, dans lequel il est difficile d’entrer jusqu’à la rencontre avec Hermine. Le lecteur reste étranger au récit. Une sorte de voyeurisme l’aide à maintenir son attention. L’auteur libère des obsessions qui ne sont pas les siennes. Le propos du livre reflète l’influence piétiste subie par l’écrivain. La spiritualité du piétisme est une piété personnelle et un sentiment religieux plus que l’observance stricte d’une doctrine. De même, la solution de nos problèmes est en nous, elle ne peut venir d’ailleurs. C’est à nous de trouver et donner un sens à notre vie sur Terre.

Timbre_sur_Hermann_HESSE

          Le livre, comme toutes les œuvres de HESSE, a été interdit en Allemagne sous les Nazis. Il n’y fut donc connu qu’après la Seconde Guerre mondiale. Il rencontra la faveur de la jeunesse dans les années 1960 à 1980, par les États-Unis avant de revenir en Allemagne. Un groupe de rock’n roll canadien dans les années 1970, a même pris le nom de Steppenwolf. Un réalisateur suisse, Fred Haines a filmé un drame psychologique « Le Loup des Steppes » (produit en 1974), inspiré par Le Loup des steppes.

 

Timbre_Hermann_HESSE_3

 

Des timbres à l’effigie de H. HESSE sur

http://www.google.fr/images?client=firefox-a&rls=org.mozilla%3Afr%3Aofficial&hl=fr&source=imghp&q=TIMBRE+SUISSE+HERMANN+HESSE&btnG=Recherche+d%27images&gbv=2&aq=f&aqi=&aql=&oq=

et

http://www.google.fr/images?hl=fr&client=firefox-a&rls=org.mozilla%3Afr%3Aofficial&gbv=2&tbs=isch%3A1&sa=1&q=TIMBRES+HERMANN+HESSE&btnG=Rechercher&aq=f&aqi=&aql=&oq 

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23 janvier 2011

Jim HARRISON (1937) – BIOGRAPHIE – BIBLIOGRAPHIE

Jim HARRISON (1937) – BIOGRAPHIE – BIBLIOGRAPHIE

L’écrivain américain Jim HARRISON est né le 11 décembre 1937 à Grayling dans le Nord du Michigan. Ses parents font partie de la petite bourgeoisie. Ils emménageront trois ans plus tard à Reed City toujours dans le Michigan. Son père, agent agricole, est spécialisé dans la conservation des sols. Sa mère est d’origine suédoise. La famille comptera cinq enfants.

À seize ans, en 1953, il décide de devenir écrivain et quitte le sud pour aller étudier la littérature à Boston et à New York.

En 1960, à l’université, Jim HARRISON se lie d’amitié avec le futur écrivain Thomas MC GUANE[1], et obtient sa Licence de Lettres. Il épouse Linda King la même année. Le couple aura deux filles, Jamie et Anna.

Son père et sa sœur Judith meurent dans un accident automobile en 1962.

En 1965, il obtient son master de Lettres et publie son premier recueil de poésie, « Plain Chant ».

Il devient assistant d’anglais à l’université de Stony Brook (État de New York), poste auquel il renoncera rapidement pour se consacrer à l’écriture. Il rédige des articles de journaux, des scénarios, des recueils de poésie et ses premiers romans.

En 1967, il retourne dans le Michigan. La famille s’installe dans une ferme à Lake Leenau.

En 1971, il publie le roman Wolf, Mémoires fictifs  et  ses poèmes Oulyers and Ghazals (Lointains et Ghazals), puis en 1973, le roman Un beau jour pour mourir, et Lettres à Essenine (courrier fictif).

En 1975, peu après la publication de Farmer (Nord Michigan), Thomas Mc GUANE, qui écrit des scénarios pour Hollywood, lui fait rencontrer Jack Nicholson. Les deux hommes se lieront d’amitié. Grâce à Nicholson qui lui prêtera l’argent nécessaire pour nourrir sa famille, Jim HARRISON pourra consacrer tout son temps à l’écriture. Avec Mc GUANE, il écrit plusieurs scénarios pour Hollywood.

