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9 août 2010

Dany LAFERRIÈRE (1953) - L’énigme du retour (2009)

Dany LAFERRIÈRE (1953) - L’énigme du retour (2009)

 

« La nouvelle coupe la nuit en deux.

L’appel téléphonique fatal

que tout homme d’âge mûr

reçoit un jour.

Mon père vient de mourir. »(p13)

La dictature de Papa doc pour son père, de Bébé doc pour Dany LAFERRIÈRE une génération plus tard, a fait d’eux des exilés. Destinées communes. Seulement, la vie les a séparés. Quelles images a-t-il de ce père qu’il n’a jamais revu, sinon ces deux photos et son souvenir entretenu par sa mère ? Les bons moments de l’enfance, la chaleur familiale, la jeunesse studieuse et passionnée, les débuts professionnels, la conscience d’avoir une vocation, la survie dans l’exil, l’adaptation à ce pays si différent aux hivers si longs, refont surface.

« Foule dans cette église de Manhattan

pour un homme qui a vécu seul

les dernières années de sa vie.

On ne l’avait pas oublié.

Comme il ne voulait voir personne

on a attendu patiemment sa mort

pour lui rendre hommage. (p63)

Une femme l’attend depuis cinquante ans. Il ne sera pas mort « tant que cette femme ne saura la nouvelle. » Le narrateur en sera  le messager. Il regagne Haïti après trente-trois ans.

Arrivé à Port-au-Prince, bien décidé à ne pas verser dans la nostalgie, c’est avec le détachement d’un Américain du Nord en visite que l’écrivain note sur son carnet noir le soleil, la chaleur, la sueur, la poussière, le bruit, le bidonville, la déambulation chronique de la foule, la misère, la faim, le manque d’eau, les coupures d’électricité, les marchés, les petits métiers, les klaxons, mais aussi les chiens, les oiseaux, un lézard, quelques arbres et l’insécurité toujours présente sous une autre forme.

Quel calme, au dessus de la ville ! Là haut, sur la montagne, villas luxueuses, inhabitées pour la plupart ou louées aux étrangers chargés de sortir le pays de la misère, hôtel confortable et bar convivial, point de ralliement des journalistes étrangers en reportage. 

L'auteur retrouve sa famille. Les notes sur sa mère pleines de délicatesse sont très émouvantes. Quel avenir pour son jeune neveu et ses amis ? Les souvenirs reviennent se confrontent au présent.

Et puis, accompagné de Dany son neveu, qui porte le même prénom que lui, il entreprend un parcourt à l’intérieur de l’île au relief tourmenté avec sa végétation exubérante, ou désolée, ses cultures de cannes à sucre, ses routes cahoteuses. Il retrouve des amis, des artistes, ceux qui sont restés ou qui sont revenus.

Dany LAFERRIÈRE se doit d’annoncer le décès aux anciens amis politiques de son père. L’un, ancien ministre, amateur de peinture, a transformé sa vaste demeure en musée d’œuvres majeures des peintres haïtiens les plus talentueux. C’est pour lui l’occasion d’évoquer les artistes naïfs qui transcendent la misère et le dénuement en représentation de végétation luxuriante aux couleurs primaire. L’autre ami de son père qui s’est retiré du monde et vit modestement aidé de sa petite fille lui offre une poule noire.

Avec la Buick 57 du ministre pilotée par son chauffeur, ils traversent des régions très isolées mais sont toujours reçus avec déférence par une population pourtant nécessiteuse imprégnée de rites occultes. L’espace entre le paradis chrétien et le vaudou se rétrécit. La compagnie de la poule noire fait de son neveu Legba dieu vaudou qu’on est honoré de recevoir et lui d’Ogou, un dieu colérique et jaloux qu’il est important d’amadouer, deux dieux gardiens du royaume des morts.

C’est seul, qu’il poursuivra sa route vers Baradères, le village natal de son père où, à défaut d’y ramener le corps dans son cimetière, il pourra méditer sur ses origines et le sens de la vie.

Familier des chroniques, Dany LAFERRIÈRE trouve des formules percutantes pour exprimer des pensées qui donnent à méditer. Il note ses observations, ses commentaires et ses réflexions sous forme de strophes en vers libres, alternant avec des explications en prose. Il faut s’habituer aux dialogues en continu, déconcertants au début.

 

Photo de Frank Étienne et Dany LAFERRIÈRE

 

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