Dino BUZZATI (1906~1972) - L’écroulement de la Baliverna (1956)
Traduit de l’italien par Michel BEITMAN
LE LIVRE est un recueil composé de 32 contes.
Dans certains de ces contes, BUZZATI traite du sentiment de culpabilité :
- L’écroulement de la Baliverna : Le narrateur fuit sa responsabilité indirecte dans une catastrophe et est obsédé par la crainte du châtiment.
- Le chien qui a vu Dieu : Par son regard, un chien errant réveille la mauvaise conscience de chaque habitant d’un village. Sa présence est interprétée comme le jugement de Dieu sur leurs gestes les plus intimes et révolutionne leur conduite.
- Les gladiateurs : Monseigneur, seul dans la campagne, provoque, pour se distraire, un combat cruel entre deux araignées jusqu’à ce que la plus faible soit anéantie par l’autre. À ce moment, il lui semble percevoir une expression dure et cuisante provenant des yeux de la victime ainsi qu’une présence invisible derrière lui.
- La fillette oubliée. Invitée à la campagne pour quelques jours chez des cousins, Ada est taraudée par le doute après qu’un nommé Imbastaro lui ait demandé « Pourriez-vous jurer que vous avez laissé votre maison parfaitement en ordre, de n’avoir absolument rien oublié ? ».
- Le dénonciateur. Un homme a exprimé imprudemment son avis sur un massacre. Il craint tellement d’être dénoncé par un de ses interlocuteurs, parmi lesquels se cachait un traitre, qu’il finit par se trahir lui-même.
D’autres sont irrévérencieuses pour des institutions politiques, l’église, l’armée.
- Jusqu’à la dernière goutte de sang : Proclamer et menacer n’est pas agir
- Un corbeau au Vatican. Dans un texte surréaliste, onirique, il imagine un pèlerin, qui se rend à Rome, est transformé en corbeau et frappe vainement aux portes du Vatican rejeté par tous comme incarnation du démon. Seul, le pape semble l’attendre
- Les tentations de saint Antoine ou les distractions d’un prêtre pendant sa leçon de catéchisme.
- Rigoletto avec une revue militaire surréaliste.
La lutte entre le bien et le mal en est aussi le thème comme dans
- Garage Erebus
- Triomphe
L’enfermement, l’isolement est déjà un thème déjà rencontré dans Le désert des Tartares, ainsi dans
- Il était arrivé quelque chose : Il décrit l’inquiétude et la peur des passagers d’un train qui traverse un pays déserté et ne s’arrête plus dans aucune gare. Que s’est-il passé pour que tout le monde ait fuit ?
À la lecture de cette nouvelle, chacun peut avoir à l’esprit ces trains qui traversèrent l’Europe, transportant dans leurs wagons scellés des voyageurs ignorant leur destination, dans l’indifférence ou l’aveuglement général.
- La grosse couleuvre : Les habitants d’un village déserté hors saison touristique comble son ennui en réveillant l’intérêt pour leur village chaque hiver, avec une couleuvre mythique qui aurait été aperçue aux environs.
- Le frère transformé : Un jeune garçon ne reconnaît plus son frère, meneur de chahuts et particulièrement turbulent tant il change totalement de comportement depuis son entrée dans un pensionnat.
- L’homme qui voulut guérir ou de la difficulté de se réinsérer pour quelqu’un qui s’est retiré du monde et l’impossibilité de le faire quand la société vous a stigmatisée.
Il dénonce la vanité de l’Homme qui se place au centre la société ou de l’univers dans :
- Sic transit. Un matin, un ministre découvre qu’il n’est plus qu’un homme ordinaire sans l’apparat qui l’accompagnait jusqu’à la veille.
Sujets qu’il illustre par la science fiction.
- 24 mars 1968. N’oublions pas que le recueil est paru en 1954. Tout comme Icare du dieu soleil, des hommes s’approche trop près de Dieu.
- La soucoupe se posa, où l’homme imagine être la créature la plus parfaite de l’univers.
- La machine à arrêter le temps. Que se passerait-il si l’on réussissait à arrêter le temps ? BUZZATI traitera aussi de la stagnation du temps et de sa fuite dans Le désert des Tartares.
- Rendez-vous avec Einstein. Au service de qui sont les applications des grandes découvertes scientifiques ?
Dans d’autres nouvelles, l’homme se débat dans un univers kafkaïen :
- L’obscurité : Un automobiliste tombé en panne d’essence dans un endroit désert en montagne, trouve asile dans une auberge isolée dont tous les hôtes ont un étrange comportement et semblent de connivence.
- Les souris. Des souris s’approprient une résidence à la campagne et soumettent les propriétaires à leur service.
Le traitement allégorique cette nouvelle par BUZZATI lui permet de déjouer la censure. Les souris peuvent illustrer la montée puis l’installation du fascisme dans une société : l’incursion insidieuse, les premiers signes visibles négligés, l’accommodement progressif aux contraintes qu’elle impose, la prise de conscience de l’invasion trop tardive alors qu’on n’a plus ni les moyens, ni le courage, ni la force d’y faire face, enfin le renoncement. Plus généralement, la métaphore de l’irruption de phénomènes nocifs peut s’appliquer à d’autres menaces d’emprises sur notre société.
Dans Les amis,Toni Appacher, mort depuis vingt jours à peine, revient demander l’hospitalité aux amis qui l’on tant pleuré à son enterrement. Aucun d’entre eux n’accepte de le reconnaître. Tous se sont faits à l’idée de cette morte, ont repris leurs activités ou réorganisé leur existence sur de nouvelles bases. Toni Appacher n’a plus sa place chez les vivants.
Les nouvelles de Dino BUZZATI sont aussi des contes moraux :
- L’enfant tyran : La démission éducative d’une famille terrorisée à l’idée d’affronter leur fils ou petit-fils fait de ce dernier un tyran qui les méprise et se joue de leur lâcheté.
- Un ver à la maison : Un ancien condisciple du collège perdu de vue depuis de nombreuses années surgit et s’impose dans la vie du narrateur.
- Le musicien envieux : Un musicien renommé et sûr de son talent découvre que le confrère modeste, qu’il méprise et ridiculise, est un compositeur de génie.
- Les cinq frères : Comment le génie du mal sème la discorde et le malheur dans une famille ?
- Ils n’attendaient rien d’autre : Un couple d’inconnus arrive dans une ville. La haine aveugle cachée au fond de chacun déchaîne une foule apparemment paisible contre eux, sous un prétexte futile et conduit celle-ci progressivement au meurtre.
- À l’hydrogène ou l’effet d’une rumeur.
- La machine ou le combat de David et Goliath revu par BUZZATI.
- Nuit d’hiver à Philadelphie Un guide de haute montagne découvre, en 1945, les traces de parachutistes américains tombés pendant la guerre. La montagne a gardé l’histoire de leur mort.
Dino BUZZATI, journaliste démontre dans L’avalanche la relativité de la notion d’évènement.
Un charme étrange à la fois agréable dans leur narration et angoissant quant au fond du propos se dégage de tous ces contes allégoriques. Ils révèlent, chez BUZZATI, un profond pessimisme sur la nature du genre humain, une inquiétude sur les conséquences des phénomènes politiques et sociaux sur la liberté d’expression, le libre-arbitre de chacun.
Les certitudes, les embrigadements, le laxisme, la complaisance, l’aveuglement, la lâcheté, le renoncement sont des menaces permanentes, pour BUZZATI. « Soyons vigilant ! », pourrait être son message.
Le K (1966) - Dino BUZZATI (1906~1972)
Le désert des Tartares - Dino BUZZATI (1906~1972)