En 1979, un recueil de 3 nouvelles, Légendes d’automnes, est son premier succès littéraire. Suivront

les autres romans

1981, Warlock (Sorcier)

1984, Sundog (Faux soleil)

1988, Dalva

1998, The Road Home (La route du retour) (suite de Dalva)

2004, True North (De Marquette à Veracruz)

2007, Returning to Earth (Retour en terre) (suite de De Marquette à Veracruz)

2008, The English Major (Une Odyssée Américaine)

 Ses poèmes :

1977, Returning to earth

1982, Selected and new poems

1989, Théory and practice of rivers (Théorie et pratique des rivières)

1996, After ikkyu and other poems (L’éclipse de lune de DavenPort)

1998, The shape of the journey

Ses nouvelles :

1979, Legends of the fall (Légendes d’automne), 3 nouvelles

1990,The woman lit by fire flies (La femme aux lucioles), 3 nouvelles

1994, Julip, 3 nouvelles

2000, En route vers l’Ouest, 3 nouvelles

2010, Les jeux de la nuit, 3 nouvelles 

 des essais sur la vie :

1990, Just begfore dark (Entre chien et loup)

 Un texte pour enfants :

2000, The boy who ran to the woods (Le garçon qui s’enfuit dans les bois)

 Un recueil d’articles parus dans les années 80 et 90 :

2001, Adventures of a rowing gourmand (The raw and the cooked), réflexions sur la nourriture.

 Des mémoires :

2002, Off to the side

 Pour le cinéma : en 1989, il adapte sa nouvelle Une vengeance et en 1994, il écrit le scénario de Wolf.


[1] L’écrivain américain Thomas MC GUANE est né en 1939. Nombre de ses livres ont été publiés en France sous les titres suivants : 33° à l'ombre (1978), Embuscade pour un piano (1990), L'homme qui avait perdu son nom (1990), Comment plumer un pigeon (1990), Le club de Chasse (1992), Panama (1992), La source chaude (1994), Rien que du ciel bleu (1994), Outsider (1996), L'ange de personne (1997), Intempéries (2003), À la cadence de l’herbe (2004), En déroute (2006)

16 janvier 2011

Jim HARRISON (1936) – La Route du Retour (1998) traduit de l’anglais par Brice MATTHIEUSSENT

Jim HARRISON (1936)La Route du Retour (1998)
traduit de l’anglais par Brice MATTHIEUSSENT[1]

Dans Dalva (1987), nous avions suivi le destin de la famille Northridge par le journal de l’héroïne, Dalva, les notes de son amant du moment Michael qui, lui même étudiait les récits de John Westley, l’arrière-grand-père, défenseur de la cause indienne. Le livre se terminait en 1985. Un nouvel horizon s’ouvrait dans la vie de Dalva qui s’apprêtait à rencontrer son fils Nelse. Onze ans plus tard, Jim HARRISON apporte un éclairage nouveau à l’histoire de Dalva et la complète, dans La Route du Retour.

Le roman est l’enchaînement des journaux intimes des acteurs principaux du roman. Souvenirs intimes, évocations historiques, traditions ancestrales, petits et grands bonheurs, amours fugaces ou durables, amitiés profondes, chagrins, drames, culpabilité, vulnérabilité, force, générosités, lâchetés, frayeurs, exaltation contemplative de la nature, révoltes, rêves, plaisirs subtiles et raffinés, « cuites carabinées», élucubrations oiseuses, méditations philosophiques ou métaphysiques, références culturelles pour initiés, rencontres. Des détails et les soucis des plus prosaïques s’y mêlent. Dans cette profusion hétéroclite, se cachent les éléments du puzzle qui, assemblés révèlent une image nette et précise de la famille de Dalva. Au lecteur de faire le tri. Tous les Northridge ont en partage l’amour et le respect de la nature, la solidarité familiale, la fidélité en amitié, le  souci de donner un sens à leur vie. Chacun est porteur de qualités et de défauts. Cette humanité les rend attachants.

Nous retrouvons les mêmes protagonistes dans les deux romans. Jim HARRISON a évité le piège des redites et du délayage complaisant que l’on rencontre la plupart du temps dans les sagas familiales. Les mêmes situations vécues et rapportées différemment par les uns et les autres prennent toutes leurs dimensions. Les caractères des personnages et leur rôle respectif s’affirment avec toute leur complexité. En fermant le livre sur la dernière page, on comprend que Jim HARRISON ait désiré revenir sur le métier après la parution de Dalva. Son ouvrage trouve son accomplissement avec La Route du Retour.

Pour se faire une idée de l’univers pictural du grand-père Northridge

Vous pouvez consulter ces sites :

Charles Marion Russel (1864~1926)

 

http://www.google.fr/images?client=firefox-a&rls=org.mozilla:fr:official&channel=s&hl=fr&q=Charles+Marion+Russell&um=1&ie=UTF-8&source=univ&ei=GRzTTPWeNcSK4QaUqInbDg&sa=X&oi=image_result_group&ct=title&resnum=1&ved=0CCkQsAQwAA

Charles Éphraïm Burchfield (1893~1967)

http://www.google.fr/images?client=firefox-a&rls=org.mozilla:fr:official&channel=s&hl=fr&q=Charles+Burchfield&um=1&ie=UTF-8&source=univ&ei=1hzTTP_MO92O4gabrvTADg&sa=X&oi=image_result_group&ct=title&resnum=1&ved=0CC4QsAQwAA

Maynard Dixon (1875~1946)

http://www.google.fr/images?client=firefox-a&rls=org.mozilla:fr:official&channel=s&hl=fr&q=Maynard+Dixon&um=1&ie=UTF-8&source=univ&ei=VB3TTOaJF4Gv4QaV4MStDg&sa=X&oi=image_result_group&ct=title&resnum=2&ved=0CDcQsAQwAQ

Marsden Hartley (1877~1943)

http://www.google.fr/images?client=firefox-a&rls=org.mozilla:fr:official&channel=s&hl=fr&q=Marsden+Hartley&um=1&ie=UTF-8&source=univ&ei=mx3TTJx5itTiBsmv6LAO&sa=X&oi=image_result_group&ct=title&resnum=1&ved=0CDMQsAQwAA

Stuart Davis (1892~1964)

http://www.google.fr/images?client=firefox-a&rls=org.mozilla:fr:official&channel=s&hl=fr&q=Stuart+Davis&um=1&ie=UTF-8&source=univ&ei=PR7TTIKdIOaN4gaw0-CBDw&sa=X&oi=image_result_group&ct=title&resnum=1&ved=0CC4QsAQwAA

Thomas Hart Benton (1889~1975)

http://www.google.fr/images?client=firefox-a&rls=org.mozilla:fr:official&channel=s&hl=fr&q=Thomas+Hart+Benton&um=1&ie=UTF-8&source=univ&ei=hh7TTIdkldPiBpXjvLAO&sa=X&oi=image_result_group&ct=title&resnum=1&ved=0CC8QsAQwAA

Gottado Piazzoni (1872~1945)

http://www.google.fr/images?hl=fr&client=firefox-a&hs=8zm&rls=org.mozilla:fr:official&channel=s&q=Gottardo+Piazzoni&um=1&ie=UTF-8&source=univ&ei=5x7TTKjRNOaX4gb-1ry1Dg&sa=X&oi=image_result_group&ct=title&resnum=2&ved=0CDEQsAQwAQ

[1] Brice MATTHIEUSSENT (1950) est diplômé de l’E.N.S. des Mines de Paris (1973), est titulaire d’une licence et Maîtrise de philosophie (1974) et d’un doctorat d’Esthétique. Il enseigne l’histoire de l’art contemporain et l’esthétique à l’École Supérieure des Beaux-arts de Marseille depuis 1990 et enseigne aussi à l’École Nationale Supérieure de la photographie à Arles. Il participe aussi au Mastère de Traduction Littéraire de Paris. Il est traducteur de nombreuses fictions de langue anglaise depuis 1975 et est directeur de collection aux Éditions Bourgois à Paris depuis 1990. Il auteur d’un roman paru en 2009, Vengeance du traducteur.

 http://www.pol-editeur.com/index.php?spec=auteur&numauteur=250

"Jim Harrison de A à X" de Brice MATTHIEUSSENT

http://www.christianbourgois-editeur.com/une-nouvelle.php?Id=50

9 janvier 2011

LES MINORITÉS INDIENNES AUX ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE du XVIe au début du XIXe siècle

LES MINORITÉS INDIENNES AUX ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE[1]

du XVIe au début du XIXe siècle

 On estime généralement qu’au XVI e siècle, au début de la colonisation européenne, le nombre d’Indiens vivant sur le territoire occupé aujourd’hui par les États-Unis ne dépassait pas 1 200 000. La plupart vivaient à l’état tribal. On comptait encore 250 au début des années 1980.

On distingue ces tribus par leur langage et leurs dialectes. Le linguiste et anthropologue Edward Sapir (1884~1939) a publié en 1924 une classification en six grandes familles linguistiques :des tribus indiennes d'Amérique du Nord

-eskimo-aléoute, en Alaska, au Canada septentrional, au Groenland par les Esquimaux et les Aléoutes (pêcheurs).

-algonkin-wakash, de la côte atlantique à la côte pacifique dont les principales tribus sont les Crees, Delawares, Chippewas ou Ojibwas, Micmacs, Pieds-Noirs, Cheyennes, Arpahos ;

-na-déné, dans le Nouveau-Mexique où vivent entre autres les Navajos et les Apaches ;

-penutia, en Californie dont les principales tribus sont les Maidus, Miwoks, Yokuts, Klamaths ;

-hoka-sioux, dans les Grandes Plaines, le Sud-Ouest et le Sud-Est des États-Unis pratiqué entre autres par les Sioux, Dakotas, Crows, Pawnees, Cherokees, Iroquois ;

-uto-aztèque-tano, dans les plaines du Sud, le Sud-Ouest principalement pratiqué par les Hopis, Comanches, Zunis.

Certaines de ces tribus cultivaient le maïs, celles des plaines vivaient de la chasse au bison (de 50 à 75 million de têtes au début du XVIe siècle). Les seuls animaux domestiques étaient le chien et la dinde. Les Européens introduisirent le cheval, les moutons dans le Sud-ouest, et les poules.

Dans les Plaines, des sociétés nomades ou sédentaires(les Sioux, les Cheyennes, les Comanches, les Mandans, les Pawnees), sans pouvoir centralisé et à forte connotation guerrière se développèrent.

Dans le Sud-Est, Les Natchez, les Creeks, les Cherokees dans le Sud-Est étaient des sociétés sédentaires fortement hiérarchisées.

Il pouvait exister entre certains peuples des relations pacifiques d’échanges commerciaux ou de voisinage. Les chasseurs nomades du Labrador et du Nord des Grands Lacs, les Assiniboines, les Montanais, les Ottawas, les Micmacs entretenaient des relations commerciales avec les peuples sédentaires hurons et iroquois. Les Hurons et les Iroquois étaient  politiquement organisés en confédérations. Dans le Sud-Ouest, les Pueblos, agriculteurs sédentaires, vivaient en théocratie. Ils avaient accepté le voisinage avec des Navajos et des Apaches venus du Nord.

La plupart des tribus nomades se livraient une guerre continuelle.

Dès la première moitié du XVIIe siècle, dans les colonies de peuplement des colonies anglaises où s’installaient des agriculteurs, les Indiens commencèrent à être refoulés par les Anglais et privés de leurs terrains de chasse. Le système des « réserves » fut introduit en Virginie dès 1656. Aussi, les escarmouches entre Indiens et Blancs devinrent incessantes. En 1675/76, le chef de la tribu des Wampanoags ayant pris la tête d’une coalition rassemblant la plupart des Indiens établis entre le Maine et le Connecticut  ravagea la Nouvelle-Angleterre et détruisit une vingtaine de localités.

Durant les guerres franco-anglaises, au XVIIIe siècle, pour obtenir l’alliance des différentes tribus, les deux parties rivalisèrent de cadeaux et promirent solennellement la signature de traités et l’achat des terres.

Après l’indépendance des États-Unis, l’ordonnance du Nord-Ouest en 1787 confirma qu’aucune tribu ne pouvait être privée de ses terres ou de sa liberté, sauf dans le cas d’une guerre légalement autorisée par le Congrès. Mais, dès cette époque, la ligne des Appalaches était déjà largement franchie par les colons.

Au XIXe siècle

Dans les années 1830/1840, la politique du gouvernement américain devint coercitive à l’égard des Indiens :

À l’Est du Mississipi, 100 000 Indiens Cherokees et Seminoles, ayant refusé de vendre leurs terres, furent transplantés de force à l’Ouest du fleuve, vers le Territoire indien (l’actuel Oklahoma) créé dès 1834. Ces Indiens déportés étaient placés sous l’autorité du Bureau des affaires indiennes.

La grande poussée de l’émigration blanche vers l’Ouest commença en 1848 avec la découverte de l’or en Californie. 

Dans les Grandes Plaines, les épizooties, la sécheresse et les massacres provoquèrent la disparition progressive des bisons dont il ne restait plus que quelques centaines de têtes en 1890. Les Indiens tiraient de cet animal la base de leur nourriture. Les peaux et les carcasses servaient aussi à confectionner leurs vêtements, leurs outils, leur habitat, leurs médicaments. À cela s’ajoutait l’implantation d’agriculteurs sédentaires qui procédaient à l’installation de clôtures autour de leurs propriétés. Les bases de l’économie de chasse traditionnelle des Indiens s’effondra.

En 1871, il fut décidé que les tribus perdaient leur pouvoir indépendant. Désormais, aucun traité ne pourrait être conclu avec elles.

Sur le sentier de la guerre :

Les guerres indiennes occupent toute la deuxième partie du XIXe siècle.

 En 1862, guerre de Little Crow : Les Sioux Santees (Dakotas) dévastèrent le Minnesota et capturèrent un millier de blancs. Ils furent battus par le général Sibley à Wood Lake. 38 chefs sioux furent pendus à Mankato.

 En 1864, les Cheyennes prirent la tête d’une coalition rassemblant les Apaches, les Comanches et les Kiowa. Le colonel John Chivington organisa le massacre des Indiens à Sand Creek. Les Apaches, les Comanches et les Kiowa furent contraints d’accepter leur réinstallation dans le Territoire indien au Nord de la Rivière Rouge.

 En 1867, le Congrès établit une commission de paix. En 1867, le traité de Fort-Laramie finit la guerre des Plaines et garantit la région des Black Hills aux Sioux.

Avant1871, plus de 400 traités avaient été conclus avec les nations indiennes. Cette année là, une loi stipula qu’ «aucune tribu ou nation indienne ne sera reconnue en tant que tribu ou puissance indépendante avec laquelle les USA puissent contracter des traités. »

En 1875, l’or est exploité dans les Black Hills du Dakota du sud que le gouvernement avait pourtant promis de respecter.

En 1876, les Sioux et les Cheyennes commandés par Sitting Bull refusèrent de regagner leur réserve. Le 25 juin, sur les bords de la Little Bighorn, le Colonel Georges Custer (1839~1876), qui avait attaqué un village indien, est cerné par 2 500 Sioux dirigés par Crazy Horse, mourut avec 264 hommes de la 7ème cavalerie.

En janvier 1877, le Général Nelson Miles surprit Crazy Horse dans son camp d’hiver et dispersa ses hommes. Crazy Horse se rendit en mai.

Les Nez-Percés, conduits par le chef Joseph, qui avaient fait un dernier effort pour échapper à la transplantation, furent vaincus en octobre 1877 et déportés en Territoire indien.

La dernière grande guerre indienne fut menée par les Apaches de l’Arizona et du Nouveau Mexique, de 1882 à 1886, sous le commandement de Vitorio et de Geronimo. Après leur défaite, tous les Indiens étaient regroupés sur le Territoire indien ou dans des réserves. L’Allotment Act de 1887 leur attribua un statut officiel.

Le 15 décembre 1890, Sitting Bull fut assassiné. Le 29, un massacre eut lieu à Wounded Knee où 120 hommes, dont Big Foot, 230 femmes et enfants sioux, oglalas, lakotas et minneconjus furent tués. Le 15 janvier 1891, vit la reddition indienne définitive.

Les causes de la défaite :

-leur infériorité numérique considérable,

-leur division et leur opposition entre tribus

-leur armement très inférieur.

Les causes de la quasi disparition des Indiens :

-leur non-résistance aux microbes venus d’Europe avec les immigrants (variole, rougeole, choléra). En 1764, lord Jeffrey Amhert (1717~1797) [2]qui était commandant en chef des troupes anglaise aurait déclenché volontairement l’épidémie de variole[3] dont furent victime les membres de la tribu Delaware qui assiégeait le fort Pitt (Pittsburgh, Pennsylvanie) favorisant la défaite des Indiens à Bushy Run. Dans les années 1830/1840, une autre épidémie de variole dans le bassin du Missouri entraîna la disparition presque complète des Pieds-Noirs. De 1849 à 1851, les Indiens de l’Oregon ont été décimés par le choléra.

-les famines dues à la disparition des bisons et, dans les réserves, la non-distribution des vivres promis par les traités.

-l’alcoolisme principalement dans les réserves.

Vers 1900, le nombre d’Indiens était descendu à environ 250 000. 

Au XXe siècle 

Pendant la première Guerre mondiale, on a compté 6 000 volontaires sur les 8 000 Indiens qui servirent dans l’armée et la marine.

En 1924, le Congrès, accorde en reconnaissance, aux Indiens la citoyenneté s’ils ne l’avaient pas encore. Mais jusqu’en 1948, le Nouveau-Mexique et l’Arizona leur refusent le droit de vote. La plupart d’entre eux restent, jusqu’à ce jour, indifférents aux luttes électorales.

La condition des Indiens resta particulièrement précaire jusqu’à la loi de 1934 qui leur ouvrit des crédits pour acheter des terres et du bétail. 


 

[1] Sources : Dictionnaire d’histoire universelle  en 1 volume Michel MOURRE (Jean-Pierre Delarge – Bordas)

Petit ROBERT des noms propres (Dictionnaires Le Robert – 27 rue de la Glacière 75013 PARIS)

Quid – Dominique et Michèle FRÉMY (Robert Lafond www.quid.fr)

[2] Lord Jeffrey Amhert (1717~1797) qui était commandant en chef des troupes anglaise aurait déclenché volontairement l’épidémie de variole

http://cyberacadie.com/index.php?/deracinement_biographie/Jeffery-Amherst-1er-baron-Amherst.html

[3]Voici un extrait de sa correspondance avec son subalterne, le colonel Henri Bouquet, mercenaire d’origine suisse : « You will do well to try to innoculate the Indians by means of blankets, as well as every method that can serve to extirpate this execrable race. » (« Vous feriez bien d'essayer d'infecter les Indiens avec des couvertures, ou par toute autre méthode visant à exterminer cette race exécrable. ») http://fr.wikipedia.org/wiki/Jeffery_Amherst


 

 

9 janvier 2011

Jim HARRISON (1936) - Dalva (1987)

Jim HARRISON (1936) -Dalva (1987),

 traduit de l’anglais par Brice MATTHIEUSENT[1]

Dans le premier livre de cette saga familiale, Dalva s’adresse au fils qu’elle a mis au monde trente ans plus tôt, alors qu’elle n’avait que seize ans. Qu’est devenu le bébé qui, sitôt né, lui a été retiré et a été confié à une famille adoptive ? Désire-t-il seulement la connaître ? Dalva cherche à voir clair dans son propre destin et tente de fournir à ce fils inconnu qu’elle recherche, les clés qui l’aideront à se situer dans la lignée des descendants de John Wesley Northridge. Quel secret cache cet enlèvement du fruit de son amour pour Duane, le jeune métis sioux qui travaille au ranch de Grand-père ?

Dalva doit faire un choix d’existence. Employée dans un hôpital de Santa Monica en Californie où elle vit depuis une dizaine d’années, vient d’être congédiée pour avoir pris trop à cœur son travail social auprès de jeunes en détresse. Sérieusement menacée physiquement par l’oncle violeur d’un de ses protégés, elle quitte la région pour le ranch familial au Nebraska. Elle espère remplacer sa mère Naomi qui prend sa retraite du poste d’institutrice de l’école du village.

Carte_de_l_expansion_des_Etats_Unis_au_XIX_me_si_cle


 

AuCouverture_du_livre lendemain de la guerre de Sécession, l’arrière-grand-père de Dalva parcourait les terres indiennes du Middle-West. Missionnaire méthodiste, il était aussi chargé de sédentariser les peuples sioux en leur enseignant l’art de cultiver la terre.S’il n’a réussi ni à christianiser, ni à fixer les indiens nomades sur les terres ingrates qui leur étaient abandonnées, il a appris à connaître, à comprendre, à aimer les farouches guerriers que sont les Sioux et à s’en faire le défenseur. Paradoxalement, Northridge était aussi un pionnier qui a su mettre en valeur les terres qu’il s’est vu attribuer au Nebraska. Il a opportunément acquis à bon prix les biens de fermiers en échec. En même temps qu’un immense domaine prospère, le fils né de son union avec une indienne a hérité des cahiers où il notait le fruit de ses travaux d’ethnologue, ses observations du milieu naturel, ses confessions et tenait son journal.

Grand-père était habité par les deux cultures. Élevé chez les Indiens, il partageait avec Salva le respect de la nature sauvage, savaient prendre le temps de la contempler, d’observer la faune et la flore, avaient le goût des chevauchées dans les grandes plaines et l’amour des chiens et des chevaux. Le contenu de la bibliothèque de Grand-père, les tableaux qui la décoraient, le contenu de sa cave, révélaient l’étendue de sa culture, la qualité de ses choix esthétiques et le raffinement de ses goûts. Homme d’affaire avisé il avait su gérer ses biens et s’était encore enrichi. Il s’était employé à protéger d’une exploitation maladroite ou malsaine le matériel ethnographique légué par son père.

Grâce à Michael, qui prend le relai du récit dans le deuxième livre, nous pourrons lire avec lui certaines pages des cahiers de l’arrière grand-père de Dalva. Michael est un universitaire spécialiste de l’histoire de la résistance des Amérindiens à l’armée des États-Unis pendant la Conquête de l’Ouest. Dalva l’a autorisé à consulter sur place les deux coffres de documents de J. W. Northridge. Né dans une cité minière, puis étudiant et professeur en ville, Michael réalise rapidement que ses discours aussi péremptoires qu’emphatiques et fumeux n’ont aucune portée auprès des ranchers du Nebraska.  Naïf, voire niais, dans cet environnements, ce professeur alcoolique en sevrage apprendra à ses dépens que force, résistance physique et bagarres y font loi. Ses tribulations au Nebraska, qu’il rapporte non sans autodérision, alternent avec les désillusions de J. W. Northridge dans cette deuxième partie du roman.

Dalva est une femme de son temps. Active engagée dans la vie sociale et passionnée, elle essaie de concilier ce qui a été et ce qui est. Sensuelle, sensible aux autres, elle vit pleinement l’instant présent. Elle fait corps avec la nature des grandes plaines, des routes rectilignes interminables, du désert de l’Arizona, de l’océan Atlantique, de l’immense golfe de Californie et aime se ressourcer dans des lieux de solitude absolue. Elle est habitée par le sens de la famille et l’amour des siens.

Dalva, Michael et la plupart des héros de ce récit sont à un tournant de leur vie. Noami va prendre sa retraite et se consacrer davantage à sa passion d’ornithologue, pour laquelle ses observations sur le terrain sont appréciées des spécialistes. Ruth, sa fille cadette, confinée à Tucson depuis que son époux Ted a décidé de vivre son homosexualité, se décide enfin à vivre pour elle-même et vit une passion amoureuse rocambolesque avec un prêtre catholique partagé entre sa sexualité et ses remords.

Que le lecteur ne soit pas intimidé par les 472 pages de ce roman, ni, dans le premier livre, par l’abondance des personnages, dont certains ne sont que de passage, ni par l’afflux des lieux qui jalonnent l’existence des héros, ni par la chronologie volontairement déstructurée par Jim HARRISON ! Quelques pages de persévérance et il se laissera emporter dans la quête existentielle de Dalva. Dans le troisième livre « Retours », la chronologie se stabilise tout comme l’héroïne qui voit s’éclaircir son horizon.

Carte_des_Etats_Unis_d_Am_rique

Nous sommes en 1985, Depuis 150 ans environ, les États-Unis d’Amérique, construits par des immigrants européens fermement décidés à fuir la misère, utopistes pour certains, fanatiques pour d’autres, cupides et assoiffés de richesses pour d’autres encore, sur les territoires occupés par des civilisations antérieures, peuples querelleurs sédentaires ou nomades qu’ils ne se sont pas donné la peine de comprendre, imbus qu’ils étaient de détenir la Vérité, conscients de leur supériorité numérique et de la puissance de leurs armes. Chaque génération est marquée par les séquelles d’une guerre, de Sécession pour l’arrière-grand-père, Première Guerre Mondiale pour le grand-père, Deuxième Guerre Mondiale pour le père de Dalva, de Corée où son avion a été abattu, du Viêt-Nam dont Duane ne se remettra pas. Le Président Reagan[2] soutient les rebellions d’Amérique Centrale et d’Angola et aide militairement les insurgés afghans. Sur le plan social et économique, son gouvernement encourage les productivités industrielle et agricole intensives, les sociétés privées sont favorisée au détriment des services publics. La surconsommation et l’endettement augmentent. Les plus faibles en faillite se trouvent sans ressources. La goinfrerie boulimique, l’alcoolisme et la consommation de drogue sont en expansion. Le milieu gay prend conscience du développement du sida. Les germes des crises de la fin du XXe et du début du XXIe siècle sont en place.

Aucune nostalgie, aucun jugement à postériori dans cette saga, aucune prise de position partisane affirmée, aucune dénonciation accusatrice. Les faits sont ce qu’ils sont, même si ça gratte où ça fait mal. C’est comme ça. Il faut en tenir compte. C’est tout. Jim HARRISON raconte une belle histoire pleine d’humanité, une belle histoire de femme, dans ce magnifique roman qui se déguste.

Pour voir le message sur La Route du Retour (1998)


[1] Brice MATTHIEUSSENT (1950) est diplômé de l’E.N.S. des Mines de Paris (1973), est titulaire d’une licence et Maîtrise de philosophie (1974) et d’un doctorat d’Esthétique. Il enseigne l’histoire de l’art contemporain et l’esthétique à l’École Supérieure des Beaux-arts de Marseille depuis 1990 et enseigne aussi à l’École Nationale Supérieure de la photographie à Arles. Il participe aussi au Mastère de Traduction Littéraire de Paris. Il est traducteur de nombreuses fictions de langue anglaise depuis 1975 et est directeur de collection aux Éditions Bourgois à Paris depuis 1990. Il auteur d’un roman paru en 2009, Vengeance du traducteur.

http://www.pol-editeur.com/index.php?spec=auteur&numauteur=250

"Jim Harrison de A à X" de Brice MATTHIEUSSENT

http://www.christianbourgois-editeur.com/une-nouvelle.php?Id=50

[2] Les deux mandats du Président Reagan : 1980~84 et 1984~1988

 

 

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